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J'ai enfin vu Citizen Kane

Par Tred @limpossibleblog
Non, je ne l’avais jamais vu. Je ne rigole pas. Je n’avais jamais vu Citizen Kane. C’est peut-être le genre de confession qu’on ne fait pas quand on se dit cinéphile, un grand mot qui suppose qu’on a vu tous les classiques du 7ème art. Une lacune que certains pourraient considérer inavouable. Citizen Kane, le film globalement considéré comme le plus grand de tous. Citizen Kane, dont François Truffaut disait qu’il « résume tous les films existants et préfigure tous les autres ». Eh bien moi, David T., 29 ans, cinéphile, cinémaniaque, ciné-que-vous-voulez, je ne l’avais jamais vu.
J'ai enfin vu Citizen KaneA quoi est-ce dû ? A l’absence du désir de le voir ? Certainement pas. Voilà des années que je rêvais de le voir. Lorsque j’ai commencé à être sérieusement mordu de cinéma, il y a quelques années, ma mère m’a offert le film d’Orson Welles en VHS (en VOST, quand même). Mais je ne l’ai jamais regardé. La flemme de l’adolescent d’abord, puis le désintérêt pour le format VHS quand le DVD a fait son apparition. Les années passaient, je voyais toujours plus de films, mais pas de Citizen Kane. Bien sûr au fil du temps j’ai développé une lubie de plus, en décidant de privilégier la salle pour découvrir tous les classiques du cinéma que je n’avais encore jamais vus. Quand on découvre des chefs-d’œuvre tels que Rio Bravo ou Docteur Folamour sur grand écran, difficile ensuite de se contenter de découvrir les autres sur sa télé.
Du coup j’ai expressément évité Citizen Kane à la télé et en DVD, sachant que c’était bien le genre de film qu’il n’est pas franchement difficile de voir dans une salle de cinéma, que ce soit dans les cinés du Quartier Latin ou à la Cinémathèque. Et puis tout à coup, la semaine dernière, je regardais le programme du cycle « La Fabrique du Temps » qui a lieu en ce moment au Forum de Images lorsque le titre « Citizen Kane » était annoncé pour le surlendemain, un soir où j’étais disponible. « Allez, il serait peut-être temps que je le vois ». C’est ainsi que je me suis trouvé, enfin, après des années d’attente, tout excité, calé dans mon siège, attendant que le rideau se lève sur « le plus grand film de l’histoire du cinéma ».
J'ai enfin vu Citizen KaneC’est toujours dans ces moments-là que l’on est déçu. Les attentes trop longues précédées d’avis plus qu’élogieux sont trompeurs. Ce ne fut pourtant pas le cas avec Citizen Kane. Bien sûr ce n’est pas le plus grand de tous les films qui m’a sauté au visage. Difficile de confirmer un tel avis général pour un film que l’on vient de voir. Mais c’est un grand film que j’ai vu, et c’est cela que j’attendais. Un film à la virtuosité insensée. Un film qui ne s’impose aucune limite dans l’audace, qu’elle soit narrative avec son récit éclaté mais totalement maîtrisé, ou visuelle, avec une mise en scène d’une modernité étincelante. Je ne vais pas écrire une critique de Citizen Kane ici, maintenant, cela n’aurait pas grand intérêt. D’autres l’ont déjà fait avant moi, sous tant de formes, depuis tant d’années. Là n’est pas le but de ce billet. Il me suffit d’écrire la profonde admiration qui m’a assailli pour le film d’Orson Welles après toutes ces années où j’ai patiemment attendu de le voir. Il me suffit d’écrire mon admiration pour ce jeune homme de 25 ans qu’était Welles à l’époque, capable d’offrir un tel film au cinéma si vite, si tôt.
Bien sûr, Citizen Kane n’est pas le dernier classique qu’il manquait à mon tableau. Je peux même dire que c’est loin d’être le cas. Il me reste tant de films à voir, de tant de décennies et de tant de nationalités différentes. Tant de lacunes à combler. J’ai grandi en tombant amoureux du cinéma de mon époque. J’ai grandi en allant voir un maximum de ces films faits par mes contemporains. Depuis quelques années pourtant, je sens qu’il me faut laisser plus de place dans ma vie de cinéphile à tous ces films que je n’ai jamais vus et qui m’attendent patiemment. Je les rattrape avec une délectation cinématographique qui me fait déjà trépigner d’impatience pour le suivant. Ce week-end, je me suis déjà engouffré dans la salle bleue de la Filmothèque pour découvrir Point Blank – le point de non-retour de John Boorman, en attendant la semaine prochaine qui va voir les ressorties de La loi du silence d’Hitchcock et de La Dame de Shanghai d’Orson Welles (décidément…). Qu’il est bon de vivre à Paris et de pouvoir voir tout cela.

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