Les recasés de l’avant-dernier gouvernement Fillon (voir ci-dessous) ne font que s’ajouter à la longue liste des nominations arbitraires à la disposition de ceux qui nous gouvernent, à tous les niveaux, celui de l’Etat, bien sûr, comme celui des principales collectivités publiques. Comme si le pouvoir réel d’une personne, au sein de la sphère publique, était fonction de sa capacité à en abuser.
On a pu dire que les Français avaient soif d’égalité pour les autres et le goût de l’inégalité pour eux-mêmes.
Que Madame Fadela Amara soit nommée inspectrice des affaires sociales, que Madame Rama Yade soit nommée ambassadeur de France auprès de l’Unesco et que Monsieur Bernard Kouchner trouve à s’employer à l’ONU ne me choque que dans la mesure où ils ne doivent ces emplois qu’au bon vouloir du président de la République. Les devraient-ils à d’autres que ce serait moins choquant.
Seul de tous les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy, Valéry Giscard d’Estaing avait la réputation de ne pas chercher à recaser ses anciens collaborateurs. Ces derniers le savaient et faisaient donc leur affaire personnelle de la suite de leur vie professionnelle, qui dans le privé, qui dans la banque ou la fonction publique. Tout en s’efforçant évidemment de valoriser cette expérience politique interrompue. Tout comme leur carnet d’adresses.
Que le pouvoir en place s’efforce de conserver près de lui toute éminence ayant dû abandonner les ors ministériels, plutôt que de voir ces personnages se répandre dans la nature et en particulier dans les médias, on peut le comprendre. C’est un élément important de l’omerta (loi du silence) qui préside à l’organisation et à la permanence du système politique français.
On ne crache pas dans la soupe, même quand on a été prié de quitter la table du Conseil des ministres. C’est une règle morale. On a d’ailleurs la même dans le milieu… Règle qui est d’autant mieux appliquée qu’on a un intérêt matériel à le faire.
- Inspecteur des affaires sociales ? Emploi à vie, avec retraite de haut fonctionnaire garantie, sans aucune contrepartie de travail obligatoire…
- Ambassadeur de France. Au-delà du titre prestigieux et d’une rémunération (plus frais) proportionnée, la perspective d’une intégration dans les cadres du Quai d’Orsay…
- Chargé de mission auprès du secrétaire général de l’ONU. Un salaire (plus frais) net de tout impôt en France, même à 71 ans…
On s’étonne quand même que ces recasages ordinaires soient le fait d’un président qui s’est fait élire en 2007 sur le thème de la «République exemplaire».
Et on s’étonne encore plus que les bénéficiaires de ces prébendes habituelles soient précisément les ministres de l’ancien gouvernement Fillon qui avaient prétendu, un moment, se distinguer des autres hommes politiques par une posture morale plus éclatante.
Car dans cette pratique – comme quand il s’agit d’actes de corruption – le recaseur est finalement moins vil que le recasé.
Alain Dumait
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Les recasés :
- Fadela Amara, ancien secrétaire d’État à la Ville, devient inspectrice générale des affaires sociales (Igas), pour un salaire de 8000 euros par mois.
- Bernard Kouchner, ancien ministre des Affaires étrangères, devient Haut représentant de l’ONU pour la reconstruction d’Haïti.
- Rama Yade, ancien secrétaire d’État aux Sports, devient déléguée permanente de la France à l’Unesco.
Ils retrouvent leur mandat d’origine :
- À l’Assemblée nationale : Jean-Louis Borloo, ex-Écologie, Nord ; Patrick Devedjian (ex-Relance), Hauts-de-Seine ; Christian Estrosi (ex-Industrie), Alpes-Maritimes ; Hervé Morin (ex-Défense), Eure ; Éric Woerth (ex-Travail), Oise.
- Au Sénat : Jean-Marie Bockel (ex-secrétaire d’État à la Justice), Haut-Rhin.
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