L’Angleterre de 1774. Georgiana Cavendish Spencer épouse le Duc de Devonshire alors qu’elle n’a pas encore 17 ans. Elle croit en l’amour, lui veut un héritier. Alors que son mari l’ignore en-dehors des exigences de l’étiquette et des devoirs conjugaux, Georgiana brille en société, entre autres par son goût immodéré du jeu et ses extravagances vestimentaires. Devant ses échecs répétés pour donner un héritier à son mari, elle finit par accepter les infidélités de ce dernier. Puis elle rencontre Charles Grey, appelé à devenir Premier Ministre…
Sous les airs féministes qui servirent à sa promotion lors de sa sortie au cinéma, The Duchess se veut en fait assez modéré dans sa représentation du statut des femmes de la noblesse dans l’Angleterre de la fin du XVIIIe siècle : ce qu’on voit dans ce film, avant tout, c’est une jeune demoiselle qui apprend – douleurs après douleurs – la réalité de la haute aristocratie anglaise, par opposition avec celle qu’elle découvrit probablement dans ces contes qui tiennent lieu de lectures aux enfants bien élevés de l’époque. Bref, en fin de compte, elle est bien moins symbole du féminisme que victime d’une certaine naïveté infantile – ce qui du reste fut aussi le cas de beaucoup d’autres non seulement avant elle mais aussi après…
Pour cette raison, le spectateur se verra bien inspiré de considérer la romance passagère entre cette jeune Georgiana Cavendish et Charles Grey comme une simple brève éclaircie avant la plongée définitive de la dame dans la gueule de l’enfer. Ainsi vont les choses dans la réalité, au contraire de ces spectacles télévisées grand public dont on abreuve les imbéciles – et au point d’ailleurs qu’ils finissent par croire ces idioties. Réalité qui, justement, prendra une tournure assez inattendue lors d’une scène entre Georgiana et son mari dont l’humanité se révélera d’une manière d’autant plus soudaine qu’on en croyait cet homme dépourvu… La phrase avec laquelle il conclue sa tirade laisse d’ailleurs bien peu de place à l’interprétation.
En fait, The Duchess fait plus le procès de la haute société d’une époque toute entière engoncée dans les exigences de l’étiquette et des apparences que de la place des femmes dans cette aristocratie (1). Voilà pourquoi ce film se montre en fin de compte assez modéré dans son portrait du féminisme : ce n’est pas son propos de fond pour commencer, mais juste un des aspects de ce récit. L’autre aspect se trouve personnifié par le Duc, qui représente tout le poids que fait peser l’héritage – forcément non souhaité – de l’aristocratie chez les hommes à travers des exigences permanentes de froideur et de détachement, soit une forme d’inhumanité, qui leur sied forcément mal puisque eux aussi restent humains malgré tout.
C’est à travers ce double jeu de représentation que The Duchess s’impose : comme un effet de miroir, chaque reflet renvoie son image à l’autre en une spirale sans fin soulignant ainsi d’autant plus l’absurdité de la situation de tous dans ce siècle des Lumières qui, décidément, avait bien besoin d’être éclairé…
(1) et d’autant plus qu’elles ne se trouvaient pas vraiment mieux loties chez les roturiers…
Récompenses :
Pris des Meilleurs costumes aux Oscars, BAFTA Awards et Satellite Awards en 2009.
Notes :
Moi aussi, la présence de Lady Di dans cette bande-annonce m’a surpris compte tenu du scénario du film, mais il vaut de mentionner que Georgiana Cavendish compte parmi ses ancêtres et que toutes deux se virent impliquées dans un mariage à trois bien malgré elles… Au reste, les stratégies marketing actuelles ne devraient plus étonner personne depuis longtemps.
The Duchess, Saul Dibb, 2008
Pathé, 2009
105 minutes, env. 10 €