La grande braderie : la vente de l’hôtel de la Marine

C’est un dossier culturel très sensible, puisqu’il concerne un des fleurons du patrimoine national, à savoir l’hôtel de la Marine, place de la Concorde, qui est à vendre. On pensait d’ailleurs, au début, que l’affaire était réglée, disons dans un programme culturel et commercial. Mais le Ministère de la Marine nationale a repoussé la date limite in-extremis, et maintenant une soixantaine de candidats potentiels se sont manifestés, “ce qui fait du monde au portillon pour les bijoux de famille“, comme le commentait M. Parizot récemment.

Et si on vendait Versailles ? Cela ferait un hôtel de luxe sublime. Il est certain que les nouveaux nababs des pays émergeants adoreraient dormir dans les draps du Roi-Soleil et on a déjà la décoration pour les chambres d’enfants, avec les sculptures de Murakami. On se moque bien-sûr, Versailles n’est pas à vendre, pas plus que Fontainebleau ou Chambord… mais l’hôtel de la Marine, et sa sublime façade, si. Pourquoi ? Parce que les marins doivent rejoindre leurs collègues militaires, au sein du grand pentagone, prévu au sein du XVe arrondissement de Paris. Et surtout parce que l’Etat a besoin d’argent, beaucoup d’argent. Alors on vend : des hôtels particuliers, des casernes… On brade, comme l’a dit Régis Debray, à propos de l’hôtel de la Marine, rejoint par d’autres personnalités à l’image de Giscard. Il est vrai que voir des boutiques de luxe et des galeries d’art contemporain rejoindre ce haut-lieu de l’Histoire de la France, a de quoi surprendre et choquer.

D’ailleurs comme un clin d’oeil historique, comme le soulignait Eric Zemmour, cet ancien garde-meuble de la monarchie fut en quelque sorte, le premier musée des arts décoratifs, puisque le peuple entouré de garde-suisses, pouvait au moins une fois par mois admirait les meubles et bronzes qui étaient fabriqués. Et le ministre de la défense, Alain Juppé, touché semble-t-il lui-même par la polémique, a récemment exigé en substance, qu’aucune élection de Miss France n’y soit jamais organisée… Les projets les plus démentiels foisonnent, commerciaux, mais aussi historiques. Alors que l’on croyait le dossier réglé à la hâte, Pierre Nora a proposé sinon ce lieu pour le projet sarkozyste si décrié, de musée de l’Histoire de France. D’autres historiens, parce que c’est en ce lieu que fut signée l’abolition de l’esclavage par Victor Schoelcher, en 1848, proposent de le transformer en musée de l’histoire de l’esclavage et de la colonisation. On pourrait l’intituler « Musée de la repentance ». Pourtant, c’est là aussi, que fut signée la condamnation à mort de Louis XVI. Mais, ils ne proposent pourtant pas curieusement, un musée de la monarchie capétienne. En plus, au-delà de ces débats divers sur la nature de la réhabilitation de ce Ministère de la Marine, cela ne fait pas au bout du compte les affaires de nos comptables publics. Ils voulaient gagner de l’argent, ils risquent d’être contraint même d’en dépenser.

Au-delà du cas particulier de l’hôtel de la Marine, ce n’est effectivement pas n’importe quelle problématique, mais celle de la gestion du patrimoine historique. Mais la France associe étroitement l’Etat à la Nation, beaucoup d’historiens français considérant même que c’est l’Etat qui a forgé la Nation, contrairement à d’autres pays européens, la France ayant son Histoire… Et c’est pourquoi l’Etat français, se doit de préserver en son giron, les lieux qui incarnent la mémoire de la France…
J. D.