C'est un pavé qui fait des ronds dans la mare de la première “image” de l’Univers ! Il a été lancé par deux chercheurs, sous la forme d’un article non soumis à leurs pairs, où ils expliquent avoir découvert, dans la carte thermique des premiers temps du cosmos, de bien curieux cercles révélateurs d’événements ayant eu lieu “avant” le big bang… Cette carte, réalisée par le satellite américain WMAP, est une représentation de l’ensemble de la sphère céleste. Elle est comme l’échographie du “bébé Univers”. On y voit des couleurs, des irrégularités, la trame thermique de l’espace-temps telle qu’elle se dessinait 380 000 ans après LE mur sur lequel butent les scientifiques. Celui dit “de l’origine”.
Cette image est fort ésotérique pour le commun des mortels, mais l’on comprend qu’en montrant des grumeaux, lesquels correspondent à d’infimes variations de température, ces premières fluctuations du fond diffus cosmologique portent en germe l’architecture du monde actuel : de grandes structures filamenteuses d’amas de galaxies qui dessinent, sous l’influence des forces gravitationnelles, l’ossature d’une éponge. Nos deux astrophysiciens affirment que ces cercles sont les cicatrices de la fusion de trous noirs hypermassifs qui ont fait vibrer l’espace-temps comme la peau d’un tambour “avant” que celui-ci ne se contracte, puis explose lors du fameux big bang. Ils seraient les échos, dans la lumière fossile, d’événements antérieurs à la supposée “naissance” du monde. Disposerait-on, pour la toute première fois, de preuves observationnelles confirmant l’existence d’un Univers pré-big bang ? Doit-on abandonner l’idée d’un point initial, à partir duquel tout se serait développé, au profit d’une vision cyclique dans laquelle les univers se succèdent les uns aux autres après chaque big bang ?
Tel est le thème du passionnant dossier que vous lirez dans ce numéro. Il est fascinant et nous apprend à nous méfier des mots et de la façon dont nous les interprétons. Ainsi, le physicien Étienne Klein nous met en garde contre l’expression “big bang”. En rappelant qu’elle a été inventée pour se moquer de ce qui fait surgir du néant tout ce qui nous entoure, mais surtout “parce que l’instant zéro qui apparaît dans les équations est un instant fictif par lequel l’Univers n’est pas passé. Il n’y a pas eu de bang !”
Si les cosmologistes n’ont jamais cessé de préciser que le big bang n’était qu’un modèle, le meilleur dont ils disposent actuellement, ils ont aussi, petit à petit, laissé s’installer l’idée que son point de départ relevait plus sûrement du mystère que de la science. Qu’une barrière marquait la “singularité initiale” de ce modèle comme un horizon à jamais infranchissable. Un boulevard sur lequel le pape Benoît XVI s’est récemment engagé en affirmant que “l’Univers n’est pas le résultat de la chance, comme certains voudraient nous le faire croire”, mais que l’esprit de Dieu est bien derrière les théories scientifiques complexes comme… le big bang.
Il est plus que jamais utile de questionner les faits, la solidité des modèles, et rappeler les présupposés culturels qui orientent notre vision du monde. Bref, de revenir… aux origines.
Alain Cirou
Directeur de la rédaction
Ecouter le podcast d'entretien avec Etienne Klein Ombres et lumières sur l’origine de l’Univers
Ciel & Espace février 2011 - L'univers avant le big bang
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