J’en ai déjà fait mention dans quelques billets précédents mais, régulièrement, mon œil ne manque pas d’être attiré par les petits entrefilets de presse qui finissent tous par brosser un de ces tableaux allégoriques à la gloire d’un Peuple Triomphant, marteau et faucille à la main. Aujourd’hui, il ne m’a fallu aucun mal pour en trouver une belle brassée…
Rien qu’en se concentrant sur les deux aspects qui fondent l’essentiel de la Soviétie à la française, on trouve une foultitude de petits signes qui permettent de lever tout doute sur la direction générale que prend ce pays : si les papiers peints, les logos, les affichages et les néons font résolument 21ème siècle, les problèmes rencontrés par la population face à leurs services publics et, parallèlement, les innovations fiscales toujours plus pimpantes font, quant à eux, furieusement penser au meilleur des années 70 en Allemagne côté Est.
Prenons la fiscalité : tout, dans son évolution, le personnel en charge et son comportement vis-à-vis du coupablecontribuable, évoque les pages les plus croustillantes de l’histoire de la Stasi.
On apprend ainsi, un tantinet consterné, qu’Uderzo vient de se prendre un redressement fiscal au motif qu’il n’est pas l’auteur d’Astérix, mais seulement son illustrateur. L’admirable rond-de-cuir auteur d’une telle performance méritera largement le traitement de faveur qui l’attend lorsque les troupes révolutionnaires prendront Bercy d’assaut, lorsque la France sera en cessation de paiement.
Dans le même temps, et pour compléter précisément l’image de cynisme et de foutage de gueule de l’élite républicaine vis-à-vis des moutontribuables, Sarkozy en profite pour proposer un G20 du droit d’auteur, collision du plus haut comique avec le camouflet infligé au dessinateur du plus français des héros de bandes-dessinées. Notez au passage que si Borloo avait été au pouvoir, nous aurions tous chopé une décharge de Grenelle du Droit d’Auteur : autre patron, autre cigare ; autre cigare, autre fumée. Et personne, ni dans la presse, ni ailleurs, pour simplement émettre une question simple : est-ce vraiment le bon moment de se lancer dans ce genre de réunions coûteuses ?
Et pendant, donc, que Bercy explore invasivement les orifices d’Uderzo sous les applaudissements du chef de l’État, ce dernier enquille une de ces propositions qui donnent toute leur épaisseur au code des impôts, et leur raison d’être aux milliers d’avocats fiscalistes payés des fortunes pour l’éplucher : rien de tel qu’une bonne taxation des plus-values de la revente des résidences principales pour relancer … la spéculation et la hausse des prix sur les constructions dans le neuf.
En effet, si on peut envisager, en étirant vraiment sa bonne volonté, cette taxation comme un contrepoids bizarre aux avantages fiscaux délirants permettant de se lancer dans l’immobilier, elle va, très logiquement et mécaniquement, accroître la difficulté de déménagement et de relocalisation des foyers en fonction des lieux de travail, augmenter encore la viscosité du marché immobilier (qui avait bien besoin de ça !) et par voie de conséquence, augmenter le coût d’accession à la propriété.
Sur un marché qui est déjà l’un des plus complexes et des plus régulés, une nouvelle intervention perturbante de l’état manquait vraiment.
Et s’il fallait ajouter une dimension à la soviétisation tranquille du pays, ce serait celle de ses services publics : le délitement général de tout ce pour quoi l’état s’est porté garant, en parfaite synchronicité de ses difficultés de plus en plus pressantes à honorer ses échéances de paiements, atteint la plupart des services qu’il rend à sa population.
La Poste aura réussi le pari de totalement fusiller toute prétention à la qualité de service, et ce, juste avant l’ouverture à la concurrence. Parions que ce sera cette dernière qui sera blâmée lorsque les consommateurs, excédés de perdre leurs paquets et leurs recommandés (notamment fiscaux), fuiront le vieux service public pour aller se jeter dans les bras d’une concurrence que l’ensemble des services de l’état s’emploiera à saboter pour que le contraste ne soit pas trop grand.
Quant aux transports, notamment ferrés, ceux-là même qui firent notre glwâre ubi & orbi, et qui nous permirent de vendre moult TGV à l’étranger comme par exemple à … aux… enfin, là bas, ces transports montrent des signes de perturbation de plus en plus importants. Au point que les clients, bien plus usagés que consommateurs, finissent par se plaindre ouvertement du traitement Demaerd qu’ils subissent.
Alors que bon, des retards, il n’y a pas de quoi en faire un site, non ? Ah si ? Ah bon…
On pourrait aussi parler du système de soin que le monde nous enviait, il y a trente ans. A présent, il fait un peu penser à celui d’autres réussites soviétiques, aux excellentes performances … pour les touristes. Pour le citoyen qui paye, le rationnement se met, gentiment, en place.
Et comme dans toute soviétie, si quelque chose fonctionne de façon bêtement capitaliste, rien de tel que de le subventionner à mort pour en finir une fois pour toute et revenir à une saine gratuité couplée à la médiocrité qui permet d’en apprécier tous les aspects : un tarif social d’internet est sérieusement envisagé.
Allons. Du nerf ! Du courage ! La longue marche vers la soviétie française finale est évidemment parsemée d’embûches, mais comme chaque politicien nous promet des lendemains qui chantent, il y en a bien un qui finira par avoir raison, non ?
Non ?
—-
Sur le web