Robert Walser rêvait de mourir dans les bois, l'héroïne du nouveau spectacle du Collectif Quatre Ailes rêve d'en sortir.
Drôle d’histoire que cette Belle au Bois. Les personnages de Charles Perrault se rencontrent dans un château, au milieu de la forêt. Pas de père ni de mère. Seulement la marraine de l’une, qui est en même temps l’ancienne nourrice de l’autre… Jules Supervielle (1884-1960) était orphelin et fut élevé par son oncle et sa tante ; on dit qu'il a écrit sa première fable à 9 ans, quand il a appris que ses parents étaient morts accidentellement peu après sa naissance.
Il y a là une bonne Fée, une jeune Belle, un Chat botté (joliment appelé « le botté » par la Belle), une Barbe bleue, une méchante Fée, et, bien sûr, un Prince charmant. Prince, certainement, puisqu’il réveille la Belle, mais celle-ci doute qu’il soit charmant. Et l’on prend plaisir au plaisir du poète qui joue avec les mots. Supervielle y est à l’aise. Chaque personnage vient avec son adjectif ! L’auteur ne provoque pas seulement la rencontre, il creuse en chacun pour éveiller un autre versant des histoires racontées. Et ça fonctionne.
Le décor, c’est un écran tricoté par le Collectif France Tricot, sur lequel se tricotent et se détricotent les histoires. La Fée tricote les fils et les cordes aériennes. Le Chat botté tricote de ses jambes, la Belle de ses gambettes, et les autres ont maille à partir avec l’amour (même si, dans cette expression, la maille n’est pas celle qui se tricote).
C’est surtout le Chat botté qui glisse dans les airs quand la magie des contes opère. Parce que ça ne marche pas toujours. L’auteur, soudain, brise l’enchantement, le charme (c’est pour ça qu’on peut douter que le prince soit charmant). De nos jours, les fées, les ogres, tout cet attirail des contes, c’est fini. Le dernier point est cousu, la dernière boucle est bouclée. Et la dernière page va être fermée.
Mais rien ne nous empêchera d’ouvrir à nouveau le livre, de tout détricoter une fois de plus et de reprendre patiemment l’ouvrage. Il était une fois…
Ce spectacle était présenté, en création, à la Scène Watteau à Nogent-sur-Marne (94).