Le fracas de la machine m’a sorti du sommeil. Du moins de ma rêverie post-nocturne, ce que mon café noir et mes tartines n’avaient pas réussi à faire. J’ai jeté par la fenêtre un œil morne qui s’est aussitôt ouvert en grand, de surprise et d’étonnement. Un type se baladait dans les branches de l’arbre qui pousse devant chez moi.
Mince ! Avec vous je dis « mince », mais seul chez je ne me prive pas d’user d’un autre vocabulaire. Mince, donc, personne ne n’avait prévenu qu’une zone de loisirs du genre parc Accrobranche allait s’installer si près de chez moi. En un quart de seconde je me suis réveillé, un autre quart et j’étais énervé. Déjà. Les parcs Accrobranche c’est certainement très bien, mais en forêt, pas devant ma loggia. Imaginer une bande de Tarzan en herbe encordés et passant sous mon nez toute la sainte journée, zieutant chez moi sans mon autorisation, j’en frémissais par avance.
Je me croyais à l’abri de toute intrusion dans ma vie privée, protégé par les quatre étages me séparant du sol et du piéton lambda, que nenni, l’imagination humaine n’ayant pas de limites connues l’homo erectus se préparait à défiler dans les branchages des arbres de notre domaine à l’instar des pies et pigeons qui s’y livrent par un accord tacite octroyé en vertu d’une ancienneté et d’un atavisme notoire qui les exemptent à vie de toute autorisation pour fréquenter ces lieux. Passe encore que ces emplumés perchés sur leurs rameaux me reluquent à leur aise de leur œil fixe, mais je n’avais pas l’intention d’en rester là avec ces empoilés qui faisaient régresser l’humanité en se livrant à leurs singeries arboricoles. Vous le voyez, j’étais plutôt remonté. C’est le problème avec le café, ça ne réveille pas toujours mais ça énerve tout le temps.
J’en étais là de mes réflexions après les deux quarts de seconde déjà évoqués plus haut, quand une zone peu utilisée de mon cerveau m’a rappelé que c’était le fracas d’une machine qui avait tout déclenché, et cette zone de m’interroger, de quelle machine s’agit-il ? Au point où j’en étais, réveillé définitivement, je pouvais faire l’effort de trouver une réponse à cette question posée poliment par une partie de moi-même que je connaissais peu, certes, mais de moi-même quand même. J’ignorais un instant le pignouf crapahutant de branche en branche pour changer de focale et élargir mon champ de vision.
« Je ne crois que ce que je vois » rabâchent certains, quelle ânerie ! A fixer un point trop précis, on perd la vision globale qui éclaire sous un autre angle une situation qu’on pensait appréhender. Ajustons la focale. Le type dans l’arbre ne faisait que passer, armé d’une scie électrique il élaguait les branches mourantes de mon arbre, tombées au sol un comparse les récupérait pour les enfiler dans une broyeuse qui elle-même les déversaient sous forme de fins copeaux dans la benne d’un camion auquel elle était fixée. Tout bêtement.
Rassuré et épuisé après ces péripéties matinales bruyantes et surprenantes j’ai allumé la cafetière, un petit jus corsé s’imposait.