La chanson de Gil Scott-Héron illustre largement un point de vue qui s'est exprimé à propos de la révolution tunisienne : la révolution ne se fait pas plus à la télévision que sur Twitter. La force de la colère se suffirait à elle même. C'est sans doute un point de vue romantique qui ne correspond pas tout à fait à la réalité, de même que croire que les médias anciens ou nouveaux se suffisent à eux même. Dans un registre moins grave, la grève des abonnés de la SNCF pose la même question. Relayée dans de nombreux groupes Facebook, réverbérée par les grand médias, l'exaspération de nombreux voyageur est devenue l'objet d'une négociation publique.
Ces deux évènements, de nature différentes et d'ampleurs différentes donnent cependant une matière à penser le rôle des nouveaux médias – ou le rôle nouveau des médias – en s'appuyant sur l'idée géniale que A.O Hirschmann a formulé depuis bien longtemps. Deux réponses sont possibles en cas d'insatisfaction : la fuite ou la protestation, sortir ou gueuler, exit ou voice. Deux réponses de nature différente l'une silencieuse est de nature privée, l'autre bruyante prend la forme de l'action publique.
Une interprétation plus fine requiert une formulation en terme d'hystérésis qui n'est pas nouvelle en marketing ni en matière de satisfaction. On peut représenter les choses de la manière suivante : la probabilité de protester (ou inversement de se taire) est fonction de la variation d'insatisfaction.Dans le schéma précédent l'accroissement de l'insatisfaction a peu d'effet sur le comportement jusqu'au point où il provoque de manière catastrophique un changement dans la nature de la réponse. Ce changement peut être attribué à un effet de seuil, mais aussi plus simplement à l'écho que rencontre l'insatisfaction : même si on ne proteste pas on en parle entre soi jusqu'au point où chacun sachant le désarroi des autres une autre réponse que le silence, le murmure, la désaffection semble rationnelle.
Dans le cas de la Tunisie il semble clair que le fait d'avoir vu un homme simple hurler de douleur et brûlé a convaincu ceux de sa vie a changer d'attitude, et que les manifestation de sidi Bouzaid ont convaincu d'autres à changer de registre. Il en est sans doute de même pour les voyageurs de la SNCF : que quelques uns décident de ne plus montrer leur titre de paiement amène des autres non pas à les imiter, mais à se convaincre de l'inadéquation de leur réponse usuelle : le bougonnement.
Il faut aussi envisager le chemin inverse. Quel est l'effet des mesures d'apaisement destinées à réduire l'insatisfaction? Et bien, rien du tout, quand tous protestent même si l'insatisfaction est réduite, la probabilité de ne plus crier diminue faiblement. Le retour au chose normale est difficile même quand on fait tout pour y revenir (B). Et même totalement réduite, il en reste des traces. Cette asymétrie est fondamentale. Elle explique assez bien pourquoi on ne fait rien alors qu'il faudrait agir et pourquoi quand on agit il est souvent trop tard : en extrapolant linéairement l'insatisfaction on ne s'attend pas à la révolution, et quand on croit faire sérieusement marche en arrière on entame assez peu la volonté de révolte.
Revenons maintenant au rôle des médias sociaux. A l'évidence il ne sont pas la cause de la révolution tunisienne, ni celle des révoltés de la SNCF. Les causes sont dans un cas l'insupportable prévarication du pouvoir, et dans l'autre ces retards mal compensés et répétés. Mais dans un cas comme dans l'autre, ils ont très certainement accéléré la prise de conscience sociale de l'insatisfaction des autres, rendant plus probable la réponse à un niveau moindre d'insatisfaction. Ce qu'on représente dans la figure suivante. Il y a donc là une hypothèse vraisemblable à tester. Une double hypothèse : d'abord que l'effet d'hystéreris se justifie par la réflexivité des médias ( ancien ou nouveau), c'est le reflet dans le regard des autres de sa propre colère qui rend plus vraisemblable la réponse publique; ensuite que les médias sociaux accentue cet effet rendant plus probable à des niveau plus faible la protestation dans l'espace public. Dans la mesure où chacun possède son média personnel, y produisant et y consommant une information de proximité (spatiale et sociale), par rapport à un monde où l'évènement est reflète par les grands médias avec une grande selectivité, on peut s'attendre à ce que les insatisfaction produisent plus fréquentes des mouvement collectifs.
Pas toujours des révolutions, ni même des émeutes, mais au minimum des actions publique et collectives. Les révoltes ne sont pas des produits médiatiques, mais les nouveaux médias risquent de faire s'enflammer plus aisément les foyers de colère.
Ces deux évènements, de nature différentes et d'ampleurs différentes donnent cependant une matière à penser le rôle des nouveaux médias – ou le rôle nouveau des médias – en s'appuyant sur l'idée géniale que A.O Hirschmann a formulé depuis bien longtemps. Deux réponses sont possibles en cas d'insatisfaction : la fuite ou la protestation, sortir ou gueuler, exit ou voice. Deux réponses de nature différente l'une silencieuse est de nature privée, l'autre bruyante prend la forme de l'action publique.
Une interprétation plus fine requiert une formulation en terme d'hystérésis qui n'est pas nouvelle en marketing ni en matière de satisfaction. On peut représenter les choses de la manière suivante : la probabilité de protester (ou inversement de se taire) est fonction de la variation d'insatisfaction.Dans le schéma précédent l'accroissement de l'insatisfaction a peu d'effet sur le comportement jusqu'au point où il provoque de manière catastrophique un changement dans la nature de la réponse. Ce changement peut être attribué à un effet de seuil, mais aussi plus simplement à l'écho que rencontre l'insatisfaction : même si on ne proteste pas on en parle entre soi jusqu'au point où chacun sachant le désarroi des autres une autre réponse que le silence, le murmure, la désaffection semble rationnelle.
Dans le cas de la Tunisie il semble clair que le fait d'avoir vu un homme simple hurler de douleur et brûlé a convaincu ceux de sa vie a changer d'attitude, et que les manifestation de sidi Bouzaid ont convaincu d'autres à changer de registre. Il en est sans doute de même pour les voyageurs de la SNCF : que quelques uns décident de ne plus montrer leur titre de paiement amène des autres non pas à les imiter, mais à se convaincre de l'inadéquation de leur réponse usuelle : le bougonnement.
Il faut aussi envisager le chemin inverse. Quel est l'effet des mesures d'apaisement destinées à réduire l'insatisfaction? Et bien, rien du tout, quand tous protestent même si l'insatisfaction est réduite, la probabilité de ne plus crier diminue faiblement. Le retour au chose normale est difficile même quand on fait tout pour y revenir (B). Et même totalement réduite, il en reste des traces. Cette asymétrie est fondamentale. Elle explique assez bien pourquoi on ne fait rien alors qu'il faudrait agir et pourquoi quand on agit il est souvent trop tard : en extrapolant linéairement l'insatisfaction on ne s'attend pas à la révolution, et quand on croit faire sérieusement marche en arrière on entame assez peu la volonté de révolte.
Revenons maintenant au rôle des médias sociaux. A l'évidence il ne sont pas la cause de la révolution tunisienne, ni celle des révoltés de la SNCF. Les causes sont dans un cas l'insupportable prévarication du pouvoir, et dans l'autre ces retards mal compensés et répétés. Mais dans un cas comme dans l'autre, ils ont très certainement accéléré la prise de conscience sociale de l'insatisfaction des autres, rendant plus probable la réponse à un niveau moindre d'insatisfaction. Ce qu'on représente dans la figure suivante. Il y a donc là une hypothèse vraisemblable à tester. Une double hypothèse : d'abord que l'effet d'hystéreris se justifie par la réflexivité des médias ( ancien ou nouveau), c'est le reflet dans le regard des autres de sa propre colère qui rend plus vraisemblable la réponse publique; ensuite que les médias sociaux accentue cet effet rendant plus probable à des niveau plus faible la protestation dans l'espace public. Dans la mesure où chacun possède son média personnel, y produisant et y consommant une information de proximité (spatiale et sociale), par rapport à un monde où l'évènement est reflète par les grands médias avec une grande selectivité, on peut s'attendre à ce que les insatisfaction produisent plus fréquentes des mouvement collectifs.
Pas toujours des révolutions, ni même des émeutes, mais au minimum des actions publique et collectives. Les révoltes ne sont pas des produits médiatiques, mais les nouveaux médias risquent de faire s'enflammer plus aisément les foyers de colère.