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Marine Le Pen, ou l’incompétence frontiste en marche

Publié le 19 janvier 2011 par Ruddy V / Ernst Calafol

Marine Le Pen, ou l’incompétence frontiste en marcheHier soir, sur France 2, la nouvelle présidente du Front national a une fois de plus renvoyé dos à dos la droite et la gauche. Une dénonciation plutôt cocasse car, un temps aux affaires dans certaines villes, le FN s’est montré un gestionnaire particulièrement médiocre.

Pas de doute, la Marine est à l’œuvre. A peine élue, la nouvelle présidente du Front national bat déjà la campagne en vue des présidentielles. Les premiers roulements de tambour ont eu lieu hier soir, au 20 heures de France 2. Pour l’occasion, et comme elle l’avait déjà fait durant le week-end de son élection, la fille de son père a un peu édulcoré le discours frontiste. Ou plutôt, elle l’a mis au goût du jour. Le chômage ? Tapons sur la mondialisation et l’immigration. La crise ? Tapons sur l’euro. L’endettement de la France ? Tapons sur la gestion politique de ces dernières années, de gauche comme de droite. Cela plaît, paraît-il, à 18% d’électeurs crédules.

Mais derrière cette façade de circonstance, Marine Le Pen use finalement des mêmes ficelles grossières que le vieux paternel : le bon peuple opprimé contre les politiciens véreux, la nation comme dernier rempart face au reste du monde, le FN grand opprimé spolié de la vie politique française et victime de procès d’intentions. Le tout resservi avec une louche du classique « Ah que tout irait mieux si nous étions aux commandes ». La blonde aboyeuse frontiste oublie un peu vite que, précisément, son parti a déjà accédé à des responsabilités. Si celles-ci ne furent jamais nationales, l’extrême droite a en revanche à plusieurs reprises géré des municipalités : Orange, Toulon et Marignane en 1995 et Vitrolles en 1997.

Or, une fois aux manettes, les élus frontistes n’ont pas vraiment fait mieux que les autres. Souvent, ils ont même fait pire. En juillet 2009, un article du Monde rappelle ainsi la gestion cataclysmique de Marignane, à partir de l’arrivée aux affaires de Daniel Simonpieri, membre du FN. L’auteur note que les impôts locaux ont augmenté et que le centre-ville, contrairement aux engagements du parti vainqueur, n’a pas été rénovée. En 2006, la Chambre régionale des comptes livre un rapport salé sur la situation financière. Elle met en avant le laisser-aller dans l’assainissement des finances de la commune : aucune restructuration des services, augmentation constante des charges courantes, diminution de l’autofinancement, augmentation du poids de la dette…

Ratages financiers et condamnations en cascade

Le rapport précise même que la mairie de Marignane, sous le règne frontiste, n’a pas su saisir l’opportunité de l’intercommunalité pour réduire ses dépenses. Ou comment ne pas vivre avec son temps… Signe d’une situation plus que délétère, Daniel Simonpieri est épinglé peu de temps après par son ancien directeur de cabinet, pour avoir utilisé les deniers publics à des fins privées (voir l’article de Libération à ce sujet).

Vitrolles, dirigée par Catherine Mégret, subit également le courroux de la Chambre régionale des comptes. La maire et son mari Bruno Mégret sont condamnés par la justice en 2006 pour avoir utilisé les fonds de la commune à des fin électorales (voir les précisions sur Libération). A Toulon, selon l’article du Monde, le maire FN Jean-Marie Le Chevallier laisse également une ville surendettée lorsqu’il perd les élections en 2001. Lui aussi est condamné en 2003, pour subornation de témoins dans l’affaire du meurtre de son directeur de cabinet. Au milieu de ces gestions calamiteuses, Orange, dirigée par Jacques Bompard, fait seule figure d’exception avec un bilan partagé décrit par L’Express.

A cela s’ajoutent des affaires que le FN est prompt à dénoncer chez ses adversaires. Des connivences que résume l’article du Monde : « Les maires FN accordent [...] une large place à leur famille. A Vitrolles, Bruno Mégret agit en permanence dans l’ombre de sa femme, Catherine, tête de liste à sa place après sa condamnation à une peine d’inéligibilité pour non-respect des règles de financement de campagne électorale. A Toulon, la femme de Jean-Marie Le Chevallier est placée à la tête du Centre de loisirs et d’action sociale. A Orange, c’est le neveu de l’épouse de Jacques Bompard qui est placé à la tête de l’office du tourisme. »

Où sont les compétences ?

Et l’auteur de citer Nona Mayer, chercheuse au Cevipof sciences po, qui explique ces échecs par un manque clair de compétences. Faut-il croire que celles-ci sont brusquement apparues avec l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti ? Son élection tend au contraire à prouver qu’au FN, les affaires se gèrent de manière dynastique. Ce qui n’est pas vraiment un gage de renouvellement ni de relance de la réflexion politique frontiste.

Au-delà du débat idéologique sur un programme xénophobe et au fond profondément libéral, il apparaît clairement que le Front national n’a pas les compétences requises pour gérer la France. Comment le pourrait-il quand ses équipes ne sont pas même en mesure d’administrer correctement une ville de quelques milliers d’habitants, et quand sa nouvelle présidente prône toujours des solutions éculées et des non-sens économiques ? Tous les économistes sérieux expliquent qu’un retour au franc aurait presque à coup sûr un effet catastrophique, tout comme le bouclage des frontières.

Tout au plus le parti de Marine Le Pen peut-il se complaire dans ce rôle de trublion politique, duquel il n’est jamais parvenu à s’extraire depuis sa création en 1972. L’art du meuglement public a rarement fait de bons gestionnaires.

A lire aussi sur ce blog : Le Pen ou la logique du populisme

Crédit photo : Neno / Flickr



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