Berger

L'expérience d'aide-berger, c'était pas une vocation pour moi juste une expérience, une curiosité qui m'excitait pas mal.
Bien sur en y allant j'idéalisais un peu l'affaire, même si j'avais lu quelques moments de vie de berger en hiver qui ne m'avaient pas refroidis pour autant. En fait je ne m'attendais à rien, j'y suis vraiment allé avec les yeux et le cœur grands ouverts.
Tout d'abord le lieu : la petite troupe était situé en haut d'une montagne dans deux caravanes à côté d'une ferme. Les paysages étaient rafraichissants dans les deux sens du terme, de la neige - parfois beaucoup - avec la beauté que cela entraine. Le confort était relatif, on va dire carrément sommaire : à 4 ou 5 dans la caravane, sans intimité, dans le froid et nous mangions tous (jusqu'à 6) à côté d'une petite table aménagée dans ladite caravane. La douche c'était une fois tous les 5 jours.
 
Malgré tout j'ai adoré, les repas étaient très bons et copieux : des légumes bios, du mouton, beaucoup de chocolat (toutes les sortes de chocolat Milka y sont passées), ... Et l'ambiance était idéale, parfois stressante pendant les heures d'aide mais "soupère" pendant le reste c'est à dire tout le temps (peu de moments en solitaire au final mis à part quand je gardais les moutons). Ma rencontre avec les 3 bergers restera un moment fort du voyage :

• Hans, le plus âgé, avec qui j'ai pu discuter longuement sur la vie en général, l'histoire européenne et les politiques récentes.
• Jost, berger professionnel aussi, assez jeune (en tout cas plus jeune que moi), un gars impressionnant. Il m'a fait l'honneur d'un saut de Superman pour aller récupérer une mère au milieu du troupeau. Je l'appelle Mowgli et je pense qu'il est mi mouton-mi homme. Il se nourrit exclusivement de beurre, de mouton et de céréales et vit dans sa caravane avec la dernière bergère.
• Boxi, jeune bergère encore en apprentissage. Parfois dur de travailler avec elle puisqu'au bout d'une semaine, le petit prétentieux que j'étais estimait parfois que les décisions de Boxi étaient inappropriées. En dehors de ça, elle était super gentille et touchante.
• Ray une aide jap arrivée le même jour que moi mais qui a craqué. Pas assez de douches, d'intimité et surtout l'aide était en général super intense bien que concentrée sur une période réduite. Bref, le côté princesse n'est pas possible dans ce monde.

   

Concernant le 'boulot', c'était : récupérer les agneaux morts le matin, déplacer le troupeau en faisant attention aux nouveaux-nés trop faibles pour suivre le troupeau, marcher, courir, récupérer les moutons perdus, monter la clôture, surveiller...
Souvent le côté morbide de tout ça (agneaux morts, abattage de mouton pour une commande, les chiens mangeant les agneaux morts ..) peut être vu comme dur, mais mon côté sans-cœur m'a permis d'être insensible à ça, considérant cela comme partie de leur travail. Même la sélection d'un jumeau sur deux pour lui permettre de vivre ne m'émouvait pas. Comme disait Hans, là où il y a de la vie, il y a de la mort.

 
Birkfeld : un jour tout seul

Au final j'ai pu effectuer deux actions d'anthologie, une première en conduisant la moitié du troupeau qui s'était enfuit (500 moutons alors que l'on s'attendait à en trouver 2 ou 3) et la seconde en capturant un mouton à mains nues (après une lutte acharnée).

Cela ajouté à tous les moments passés avec les bergers, les moments de solitude, les couchers de soleil sur la montagne, les nuits étoilées, les repas dans les fermes avoisinantes, le ciel rose/orange/rouge et la neige omniprésente qui m'ont permis de presque regretter de n'y rester que deux semaines. "Presque" à cause de la dernière journée horrible : une journée complète d'aide, d'une intensité rare avec des pleurs d'une partie de la troupe, avec beaucoup d'acharnement sur les moutons, le chauffage de la caravane qui a claqué et encore un gant perdu.

L'album photo ici