Lutz Bassmann est une des voix du post-exotisme, comme l’est également Manuela Draeger. On trouve chez l’un le même monde que chez l’autre. D’autres noms se revendiquent aussi du post-exotisme mais je n’ai pas encore lu leurs livres. J’ai voyagé ces jours-ci avec les Haïkus de prison de Lutz Bassmann.
C’est un peu comme si l’auteur inventait une nouvelle contrainte du prisonnier. Vous savez, cette règle du jeu oulipienne où l’on ne peut utiliser que les lettres sans hampe et sans jambage. Sous prétexte qu’on n’a pas assez de papier pour écrire. C’est un peu la même chose ici.
Lutz Bassmann écrit des haïkus, des poèmes de trois vers dont il ne se préoccupe pas de compter les pieds. C’est sa façon à lui de noter les situations vues, les impressions ressenties, les souvenirs. Non, pas les souvenirs, on n’en a pratiquement plus dans ce monde de l’enfermement, on ne conjugue pas les verbes au passé, ou bien c’est seulement pour évoquer la nuit précédente, au réveil. Il détourne donc la forme traditionnelle. Mais comment pourrait-il faire autrement ? Il n’y a plus de saison. Le vétéran parle de l’été / j’ai du mal à me rappeler / de quoi il s’agit. Des mouches et des moustiques oui, une nature éloignée de l’autre côté des murs, puis hostile après le transfert.
Le livre est en trois parties : Prison, Transfert, Enfer. On commence à lire lentement, puis on se dit qu’on peut lire ces textes comme si c’était un roman, des personnages reviennent dans les textes, des vers entiers sont répétés ; il y a une sorte d’emballement, d’excitation, mais cet élan se brise toujours. Un trait d’humour, un fait plus violent, un verbe au futur. Et le train n’en finit pas de rouler cliquetis odeurs fétides réveil en sursaut… Et quand il arrive à destination, on sait qu’il n’y a pas d’espoir. Même l’idiot est mort.
Aujourd'hui, vers 17 h 10, 26000e visite reçue sur ce blog, en provenance du Val d'Oise, sur cette page. Merci.