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On est très gâté en bons disques ces temps-ci, alors profitons-en! Voici de nombreuses chroniques à paraître dans le prochain numéro de RifRaf.be D'abord Huun Huur Tu, pour une musique inouïe! Dans tous les sens du terme! Et ensuite une interview de Marc Hollander, le boss du label belge Crammed qui vient de sortir un disque abracadabrantesque où musiques africaines et occidentales font des étincelles comme jamais auparavant! Sans oublier l'excellente compil' sortie sur le label Strut consacrée cette fois à des musiques caribéennes absolument envoûtantes ainsi que le compil de Simbad et Lefto; ce dernier est un DJ bruxellois qui a ravi les oreilles de Gilles Peterson et les nôtres!
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Huun Huur Tu
‘Ancestors Call’
World Village
Voilà, c’était celui-là mon disque de l’année 2010 ! Une véritable révélation pour moi mais un groupe qui existe depuis plus de 15 ans. Originaire de la région de Tuva en Mongolie, le groupe tire son nom de l’étrange phénomène de diffraction de la lumière sur la steppe au lever et coucher du soleil. Lorsqu’on entend le chant diaphonique (chant du larynx) qui dissocie les harmonies de la voix, on imagine le parallèle entre les deux… Ces chants irréels sont tirés des traditions chamaniques ancestrales de même que d’influences plus modernes et sont accompagnés avec une infinie délicatesse par l’un ou l’autre instruments locaux comparables à un violoncelle à deux cordes, au saz, à la flûte. Dans une culture axée sur le rapport à la nature, aux éléments et aux esprits des trois mondes, on est réellement transporté par cette musique dans la grande famille du vivant : les hommes, les animaux, les forêts, le ciel… jamais je n’avais entendu le vent mis en musique avec ces couches vocales et instrumentales qui viennent ajouter chaque fois une petite nuance, un souffle, un changement de direction ; une magie naturelle (‘Saryglarlar’). Porté par les voix, chaque titre tournoie et vous enveloppe dans une expérience forte qui remue quelque chose au fond de soi, comme un appel ineffable à l’harmonie. Une musique hors du temps et à nulle autre pareille. (jd)
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No Blues
‘Hela Hela’
ON
C’est la maison de production ON (pour Oost-Nederland) qui est à l’origine de ce projet et du groupe No Blues. Le but était de tisser des liens entre le folk blues et la musique arabe traditionnelle. Le premier album avait été assez concluant et le groupe s’est enrichi au fur et à mesure des albums. Si le premier album affichait déjà un beau savoir-faire, ‘Hela Hela’ est une très grande réussite penchant plus vers le courty-blues. Chacun des musiciens est une sorte de sommité dans sa catégorie et ils ont trouvé plus qu’une simple cohérence, un véritable art du panachage des racines stylistiques avec un style on ne peut plus naturel. Chaque titre est un pur bonheur à écouter quel que soit le côté de la Méditerranée où l’on se trouve : l’oud se la joue tellement bien folk, qui lui semble si proche des mélodies orientales, les frontières sont transcendées. Cohérence, intégrité et richesse de cette rencontre ne sont pas des mots galvaudés pour cet album qui présente 12 titres dotés d’une forte personnalité (le formidable ‘Le’ folk oriental au slide, ‘Hela Hela’ aurait pu sortir du ‘Raising Sand’ de Robert Plant et Alison Krauss, ‘Digging A Grave’ vient tout droit de la veine ‘Dead Flowers’ des Stones) et constituent clairement l’apogée du groupe No Blues. Chapeau pour ce pur arabicana ! (jd)
Scabs
‘The Singles’
PIAS
Réécouter The Scabs après tout ce temps ! En 31 ans de carrière, 31 singles, il y avait forcément des trucs qu’on avait oublié et d’autres qu’on ne connaissait pas, sans parler d’un nouveau single, pour la forme. 1981 d’abord la période new wave mais avec les refrains bien rock scandés par Guy Swinnen qui signait seul les titres à cette époque. ‘Beat Me Up’ (Scotty ??) présente un riff incisif lancé par une batterie très en verve… who is ‘The Architect’ anyway ? On entend donc un groupe qui affiche une belle santé, une belle énergie et des morceaux ambitieux qu’on avait perdu de vue par chez nous… Mais je n’ai aucune idée de leur impact à l’étranger où la concurrence devait être quand même plus rude. Peu à peu Willy Willy se fait plus entendre, puis vint le carton ‘Hard Times’ qui annonce le tournant rock et folk et le succès de ‘Royalty In Exile’, un de mes premiers achats CD. Marrant de réécouter les gros riffs de ‘I Need You’ et ‘Little Lady’, de même que ‘Don’t You Know’ une vraie perle de pop mélodique. Mais après le départ de Willy Willy (refusant de baisser le son des guitares), plus rien n’est pareil et le groupe de s’arrêter en 1996. Pour mieux revenir plus tard avec Willy bien sûr ! Un chouette parcours mais je donnerai tout cela juste pour ‘Royalty In Exile’ devenu, ces temps-ci, une véritable obsession au Nord du pays…(jd)
Compiled :
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Various
‘Sofrito’
Strut Records
Affichant un sourire à 1000 watt, les aficionados des soirées Sofrito ont dû se dire : « Ils ont encoww fwappé ! ». Ils, c’est Hugo Mendès et le label Strut qui nous ont mijoté une de ces compils qui selon leur excellente habitude nous ressortent des petites péptites
du passé, axée cette fois sur le thème tropical. Hugo Mendès a fait de son digger aux Caraïbes et nous a ramené des véritables balles funky et dansantes telles qu’on les jouait en Guadeloupe, en Martinique et en Afrique. On n’en sait pas beaucoup plus, comme toujours sur ces disques promo miteux, alors que bien souvent le digger f
ait un véritable jeu de piste pour retrouve les vinyles, les groupes, les masters etc. Bon sachez en tout cas que c’est bel et bien une bombe tropicale ! La compil s’ouvre en cumbia à laquelle succède le groove des Ya Toupas Du Zaïre avec un ‘Je Ne Bois Pas Beaucoup’ flashé à près de 130 bpm, puis celui de Fair Nick Stars implorant la fin des commérages avec ‘Arrêtez Mal Parlé’. ‘Fa’Waka’ commence sur une biguine inoffensive pour reprendre sur un zouk virant à la transe… j’aimerais bien savoir ce qui se cache derrière cette expression créole ! Salsa, cumbia s’enchaînent à une c
adence d’enfer pour prendre carrément des allures de carnaval avec Roaring Lion. ‘Yiri Yiri Boum’ clôture cette compil sur un air très débonnaire. Un carton intégral ! (jd)
Various
‘Lefto & Simbad : Worldwide Family Vol.1’
Brownswood Recordings
Doué également d’un don d’ubiquité assez impressionnant, Gilles Peterson fonde son propre festival en 2007, le Worldwide Festival. Adoubés par le Gilles en personne, Simbad et Lefto (le DJ belge favori de Stubru) ont été mandatés pour concocter une double compilation de haute volée afin d’illustrer ce festival. Axé autour des musiques sophistiquées et underground, ce disque fort intéressant fait la part belle à des producteurs provenant aussi bien d’Allemagne (Damage Is Done), de Croatie (Eddy Ramich), de Belgique (UpHigh Collective), des States (Afrikan Sciences), d’Angleterre (Brassroots), de France (Trilogy) etc. Ils ont la particularité de ne pas être diffusés par les voies habituelles, nous amenant sur CD 27 titres d’une fraîcheur redoutable. Un double CD vraime
nt transgenre et sans frontière dans tout ce que vous pourrez trouver d’électronique, de hip hop, UK funky, dubstep, speed soca et j’en passe et des meilleurs, pour autant que ça fasse groover gentiment les clubs avec des sons avant-gardistes. Mais peu importe finalement car ces morceaux sont tout sauf prise de tête, encore moins racoleurs, et vous emmènent avec une spontanéité et une qualité rare dans des univers sonores éclectiques qu’on est avide de découvrir. Comme ils le disent très bien : il y a tellement de bonne musique qui mérite d’être partagée à large échelle. Dont acte. (jd)
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Various
‘Riddim Box’
Soul Jazz Records
Encore une aventure underground de plus pour Soul Jazz Records qui nous emmène cette fois dans les bas-fonds de Londres dans les basses et les rythmes trépidants du UK Funky. Ce genre hybride s’impose peu à peu en assimilant tout ce qui a pu faire les beaux jours des sorteurs là-bas : garage, drum’n’bass, dubstep, house et j’en passe, chaque son est bon pour être recyclé aux côté d’autres pour en sortir du plus ou moins neuf. Difficile de se faire une vue d’ensemble de cette compil dont on a reçu qu’un CD sur deux, si ce n’est qu’elle fait la part belle aux instrumentaux présentant au début des rythmes à tendance afro genre coupé décalé déstructuré, sans doute à retravailler en live à grand coup de hot cue par tous les dj du cru… la technologie quand même ! Pourtant ces titres claquent un peu dans le vide vu l’absence de parties vocales. Seuls quelques titres se démarquent mais alors sérieusement, tels le ‘Ready She Ready’ de Tubby T et ‘Almighty Father’ de Sunship. À tendance ragga dancehall, ils présentent justement des vocals au flow ravageur. Donae’o clôt le premier CD sur un ‘African Warrior’ instru aussi mais martial à souhait. On vous parle de la suite si on la reçoit. (jd)
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Maëlan
‘Live Life’
Janngo Records
Pour son premier album solo, le jeune bruxellois qui fut MC de Grimelock et backing vocals dans The DYnamic Band, a déjà bien traîné sa bosse underground. La production ne manque pas de savoir faire pour graver des sons dubstep (ce qu’il a fait également dans de multiples autres collaborations) et réaliser une jonction avec le reggae grâce à un travail mélodique de fort belle qualité (‘Thanks And Praises’ pour le côté hypnotique des chœurs égyptiens). Dans ce travail personnel et très fouillé au niveau des sons, il manque cependant quelque chose pour faire de cet album quelque chose de concluant sur toute la longueur: certains titres frisant avec le R’n’B (‘The World Belongs To The World’ et surtout ‘Chill Together’) seraient-elles des concessions grand public ? Ces titres plus faibles ressortent d’autant plus quand on écoute le redoutable single ‘Feel The Heat’ et surtout ‘Brussels City’ avec DYnamic qui dominent les autres titres avec leur vraie carrure dubstep. Suite au prochain numéro, sans aucun doute. (jd)
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Dub Inc.
‘Hors Contrôle’
Naïve
En musique comme en politique, on peut pratiquer une forme de populisme (de gauche ou de droite) et séduire les gens avec des propos d’anti-ceci ou cela, des propos de rébellion de jardin, jouer avec des stéréotypes et convaincre des milliers de gens d’acheter vos albums, d’aller à vos concerts. Avec ses rengaines engagées à deux claques et ses refrains reggae éculés, c’est ce que font les Français de Dub Inc qui en sont déjà à leur quatrième album. En tout cas ce qui est sûr c’est que les propos les plus simplistes et réducteurs qui sont les plus aptes à manipuler les gens. Bon en musique c’est déjà pas terrible et ça donne des groupes comme Dub Inc qui font les amuseurs publics depuis presque 10 ans. Mais en politique c’est nettement moins marrant lorsque un de ces guignol populiste se retrouve du jour au lendemain au pouvoir – élu par ceux qui ont cédé au brainwash- et se comporte comme le pire des nouveau riches pour mener un pays au chaos au nom d’une cause supérieure qui tourne en rond. Mis à part le jeu de mauvaise foi des politiciens, c’est un peu ce qu’il se passe avec Dub Inc : une musique à message à deux balles qui tourne en rond et déssert la cause du reggae. Il faut savoir arrêter quand on n’est pas à la hauteur. Même si le peuple en redemande. Alors les gars, faites comme Fatbart, devenez présentateur télé et laissez la cause reggae à des gens qui en sont dignes. (jd)
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Cut In The Hill Gang
‘Mean Black Cat’
Stag-O-Lee
Derrière ces tronches de sales kets dessinées sur cette pochette un peu gothique, se cachent de sacrés gaillards qui en connaissent un bout en terme de rock garage. Ayant complété le groupe d’un claviériste émérite, leur formation s’est dotée non seulement d’un son nouveau mais aussi d’une réelle inspiration additionnelle. Voilà des gars qui ont compris que la formule duo ne mène pas souvent ailleurs qu’à l’économie de talent. Basé sur dix reprises de blueseux et de rockeurs poussiéreux, ‘Mean Black Cat’ est un brûlot qui vampirise les originaux pour en ressortir des morceaux assez inédits comme ce ‘Let’s Get Funky/Black To Comm’ qui fait péter les durites, en tout bon croisement entre Hound Dog Taylor et MC5 qu’il est. Enchaînement avec le célèbre ‘Serves Me Right To Suffer’ du bluddhiste John Lee Hooker… son d’amplis à lampes, montées vertigineuses, cette version est tout de suite à énumérer parmi les plus fiévreuses. ‘The Right To Love You’ trouve sa place aux côtés de ‘I Put A Spell On You’ du Creedence pour ses noires imprécations et son chant soul. ‘Fuck The People/Revolution’ opère à nouveau un croisement bâtard/zinneke ébouriffant soit la rencontre entre Kills et un de leurs prédécesseurs de Spacemen 3, avec toujours ce son sourd, sale mais terriblement puissant. Le trip à fond la caisse dans l’enfer rock garage se termine à la slide acoustique en un superbe hommage au Gun Club propulsant ce disque bien plus haut qu’un simple album de reprises et directement du côté de mes disques du mois. (jd)