Les cancers du sein héréditaires représentent 5 à 10% des cas de cancer. Actuellement, on estime à 10 000 le nombre de femmes porteuses d’une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2 en France parmi lesquelles 8 000 ont ou auront un cancer avant leur 80 ans !! Pour l’instant, la procédure en cas de découverte de mutation lors d’une consultation d’oncogénétique conduit à deux alternatives : mastectomie bilatérale et/ou ovariectomie versus surveillance active (voir mon post : cancer et hérédité).
Or, à l’inverse de ce qui se fait aux Etats Unis ou au Canada, la chirurgie prophylactique n’est pas au goût de nos médecins européens et n’est que rarement proposée. En France seulement 6% de femmes non malades concernées ont eu recours à une mastectomie bilatérale préventive et 12% une mastectomie controlatérale, c’est à dire pour ces dernières, l’ablation du deuxième sein, le premier ayant été enlevé suite à un cancer du sein déclaré (des chiffres qui ont néanmoins pratiquement doublés en 5 ans). Il faut bien dire que la tendance est à la chirurgie conservatrice et qu’il est paradoxal pour ces médecins qui tentent de préserver les femmes de la mastectomie, de procéder à des ablations de seins… sains. De plus cette intervention chirurgicale est un acte qui n’est pas anodin, et même s’il est mûrement réfléchi, il n’est pas dénué d’effets secondaires psychologiques traumatisants. La décision en revient à la patiente qui avec l’aide de l’équipe médicale évaluera la nécessité d’y avoir recours plutôt que de se faire suivre de façon très étroite pendant de longues années. C’est une démarche qui ne peut être que personnelle : chacune réagira différemment face à la peur de la maladie. De plus il faut distinguer les femmes porteuses qui ne sont pas malades, des femmes dont un sein a déjà été touché. Ces dernières sont d’ailleurs plus nombreuses à choisir la solution radicale probablement démunies face à l’éventualité de recommencer des traitements invasifs. Quoi qu’il en soit, ce choix est extrêmement personnel.
Mais, la surveillance rapprochée des femmes porteuses du gène pose aussi un problème en raison des dangers liés à des examens (mammographies ou IRM) trop rapprochés, sans compter l’anxiété engendrée par la peur légitime de tomber malade et des contrôles à répétition.
Bien entendu nos chercheurs s’interrogent sur l’existence d’une alternative à ces deux recommandations qui sont donc les seuls moyens dont on dispose actuellement en Europe. Aux Etats Unis, la FDA (Food and Drugs administration) a autorisé la prescription du tamoxifène et du raloxifène chez les patientes à haut risque, médicaments qui ont déjà fait leur preuve pour éviter les rechutes … mais pas en France. Les autorités sanitaires ont en effet conclu que la balance bénéfice risque n’était pas en faveur de la molécule. Mais la piste de l’hormonothérapie n’est pas abandonnée pour autant. Une étude nommée Liber, promue par la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer et la Ligue contre le cancer vise à chercher l’intérêt d’une autre classe d’hormonothérapie, les anti aromatases, dans la prévention du cancer du sein en cas de prédisposition génétique. Les femmes recherchées doivent être ménopausées et bien sur porteuses d’un gène BRCA1 ou BRCA2. Comme dans toute étude randomisée en double aveugle, chaque femme sera tirée au sort et recevra soit un comprimé de létrozole (plus connu sous le nom de Fémara) soit un placebo et ce, pendant 5 ans. Un suivi aura lieu 5 ans après l’arrêt du médicament. Bien entendu, le traitement pourra être arrêté en cas d’intolérance ou de survenue d’un cancer.
Chirurgie invasive ou surveillance rapprochée ne sont pas des alternatives acceptables pour ces femmes qui vivent avec une épée de Damoclès sur la tête en permanence. Cela revient à choisir entre la corde et le couteau ! L’idée de pouvoir se prémunir d’un cancer du sein grâce à la simple prise d’un médicament pourrait être une solution finalement très confortable, même si elle est encore loin d’être idéale… Si tant est que celui-ci s’avère efficace et doté d’effets secondaires compatibles avec une bonne qualité de vie. A suivre donc ….
Si vous êtes intéressée par l’étude LIBER, vous pouvez contacter le www.fnclcc.fr Mme Mijonnet, 01 44 23 04 75 ou Pascal Pujol ou Karen Baudry, 04 67 33 07 04, [email protected]. (clôture prévue le 15 février 2011)
Pour plus d’nfo sur l’étude : le site de l’INCa
Source : Oncomagazine Novembre 2010 (Merci à Stéphanie H. de m’avoir communiqué cet article)