Conseil Général du Bas-Rhin – Séances plénières des 13 et 14 décembre 2010
Intervention générale au nom du groupe socialiste
Philippe BIES
Monsieur le Président, Chers Collègues,L’examen de notre budget 2011 survient dans un contexte particulier auquel tous les départements de France sont confrontés. Celui d’une grave crise de leurs recettes et d’une augmentation de leurs dépenses sociales, consécutive aux effets de la crise bien sûr, mais aussi au désengagement financier d’un gouvernement qui ne remplit plus ses missions régaliennes et qui transfère progressivement ses déficits aux collectivités locales. Ces transferts sans compensation, déjà graves, ne suffisent cependant plus à un gouvernement qui semble être entré en guerre contre ses collectivités.En effet, à ces charges supplémentaires, voilà que l’Etat a rajouté une baisse des recettes de la collectivité, fruit d’une double action : la suppression de la taxe professionnelle, conduite au pas de charge et sans s’interroger sur son efficacité, et le gel des dotations.La réforme de la taxe professionnelle votée dans la loi de finances pour 2010 va finalement coûter entre 7 et 8 milliards € selon le rapporteur général de la commission des finances Gilles CARREZ (UMP – Val de Marne). Très exactement 8,9 milliards € en 2010 (au lieu des 3,9 milliards prévus) et 7 milliards en 2011Quant au gel des dotations, nous le savons tous, vous le savez Monsieur le Président, il constitue en réalité une baisse car les coûts de nos investissements, le prix de nos prestations, eux, ne sont pas gelés mais en hausse constante.Ce constat n’est pas celui de votre seule opposition de gauche. Il est partagé par l’ensemble des élus locaux, du PS comme de vos collègues UMP dès lors qu’ils abandonnent la simple posture militante. J’en veux pour preuve la résolution adoptée à l’unanimité par les 102 présidentes et présidents de Conseils Généraux à l’occasion du 80ème congrès de l’Assemblée des Départements de France en octobre dernier.La semaine dernière, un Président de Conseil Général a eu des mots particulièrement durs pour qualifier la situation dans laquelle se retrouvait son institution du fait de cet effet ciseau, baisse des recettes, hausse des dépenses, imposée aux collectivités par le Gouvernement.Permettez-moi de le citer. Il constatait tout d’abord un trou dans les compensations que lui devait l’Etat qui représentait « un manque à gagner cumulé de 237M d’€ sur les 5 dernières années ».Il précisait ensuite que la réforme de la fiscalité locale a réduit à peau de chagrin l’autonomie financière de son département. Il dénonçait le chemin pris à rebours de la décentralisation. Il conclut par un tonitruant « On n’est plus en démocratie ». Pour ma part, je ne partage pas cette sentence quelque peu extrême, non pas d’un élu du PS, mais de votre collègue de l’UMP, Charles Buttner, Président du Conseil Général du Haut-Rhin.Il n’empêche que nous souhaitons vous voir faire preuve de la même transparence que lui, en nous disant à combien de centaines de millions d’euros se monte la dette de l’Etat vis-à-vis du département du Bas-Rhin depuis 5 ans et les démarches que vous avez entreprises pour récupérer cette créance auprès de ce mauvais payeur.Les élus socialistes, et j’en suis certain les bas-rhinois, ne comprendraient pas que vous effaciez cette ardoise à l’heure où tant de besoins sont criants et non satisfaits.Ils attendent de votre part une autre réponse que votre « astuce fiscale » pour récupérer en catimini dans leurs poches un peu de l’argent que nous doit l’Etat.Cette responsabilité de l’Etat, je peux comprendre qu’il vous coûte de la reconnaitre tant vous vous êtes porté en première ligne de son offensive contre les collectivités, en participant activement à une « task force » qui n’aura contribué qu’a les affaiblir.Cependant, nous savons bien que vous partagez le même sentiment que tous vos collègues Présidents de départements, quel que soit leurs familles politiques.C’est d’ailleurs écrit noir sur blanc tout au long de la moitié de la présentation de notre budget. En page 3 où vous nous dites, je cite, « à quel point les départements sont touchés par la réforme fiscale » rajoutant que « la crise des finances publiques fait que la « situation des départements est globalement plus dégradée », « grande difficulté dans l’équation budgétaire », « confronté durablement à une atonie de nos recettes »… voici les termes que vous-même utilisez pour justifier d’un budget en régression. Un budget de régression pour les territoires Car votre projet de budget est marqué par ces contraintes que vos amis parlementaires UMP, dont certains sont ici présents, ont voté et que vous-même avez défendues avec ardeur.Aujourd’hui vous nous dites n’avoir d’autre choix que de faire de la rigueur, en faisant du désengagement des politiques du département envers les territoires et les personnes « le principal outil de pilotage budgétaire » (p.3).Ceci se traduit par deux hausses, celles des dépenses de fonctionnement qui atteindra 3,4% en 2011, et celle de l’annuité de la dette dont la charge au capital passera de 40M d’€ à 60M d’€ en 2011.La baisse concernera les investissements de notre collectivité. Après la chute vertigineuse de 2010 de ceux-ci de -22% entre 2009 et 2010, la descente se poursuit avec un nouveau recul prévu pour 2011 à 9,5%. Le mirage du plan de relance, que vous aviez soutenu à grand renfort de publicité, a donc vécu et avec lui les grands discours sur le soutien à l’activité économique porté par le département. La section de fonctionnement porte sans appel la marque de cette politique à l’austérité pour faire face à l’augmentation non compensée par l’Etat des dépenses sociales. Baisse de crédits à l’aménagement du territoire de 1,1%, de ceux consacrés à leur développement de 0,5%, stagnation des crédits consacrés à l’épanouissement de la personne… le choc sera rude.Les dépenses d’investissements confirment cette orientation avec une diminution de 16,9% des subventions d’équipement et de 2,8% des maitrises d’ouvrage.Ce désengagement du Conseil Général vis-à-vis des territoires nous le retrouvons dans de très nombreuses politiques publiques à travers ce budget.Ainsi, dans l’aménagement du territoire avec la voirie qui passe de 67Md’€ en 2010 à 61 en 2011, l’investissement dans le transport ferroviaire de 11,4Md’€ à 6,2, les voiries communales dont les crédits diminuent de moitié pour s’élever à 2,5M d’€, les circulations douces qui subissent une véritable saignée, de près de 3M d’€ en 2010 ils n’y sont plus consacré que 750 000€.Le développement des territoires connait la même dégradation avec des crédits en baisse de 3,4M d’€ par rapport à 2010. Les diminutions portent sur le développement économique, l’enseignement supérieur, la recherche, la sécurité (SDIS et gendarmerie).Les politiques d’éducation, culturelle, du patrimoine, de jeunesse et des sports et loisirs n’échappent pas aux coupes puisque vous nous proposez de les ramener de 59,5M d’€ en 2010 à 57,3M d’€ en 2011. Si nous sommes satisfaits de l’augmentation forte des crédits prévus pour la construction et la restructuration des collèges, il n’en demeure pas moins que dans ces domaines les services aux personnes et aux acteurs du territoire ne peuvent connaitre d’évolution favorable avec une baisse de 2,2M d’€ des crédits.Il est vrai que ces capacités d’intervention sont fortement impactées par les crédits consacrés au château du Haut-Koenigsbourg qui passeront de 2,892M d’€ en 2010 à 4,326M d’€ en 2011. Nous avons toujours soutenu que jamais le département n’aurait dû accepter le transfert par l’Etat de ce monument prestigieux sans qu’il ne donne le moyen financier au Conseil Général pour assurer son entretien et sa réhabilitation.La décision prise par votre prédécesseur, votre ami, Philippe RICHERT coûte cher, très cher au contribuable bas – rhinois, au détriment de politiques publiques plus en phase avec les compétences du Conseil Général auprès des habitants.Par exemple, moins 400 000€ pour les sports de masse, moins 1M d’€ pour les équipements socio-éducatif, moins 200 000 € pour le soutien des actions des collectivités et des associations en faveur de la jeunesse (p 482). Ce désengagement, l’élu strasbourgeois que je suis, le perçoit (liste des baisses à Strasbourg). J’arrêterais là cette longue énumération qui marque un vrai constat : après un coup de massue fiscale sur les contribuables, vous nous proposez de faire moins pour ceux-ci.J’en arrive à ma conclusion.Elle portera, vous vous en doutez sur l’évènement politique de cette année 2010 dans notre département, à savoir la manœuvre cachée, secrète, que vous avez mis en place pour tromper votre majorité, votre opposition et les Bas-rhinois, afin d’augmenter vertigineusement la part départementale de la taxe d’habitation.Après nous avoir assuré lors de la mise en place de cette nouvelle politique d’abattement que celle-ci n’aurait pas de conséquences financières pour les ménages, après avoir finalement convenu que ces hausses considérables n’étaient qu’une « astuce» qui ne s’appliquerait qu’une seule année pour le contribuable, la vérité vous rattrape Monsieur le Président.La taxe Kennel s’appliquera chaque année car les intercommunalités sont dans l’incapacité de rétablir une politique d’abattement plus favorable, puisque les 18 millions que vous avez prélevés seront déduit par l’Etat des compensations versées aux communautés de communes.Monsieur le Président, je vous le dis avec gravité, la jubilation avec laquelle vous avez justifié votre « astuce fiscale », votre satisfaction de ce bon tour joué aux autres collectivités et aux Bas-rhinois avait quelque chose d’indécent en temps de crise. La démocratie a besoin de confiance et de transparence : confiance dans nos institutions, transparence dans les rapports entre tous les acteurs de la démocratie locale.Cette confiance vous l’avez rompue, et c’est une faute lourde que nous ne cesseront de dénoncer. Vous y avez ajouté le cynisme, en présentant votre astuce comme une mesure d’équité entre les communes au prétexte que les abattements étaient plus favorables dans les communes urbaines et que cela créait un déséquilibre avec les autres, en défaveur de ces dernières.Vous n’ignorez cependant pas que la taxe d’habitation est calculée sur les valeurs des bases locatives et que celles-ci sont beaucoup plus élevées en milieu urbain. Oui, Monsieur le Président, vous le savez, la taxe d’habitation d’un ménage habitant un appartement d’un quartier de Strasbourg, d’Haguenau ou de Sélestat est souvent nettement plus élevée que celle d’une maison en zone rurale.La vérité, et les chiffres le prouvent, c’est que votre taxe a frappé prioritairement les ménages des classes moyennes et modestes de nos agglomérations bas-rhinoise.Vous comprendrez alors qu’après une telle augmentation la «pause fiscale » que vous annoncez n’est pas sérieuse et qu’elle ne peut pas cacher votre responsabilité pleine et entière dans le prélèvement supplémentaire qu’ont connu une première fois dans les bas-rhinois cet automne, et qu’ils devront verser chaque année à l’avenir.Devant ce budget d’austérité pour les Bas-rhinois et les territoires, devant votre renoncement à réclamer à l’Etat ce qu’il nous doit, devant votre politique fiscale si injuste, les élus socialistes voteront résolument contre le budget primitif 2011. Source : Fédération PS67