Calvi la médiatique
Considérée par la BBC comme l’un des artistes les plus prometteurs de l’année 2011, Anna Calvi a déjà de nombreuses artistes et critiques acquis à sa cause. La sortie de son premier album est l’occasion de se concentrer sur la musique en essayant de faire abstraction de sa réputation, de se confronter au son sans la scène.
Anna Calvi fait peur. Sur scène, d’abord. Par l’engouement qu’elle suscite, ensuite.
Juchée sur ses talons, la jeune anglaise lance parfois un regard si sévère que les jambes de son public en flageolent et que chacun baisse les yeux. Un peu hautaine, sa bouche tord son visage d’ange lorsqu’elle chante à gorge déployée : la musicienne dégage alors une formidable impression de puissance et menace à chaque envolée d’avaler son micro.
Depuis l’année dernière, Les Inrocks ont trouvé en elle leur nouvelle marotte, décidant après seulement quelques minutes de concert de la programmer au Festival Black XS. Ce serait d’ailleurs le même soir que Brian Eno en serait tombé amoureux. Le genre d’histoire qui impressionne autant qu’elle inquiète, le petit monde du rock indé étant un habitué des bulles spéculatives chaque fois qu’un artiste/groupe un brin atypique pointe le bout de son nez (R.I.P Two Door Cinema Club). Car depuis quelques mois déjà, les chroniqueurs et critiques n’ont que le nom de Calvi à la plume, vantant ici ses prestations scéniques explosives, là ses références revendiquées à Jeff Buckley ou PJ Harvey.
Et comme par hasard, c’est le batteur de cette dernière, Rob Ellis, qui a produit son premier album, sorti le 17 janvier. Un opus tourmenté et bien charpenté quoique légèrement répétitif. A l’écoute de ces neuf titres le diagnostic est vite fait : Anna Calvi a trouvé sa patte et nous la fout en pleine gueule. Un trait sonore relativement simple mais dont la finesse tient à sa maîtrise parfaite de sa voix et de ses ambiances.
Parfois nerveuse, elle vous tance d’un ton conquérant sur Desire, accompagnée d’un harmonium, d’une batterie tapageuse et d’un bourdon incessant. Puis sa voix se fait à peine audible et les mots susurrés se glissent hors de ses lèvres pour venir se nicher dans le creux de votre oreille. Une manière de jouer avec les sentiments brillamment illustrée par des titres accrocheurs comme No More Words ou le langoureux First We Kiss. Ou The Devil et ses arabesques de guitare à la Jeff Buckley. Ou I’ll be your man. Ou Love Won’t Be Leaving. Ou… en fait l’ensemble de l’album est construit sur ce même principe, si bien que l’on frise parfois l’overdose.
Anna Calvi – The Devil
Reste que l’on est loin de la grandiloquence assommante de Zola Jesus, à laquelle les circonstances actuelles – une sorte de re(co)naissance du rock féminin – tendent parfois à rapprocher Anna Calvi. On attendra néanmoins de voir cette dernière sur scène avant de se faire un avis définitif tant elle semble en mesure de transcender les titres de son album une fois face à son public. Sa Black Session réalisée sur France Inter le 17 janvier dernier, achevée par un Love Won’t Be Leaving enrichi de temps morts et de retenue, en est un bon exemple.
Sortie le 17 janvier 2011
Crédit photo : Maisie Cousins