Inuk

Publié le 21 janvier 2008 par Monsieur L'Adulte

Hier soir, alors qu’on entrait dans une nouvelle aire glacière et que les charrues ramassait les icebergs laissés en plan dans ma rue depuis vendredi, je croisais les doigts fort pour ne pas avoir à passer mes vacances d’été à harponner la baleine et autres mammifères marins dont j’utiliserais la graisse pour m’enrober le corps et les peaux de morse pour me couvrir les testicules. Prudence est mon mot d’ordre lorsqu’il s’agit de prévenir d’éventuelles engelures menant à l’ablation de membres nécessaires aux joies de la vie. De temps à autres, en tétant un bâton de lichen, je jetais de bref coup d’œil par la fenêtre givrée de mon salon glacial afin de m’assurer que la diminution de la population locale des phoques ne me contraindra pas à émigrer vers les terres intérieures. Et Pourtant, rien. Que du froid pinçant et du blanc hostile. Des frissons septentrionaux me parcourent. Mes tétons arctiques se tendent et durcissent. Bientôt il aurait disettes et famines impardonnables, me prévenait le chaman lors de notre dernier chant de gorge téléphonique. Je le sentais aussi. La vie dure et aléatoire à Québec s’assure que nous vivons, malgré notre cuir coriace et notre habitude des intempéries arbitraires, dans une peur constante des fatalités vengeresses. Bientôt j’aurai à partir avec mon attelage de chiens loups et quelques compagnons rescapés polaires, subsistant en petits groupes aux alentours des lieux de chasse au phoque et des falaises où nichent les oiseaux jusqu'à ce que les gensses de Mourrial, démons chrétiens, nous découvrent au printemps, grugeant des carcasses de morues, et nous désignent sous le nom d'Esquimaux polaires.