Présenté durant un petit mois au Rond-Point, Harper Regan, de l'anglais Simon Stephens, raconte la déflagration psychologique traversée par une mère de famille quadragénaire (Harper Regan, interprétée par Marina Foïs) ayant une fille de 17 ans en pleine crise adolescente, un mari sans travail, et un père mourant auprès duquel elle ne peut se rendre car son patron ne veut pas lui accorder de congé.
Au risque de perdre son emploi, Harper décide cependant, sans prévenir personne, d'aller au chevet de son père mais arrive trop tard. S'ensuit alors une errance tant psychique que physique du personnage, très intelligemment mise en images par le metteur en scène Lucas Hemleb et par Csaba Antal (décors), avec une fluidité et une esthétique des plus cinématographiques.
Ce voyage hors du temps et des réalités, durant lequel Harper affrontera seule ses démons, ses angoisses, cédera à ses pulsions (évoquons un violent face à face avec sa mère, une aventure avec un inconnu rencontré sur le net, ou encore un passage par la case alcool) lui permettra de rejoindre le domicile familial, en apparence plus forte, sereine, et de revenir à un équilibre qu'elle avait perdu. Mais de là à parler de bonheur retrouvé...
Le texte de Simon Stephens, en rien verbeux ou "prise de tête", s'avère remarquable de subtilité. L'auteur maîtrise à merveille l'art de l'ellipse et donne aux acteurs une matière première extraordinaire pour nourrir leurs silences, les non dits, et l'intériorité des personnages.
De son côté, Marina Foïs est admirable. Toute en nuances, bouleversante, elle porte le spectacle avec brio et va chercher au plus profond d'elle-même la vérité d'un personnage à la fois brisé et incroyablement fort, dont le parcours émotionnel est comparable aux montagnes russes. Du rire aux larmes, de la peur à la joie, de l'amour à la haine, la comédienne passe par tous les états et sentiments avec talent.
Un superbe voyage introspectif, poignant, auquel on aurait pu cependant retirer un quart d'heure (le spectacle dure 2h10) et dont on pourra regretter qu'il n'accorde qu'une petite place au grand Gérard Desarthe, relégué ici au rang des seconds rôles.
Allez- y !