« PrécédentSuivant »Tunisie : la révolution en tweetant
Hot News. Publié sur Gizmodo.fr par fred le 18 jan 2011 à 8:14
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La révolution du jasmin de la Tunisie s’est appuyée sur internet et notamment sur les réseaux sociaux.
Grâce à Ahmed, lecteur de longue date de Gizmodo et cyber-activiste tunisien, découvrez de quelle manière internet a favorisé cette révolution.
Q.: quel rôle a joué l’internet en général (et les outils sociaux en particulier) ?
R.: Internet a joué le rôle du média qui a tout déclenché et mis l’affaire du jeune Bouazizi (le Mr qui s’est immolé par le feu) sous les projecteurs de la population et des médias internationaux. Je me rappelle qu’un autre monsieur s’était immolé devant le palais présidentiel en 2005, mais a l’époque les Tunisiens ne bloguaient pas, et n’étaient pas très friands de réseaux sociaux.
C’est différent en 2011, les Tunisiens communiquent et relatent les faits, et ont donc pris des photos des manifestations qui ont suivi l’immolation de Bouazizi et les ont relayé a travers twitter / facebook / leurs blogs. Sous la censure et les interpellations aléatoires du ministère de l’intérieur (et la torture qui va avec). (Les médias tunisiens, francophones et internationaux boudaient l’affaire, désinformaient ou faisaient un blackout total).
Le groupe de hackers Anonymous s’est alors intéressé a la cause Tunisienne, et a lancé une attaque massive et générale sur les sites web du gouvernement tunisien, chose qui a mis la révolution encore plus sous les projecteurs et a brisé le black out médiatique. En gros, l’immolation du feu Bouazizi, n’etait pas un cas isolé, mais c’est le web qui en a fait une affaire publique.
Q.: Quelle surveillance l’ancien régime opérait-il sur l’internet ?
L’ancien régime possédait des équipements très perfectionnés achetés chez Cisco, d’après mes amis qui travaillaient au Centre National de Télédétection, l’équipement a couté plus de 1,6 millions d’euros, les équipements etaient partagés entre l’ATI (agence tunisienne de l’internet et gestionnaire des liens Arpanet de la Tunisie) le CNT (Centre national de télédétection) et le ministère de l’intérieur.
La censure a commencé depuis 1998 avec la censure des mails gratuits (hotmail et caramail à l’époque) pour obliger les tunisiens à utiliser le mail de leur fournisseur d’accès et ainsi les filtrer, ils ont aussi bloqué l’accès au port 25 (SMTP) des hébergeurs qui sont en dehors de la Tunisie. Pendant la révolution et vers le 4 ou le 5 Janvier, le système de filtrage en était à son époque glorieuse, les sites web de tous les opposants sans exception étaient filtrés (inaccessibles).
Les mails les comptes twitter et les comptes Facebook des opposants ou cyber dissidents on très souvent eu des attaques basés de “brute force” ainsi que des scans de ports, du phishing et des chevaux de Troie. Ceux qui se sont fait piéger avec des informations sur leurs disques durs se sont fait confisquer leur pc et dans la majorité des cas arrêtés.
Pour ma part, j’ai mis a disposition des tunisiens vers la centaine de relais TOR, et des VPN sécurisés pour les opposants, c’était un travail de longue haleine. Des partisans du RCD (rassemblement constitutionnel démocratique et ex parti au pouvoir fort de 140 000 membres) ont même attaqué verbalement les groupes d’opposants sur Facebook, d’une manière très basse (en cause de leur désespoir total devant la force du peuple sur le net).
Q.: Des cyber-leaders ont-ils émergé ?
C’est plutôt compliqué à définir, plusieurs groupes Facebook ont vu le jour, le seul que je qualifierai de cyber leader est Mr Slim Amemou bloggeur et président du PPT (Parti Pirate Tunisien non reconnu jusqu’à [hier] matin). Mr Slim Amemou a eu sa place au nouveau gouvernement aujourd’hui en étant désigné Secrétaire d’état à la Jeunesse.
Q.: Quel rôle continue de jouer l’internet dans la phase transitoire actuelle ?
Internet dans les circonstances actuelles est majoritairement utilisé afin de repérer et de traquer la milice de l’ancien président qui est en train de semer la terreur dans les rues et qui est traquée par la BAT (Brigade Anti Terrorisme) et les militaires. La population, à part avoir barricadé les quartiers et participé à l’arrestation des membres de la milice, informe les militaires par mail sur les éventuelles positions et se donne des conseils pour se protéger ou même des tactiques de guérilla pour piéger des militants. D’ailleurs avec mes amis on a barricadé notre quartier grâce à des tactiques qu’on a trouvé sur le net, et hier soir on a capturé vivants 3 miliciens, j’ai même mis a jour mon statut sur facebook depuis une poubelle car ils avaient ouvert le feu sur nous !
Q.: Le nouveau gouvernement communique-t-il activement sur les réseaux?
Le nouveau gouvernement n’a encore rien fait sur le net (www.rcd.tn) rend encore hommage a Ben Ali. Un seul site web a été créé pour l’occasion: http://www.tunisie2011.com/ afin d’essayer de sonder l’opinion publique du peuple sur les futurs candidats à la présidence.
Q.: Quels groupe(s) Facebook / compte(s) Twitter recommandez-vous à nos lecteurs pour continuer à suivre l’évolution de la situation?
http://www.facebook.com/home.php#!/pages/Assabilonline-alsbyl-awnlayn/168736489831044 Assabil Online. http://www.facebook.com/home.php#!/nawaat ainsi que leurs comptes Twitter. ils ont été les plus fiables pour donner une information fraiche et crédible, bien sur il y a tout un tas d’autres groupes, mais qui contiennent souvent du baratin, alors j’omets de les mentionner.
Cet éclairage ne serait pas tout à fait complet sans ce quote ultime qui résume tout et qu’Ahmed nous rapporte de la toile tunisienne:
Chuck Norris demande la nationalité Tunisienne !
A la lumière de ce témoignage, il est manifeste que le fonctionnement décentralisé d’internet a constitué un atout précieux pour communiquer rapidement et à grande échelle pendant les troubles. Peut-être que la révolution tunisienne deviendra un cas d’école de cyber-révolution?
a bientôt Rodinscot