Elle n'avait nul besoin de cet homme qu'elle n'avait ni imaginé ni désiré, et encore moins de son corps dont elle était aujourd'hui avide. Il lui semblait avoir déjà assouvi et exploré les mouvements de l'état amoureux, mais cette histoire ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait connu jusqu'alors. Innocence, pureté, don total, vénération, tout ce qui ouvrait l'âme et s'emmêlait de façon inextricable au corps était un mystère. L'absence trahissait le souvenir, le désir et même la raison d'être d'une histoire, mais il était une chose que Lysange ne pouvait effacer : les portes qui s'étaient ouvertes, ce que l'amour avait modifié en elle et qui ne pourrait plus disparaître en elle.
Cet été, sur la plage (ô souvenir doux à mon coeur !), j'avais lu de Frédérique Deghelt La Vie d'une autre, qui m'avait totalement enchantée et transportée. Aussi, lorsque j'ai appris que l'auteure venait de publier un nouveau roman, je n'ai pas tergiversé, et je me suis pour ainsi dire jetée dessus. Et pour vous dire à quel point j'ai eu raison : je l'ai encore plus aimé !
Lysange, la quarantaine, est chercheuse au CNRS et étudie les flux migratoire. Au cours d'un des nombreux périples qui jalonnent son existence, elle se retrouve, suite à un incident technique, bloquée pour la nuit à Londres. C'est là qu'elle fait la connaissance de Pierre, photographe de guerre, avec qui elle commence une histoire passionnée, passionnelle et complexe. Entre temps, elle a reçu une étrange lettre d'un certain Tomas, un vieux monsieur qui ne la connaît pas mais qui lui propose de mettre à disposition sa maison, nichée au coeur des dunes du Cap-Ferret, pendant qu'il sera au Brésil. Etrange proposition, que Lysange, souhaitant s'échapper de cette histoire avec Pierre qui l'étouffe, accepte. Et c'est dans cette maison qu'elle trouve un manuscrit, le journal de soeur Madeleine, qui fait inexplicablement écho en elle...
Alors, que dire, si ce n'est que c'est un énorme coup de coeur, qui m'a totalement transportée et bouleversée ? C'est une histoire d'amour, deux même, mais alors l'amour tel que tout le monde en parle mais que peu ont la chance de rencontrer, celui qui vous transforme à tout jamais en un autre être, quelle que soit l'issue. J'avais envie de tout noter tant les passages où Lysange s'exprime sur Pierre résonnaient en moi, à tel point que j'avais parfois l'impression que l'auteure était allée chercher au plus profond de mon âme pour mettre des mots sur ce que j'ai envie de dire. Parce qu'on peut dire que l'écriture est magistrale : la plume de Frédérique Deghelt, je l'avais déjà remarqué, est d'une sensibilité et d'une sensualité extrême, elle dit admirablement le désir et l'absence de l'autre qui est subitement devenu comme une drogue dont le manque vrille la moindre parcelle du corps et de l'âme, lorsque l'on aime au-delà de ce que l'on avait imaginé pouvoir aimer. Et puis, je dois avouer que le fait qu'une partie de l'histoire se passe au Cap-Ferret, lieu qui m'est cher et dont je connais la moindre parcelle par coeur, et où j'avais lu, coïncidence amusante, La vie d'une autre, n'est pas pour rien dans mon transport.
Du coup, j'ai envie de faire découvrir ce magnifique roman et j'ai décidé d'en faire mon premier livre voyageur. Si cela vous dit de l'accueillir (et après ça, je ne vois pas comment ça pourrait ne pas vous dire), faites-le moi savoir via le formulaire de contact.
Ce roman constitue aussi ma première participation pour le challenge "Petit Bac" d'Enna, dans la catégorie "métier, fonction".
Et j'ai été tellement inspirée par ce roman que j'ai personnalisé la photo d'illustration, et comme ça m'a beaucoup plu, j'ai décidé de continuer. C'était la nouveauté du jour !
Frédérique DEGHELT, La Nonne et le brigand
Actes Sud, 2011