A propos d’Au-delà de Clint Eastwood 3 out of 5 stars
En Thaïlande, une jeune journaliste réchappe de peu à la mort lors d’un tsunami mais a des visions peu après l’accident de l’au-delà. En Angleterre, un jeune garçon dont le jumeau a été tué dans un accident de voiture cherche à entrer en contact avec son frère décédé. A San Francisco, un médium capable de parler avec les morts s’est retiré de la voyance et reconverti en employé modeste d’une usine. Comment ces trois personnages vont-il pouvoir se rencontrer ?…
Entrecroisement de plusieurs histoires, Au-delà raconte le parcours de trois personnages unis par le lien intime qu’ils entretiennent avec la mort. La jeune journaliste jouée par Cécile de France (encore une fois très à son aise) entraperçoit dans ses visions des ombres noires, des silhouettes fantomatiques éclairées par un halo blanc, une lumière puissante et aveuglante. C’est le royaume des morts, un monde placide et serein.
Clint Eastwood opère là un virage inattendu et brutal dans sa carrière de réalisateur. Baignant tout au long du film dans une lumière crépusculaire, un clair-obscur qui leur donne comme une aura divine, les personnages d’Au-delà semblent préoccupés par la question de la mort. La première réussite du film tient dans ses lumières, une qualité purement formelle et technique mais grâce à laquelle le réalisateur parvient à créer une ambiance où se côtoient une obsession nouvelle ou inconnue jusque-là pour la mort et un intérêt pour le fantastique et le mélodrame. Et dans ce mélange peu familier des genres, Clint Eastwood s’en sort plutôt bien, servi par un Matt Damon toujours irréprochable (dans le rôle du médium) et une Cécile de France avec qui il forme un duo convaincant.
Quel est l’enjeu d’Au-delà ? Il ne s’agit pas tellement de décrire la fascination d’un être pour la mort ni cet univers obscur et inconnu qui succèderait à la vie et que la journaliste aperçoit dans ses visions. Eastwood montre plutôt qu’en même temps qu’elle essaye de comprendre et d’interpréter ce qu’elle reçoit comme troublantes visions, elle se rend compte de la superficialité du monde dans lequel elle vit, où on la remplace très vite (y compris sur les affiches publicitaires) par une autre aussi souriante mais moins illuminée. Le médium a payé lui aussi au prix fort (une solitude totale) le don qu’il a de parler avec les morts. Retiré de la voyance, il mène une vie d’ermite, solitaire malgré lui rêvant de rencontrer une femme qui l’accepterait pour ce qu’il est.
Quant au jeune garçon, qui cherche à parler à son frère jumeau décédé, il fait tampon entre la journaliste et le médium. C’est un prétexte pour Clint Eastwood pour décrire avec ironie et humour tous les charlatans qui se prétendent médiums et capables d’entrer en contact avec les morts. Dans le fond, Au-delà n’est ni plus ni moins qu’une histoire d’amour entre deux êtres qu’à priori tout séparait et dont la chance au départ de se rencontrer était infime.
On trouverait presque la romance « banale » si elle n’était pas jouée par deux aussi bons acteurs et si le scénario ne les faisait pas aussi habilement se rencontrer. Les visions que la journaliste perçoit de l’au-delà sont un prétexte pour la faire changer de vie et rencontrer le médium américain. L’histoire du petit garçon, malheureux d’avoir perdu son frère, est une ode à la vie, à continuer à vivre comme l’exhorte à le faire le médium, usant plus de son imagination que d’une vraie science pour aider le garçon dans cette tâche. Il n’y pas, comme on a pu le lire, une fascination du réalisateur pour la mort ni un « testament » dans ce film. Eastwood va faire plein de films encore même s’il sait qu’à à 80 ans, la fin se rapproche. Mais son film s’attache à défendre, avec une simplicité et un sens de l’épure désarmants, des choses qu’il connait vraiment. L’amour qui seul mérite d’être vécu et la vie pour laquelle il faut se battre. Le reste n’est qu’illusion et obscurité. Une réflexion hasardeuse sur la mort et son univers caverneux qu’Eastwood, en cabotin espiègle, s’amuse à ériger en parfaite fausse piste.