Le système économique qui est le nôtre – à savoir, et pour être très général, le capitalisme – ne produit pas seulement de la « richesse », il est aussi le vecteur de profondes inégalités (entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas ou peu), le support de violences symboliques (discrimination à l'embauche ou inégalités de salaires pour compétences égales), ou encore un destructeur de notre milieu de vie (changement climatique, déforestation, pollution, etc.). Face à ce constat, des réflexions et des actions militantes ont émergé afin de changer ou au minimum d'amender ce système (marxisme, altermondialisme, écologie, etc.). On peut appeler éthique de l'économie cette démarche qui consiste à rechercher une alternative au système capitaliste.
Je distinguerai ici trois types d'éthique de l'économie ou trois manières d'agir sur les comportements économiques. Tout d'abord, une éthique de l'économie peut être individuelle, c'est-à-dire centrée sur l'idée de sujet agissant et d'individu. J'englobe dans cette catégorie d'éthique individuelle toute éthique qui prétend agir sur un individu. En deuxième lieu, une éthique de l'économie peut être politique ou révolutionnaire. Ce deuxième type d'éthique cherche le rapport de force et la confrontation en agissant sur l'ordre collectif établi. Enfin, je propose de considérer une éthique de l'économie d'ordre sociétale, qui aurait comme moyens d'action les partenariats et les réseaux, et qui chercherait à influencer la société afin qu'elle se change elle-même. Contrairement au deuxième type donc, cette dernière éthique ne chercherait pas à imposer le changement mais à le faire émerger de lui-même.
En résumé une éthique de l'économie peut suivre trois approches :
- une approche individuelle
- une approche collective de confrontation
- une approche collective de réseaux
Chaque approche dispose de ses propres procès d'action. L'approche individuelle cherchera des arguments rationnels qui s'adresseront à l'individu en tant qu'être rationnel. C'est l'approche typiquement universitaire, qui manipulera des concepts abstraits et construira un système théorique stable. La force de cette approche réside dans son universalisme ou son prétendu universalisme. Mais cette éthique ne s'adressera pas forcément à ceux qui détiennent le pouvoir de changer le système économique (c'est-à-dire aux politiques un peu, et aux financiers et chefs d'entreprise surtout).
L'approche collective de confrontation aura lui l'avantage d'interpeller une partie de ceux qui détiennent le pouvoir, à savoir les politiques, et de mobiliser la société civile. Mais le mode de la confrontation aura tendance à effrayer les vrais décideurs du monde économique et sera même pour certains politiques l'occasion d'exister en s'opposant à ce type d'éthique révolutionnaire. Ce type d'éthique sera représenté par les associations militantes de type Greenpeace ou ATTAC.
Finalement l'approche la plus efficace me paraît être l'approche collective de réseaux. Constituer un réseaux c'est créer une communauté d'intérêt et d'objectif et une interdépendance vertueuse permettant d'intégrer à la fois les universitaires, les politiques, les associations et les entreprises. Une telle éthique de l'économie consistera à ce que les décideurs du monde économique prennent en compte – parce que c'est dans leur intérêt – les souffrances sociales et l'impact écologique de leur activité. On associera à ce type d'éthique de l'économie un think tank comme l'Institut Montaigne par exemple mais c'est surtout dans le cadre des décisions stratégiques au sein des entreprises qu'elle pourra se mettre en place. Les acteurs qui seront les plus à même de porter ce type d'éthique seront donc les professionnels de la stratégie et de l'intelligence.