World War Z n'est pas le rapport officiel retenu par la Commission post-traumatique des Nations unies. C'est en réalité la partie jugée trop sentimentale, trop axée sur l'humain, rédigée par l'un de ses membres. Celui-ci s'est vu obligé de garder pour lui, pour nous, les témoignages des survivants, de ceux qui ont été confronté de trop près à cette guerre sans précédent ayant opposé humains et morts-vivants.
Des hommes, des femmes aux parcours et aux horizons très différents reviennent sur les moments clés du conflit. De l'apparition du fléau à son dénouement en passant par les actes manqués qui auraient pu l'endiguer, par la Grande Panique ou bien encore par le cœur des batailles, tous, avec leur voix, forment la mosaïque d'un traumatisme ineffable. Médecins, militaires, hommes politiques, civils, la liste est longue de ceux qui, à travers le monde, se souviennent.
World War Z est original au point d'être déroutant. Déroutant au point de s'avérer magistral. Incontournable. On en ressort avec l'envie de le conseiller à un maximum de personnes.
C'est pas facile.
Les a priori ont la peau bien plus impénétrable que celle des zombies. J'en ai fait l'expérience auprès de lecteurs de la médiathèque ou d'amis, pas plus tard que la semaine dernière, après avoir refermé le livre sur ses derniers mots, quand l'écho de cette polyphonie résonnait encore à mes oreilles. Le mot zombie a des effets répulsifs. Ça peut se comprendre. C'est alors qu'entre en jeu la force de persuasion. Non pas que je veuille faire preuve ici d'une assurance outrecuidante car en réalité, il suffit d'énoncer les qualités de World War Z et voici l'affaire rondement menée. Les qualités, justement, quelles sont-elles?
Dès les premières pages, Max Brooks s'efface, laisse sa place, en guise de présentation, à l'employé de la Commission post-traumatique des Nations Unies, qui lui-même se retranche ensuite derrière les témoignages proprement dits. Il n'intervient que sporadiquement lors de ces interviews, pour demander des éclaircissements sur certaines décisions ou événements. L'immersion est là. A l'image des différents personnages, on ne s'attache plus à douter de l'existence même des Zack ou des G (G pour goules). On s'imprègne des éléments qui nous sont rapportés, on se met dans la position des destinataires initiaux de ce rapport, ceux qui pourraient faire face à une nouvelle épidémie...
Attention, arrivée de la petite voix...
- Hé, Bibliotruc, tu veux nous faire croire à la téléportation dans les livres ou quoi ? Nous faire gober que tu as perdu ta conscience de lecteur à ce moment là, c'est ça ?
- Non, rien à voir à ce qui se passe pour les personnages de Roman fleuve d'Antoine Piazza ou de la série de Jasper Fforde consacrée à Thursday Next. Mais pour un peu qu'on joue le jeu, l'illusion est bien amenée.
-Mouais...
- Non ?
- Mouais, faut voir...
Sous couvert d'une histoire de zombies, c'est bel et bien l'humain qui est au centre de ce récit. D'une manière très habile, ce sont les facettes pas toutes reluisantes de notre civilisation que les morts-vivants nous renvoient. Quand le danger est là, quand la mort s'invite sur toute la surface du globe, quelles sont nos réactions, nos comportements ? Comment faire fi du poids de son histoire personnelle, de l'Histoire elle-même ? Est-ce seulement possible ? A cet égard, World War Z sinue sur les fragilités de notre époque, s'arrête un temps sur notre société cde consommation, matérialiste – il ne faudrait pas oublier de prendre son lecteur DVD lors de l'exode, on ne sait jamais, hein –, repart, s'attarde sur une ère de communication prompte à s'auto-détruire, puis finit par s'asseoir de guingois sur l'espoir, histoire de ne pas nous laisser complètement essoufflés et anéantis.
Dis-moi quel zombie vient te mordre, je te dirai qui tu es.
-Et la peur dans tout ça ? Parce que c'est bien beau, mais on les voit les zombies ?
-Oh, oui, pour ça ne t'inquiète pas...
World War Z, Max Brooks, traduit de l'américain par Patrick Imbert, Le Livre de Poche, 544 p.