Les obstacles à la liberté individuelle, la montagne bureaucratique, l’inefficacité générée par la réglementation omniprésente, les rigidités imposées aux marchés et la corruption inhérente à un système où beaucoup de gens manipulent de l’argent qui n’est pas à eux ont fait office de boulets du système capitaliste jusqu’à presque épuiser sa vigueur naturelle.
Arrête toutes les horloges, coupe le téléphone,
Jette un os juteux au chien pour qu’il cesse d’aboyer,
Fais taire les pianos et avec un tambour étouffé
Sors le cercueil, fais entrer les pleureuses.
Car elle est morte, la social-démocratie qui, comme dans le poème funéraire de W. H. Auden, a été trop longtemps notre Nord, notre Sud, notre Est et Ouest. C’est pourquoi il faut nous montrer charitables avec les socialistes quand ceux-ci nous raconte que la crise est due aux marchés ou à quelques spéculateurs aussi ignorants que malfaisants. Ils sont en deuil et tentent de s’expliquer l’inexplicable.
C’est la croissance qui a manqué au système. D’un côté, les obstacles à la liberté individuelle, la montagne bureaucratique, l’inefficacité générée par la réglementation omniprésente, les rigidités imposées aux marchés et la corruption inhérente à un système où beaucoup de gens manipulent de l’argent qui n’est pas à eux ont fait office de boulets du système capitaliste jusqu’à presque épuiser sa vigueur naturelle. D’un autre côté, et étroitement lié au point précédent, l’Europe est entrée dans une spirale démographique auto-destructrice qui fait que la pyramide social-démocrate ne trouve plus de nouveaux locataires en nombre suffisant pour occuper la base. Ironiquement, la social-démocratie – qui avait parfaitement identifié la famille comme le grand ennemi de l’État et qui s’est employé à fond pour détruire cette fabrique morale de la société européenne – est en grande partie responsable de ce suicide démographique européen. Dans les films, on appelle cela la justice poétique.
Et voici maintenant les Européens, portant le cercueil de la social-démocratie sur leurs épaules, au milieu d’un carrefour où les chemins bifurquent dans trois directions. Dans la première, les socialistes se refusent à enterrer pacifiquement la défunte et donnent une douzaine de tours de vis supplémentaires à la régulation, aux impôts et aux contrôles afin d’accélérer le processus d’asservissement au socialisme réel. Improbable. Dans la deuxième, les socialistes appliquent quelques emplâtres sur des jambes de bois et on sort de la crise ; mais sans revenir à la croissance – rendue impossible par la démographie et le socialisme –, stagnant dans un marais. Là, l’Europe vivra un long et inexorable déclin entre le nénuphar et le chrysanthème et finira par se transformer un parc d’attraction thématique rempli de châteaux enchanteurs et de belles rues pavées où se promèneront les touristes américains, indiens et chinois. Enfin, reste la possibilité d’un retour au libéralisme non pas comme option politique passagère, mais bien comme système fondamental de gouvernement. Un système composé d’individus libres vivant dans des États réduits, presque transparents qui ne se s’immisceraient ni dans de la vie des gens ni dans leur poches. Difficile. Mais ce ne serait pas le premier miracle observé en Europe.