Henri Dumas, architecte, promoteur et propriétaire d’un hôtel, tient depuis un an un blog, « Les dérives du contrôle fiscal ». Comme l’indique l’adresse de ce blog (http://www.temoignagefiscal.com), il s’agit d’un témoignage sur sa situation personnelle.
Roman Bernard : Henri Dumas, pourquoi avoir fait la démarche de tenir un blog ?
Henri Dumas : J’ai été élevé dans le monde des affaires, à l’ancienne mode. Cela fait depuis 1965 que j’exerce ma double profession d’architecte et de promoteur en profession libérale. Je crois à l’économie de marché, ce qui ne m’empêche pas d’être parfaitement conscient de la nécessité de l’impôt. Je n’ai d’ailleurs jamais triché à ce sujet, contrairement à ce que le fisc me reproche. Mais je pense simplement que l’impôt est confiscatoire en France, et que les Français doivent se prendre en mains pour le juguler. Les deux leviers sont la diminution des dépenses publiques, telle que l’entreprend Contribuables Associés, mais aussi la lutte contre le scandale des contrôles fiscaux. Ces derniers sont à 70% des sur-impôts qui ne se justifient pas.
RB : Pourquoi qualifiez-vous votre blog de « testament » ?
HD : Parce que l’existence même de ce blog fait que le fisc s’acharne encore plus contre moi. Mes chances de voir la justice être rendue, dans ces conditions, sont plus que minimes. Il me paraissait donc indispensable de laisser une trace des exactions dont je suis la victime.
RB : Combien le fisc vous réclame-t-il ?
HD : Deux millions d’euros totalement indus. Je n’y survivrai pas, au moins économiquement. De quel poids pèse un homme ruiné, comment peut-il se faire entendre, exister ? Il ne reste que son testament.
RB : Ne pouvez-vous pas faire valoir vos droits ?
HD : Le problème, c’est que c’est une lourde entrave pour se défendre. Dès la notification et pendant toute la procédure de contestation, les sommes liées à la notification sont exigibles. Cela génère des avis de paiement accompagnés de saisies sur comptes bancaires, des prises de garanties, en réalité la paralysie complète de la trésorerie de l’entreprise contrôlée. Dans ces conditions, le contribuable est complètement entravé dans sa défense.
RB : La procédure du contrôle fiscal vous paraît-elle conforme aux principes de l’État de droit ?
HD : Non, et cela pour deux raisons. Il y a une double atteinte à l’habeas corpus et à la présomption d’innocence. Violation de l’habeas corpus parce que vous ne savez pas pourquoi vous êtes contrôlé. Or, le mystère entourant les motifs du contrôle n’a pas lieu d’être. Les comptabilités ne s’envolent pas, le contrôlé doit savoir pourquoi il est contrôlé et ce qui lui est reproché. Cette connaissance est nécessaire à sa défense.
RB : Et en quoi y a-t-il violation de la présomption d’innocence ?
HD : Parce qu’il y a un « recours préalable », qui impose au contribuable de faire part d’abord aux services fiscaux de son désaccord. Le recours préalable est obligatoire en cas de contestation d’un redressement, sous peine, faute de l’avoir fait, de ne plus avoir le droit d’agir en justice. Il permet aux services fiscaux d’affiner leur copie, de connaître les arguments du contrôlé. Et surtout, comme ensuite c’est au contribuable d’engager une action contentieuse, il inverse mécaniquement la charge de la preuve. Ce sera au contribuable de faire la preuve qu’il ne doit pas ce qui lui est demandé, au lieu que ce soit à l’administration fiscale de faire la preuve de ce qu’elle demande.
RB : Que pensez-vous du traitement médiatique et politique des affaires de fraude fiscale (avérées ou non) ?
HD : Le danger est grand. Je pense que la haine véhiculée contre les « fraudeurs fiscaux » (tout le monde pouvant d’ailleurs être accusé de fraude fiscale), finira par des exactions physiques. D’autant plus que depuis la crise financière de 2008, le « fraudeur fiscal » est le bouc-émissaire de la faillite de notre pays. C’est le début d’une épuration, le sort que la masse souhaite aux « fraudeurs fiscaux » et par extension aux gros contribuables.
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