""""""
Abracadabrantesque !
Vous avez déjà entendu ça ? Moi jamais. Une bande de rockers alternatifs se fendent d’un album phénoménal en prenant pour angle d’attaque des titres de musiciens qu’ils vénèrent, ceux des disques Congotronics. Et le clash est fameux. Les rockeurs font littéralement exploser les barrières de leur créativité et, aux confins de deux mondes qui n’avaient rien et tout en commun, proposent un disque prolifique, dense et remuant sur tous les plans ! Cette oeuvre unique et majeure dans l’histoire des relations Nord/Sud, connaîtra une prolongation sur scène qui réunira Konono, Kasaï Allstars avec certains protagonistes du disque. Inspiration à 360° et fun débridé garantis ! C’est ce qui s’appelle un destin. Pour nous en parler, Marc Hollander et Mc Cloud le chanteur de Hoquets. Attention disque réellement inouï, unique exceptionnel comme on fait plus et que vous allez encore réécouter de nombreuses années avec le même émerveillement!
Marc : « Le premier album de Konono est très vite devenu la coqueluche des musiciens et du public de rock indé anglo-saxon. On s’en doutait un peu même si on pensait qu’il y aurait plus de d’engouement du côté de l’électronique vu le cousinage involontaire existant avec cette mouvance qui a des racines très anciennes du côté de l’Afrique. On nous a proposé plusieurs fois de faire des remix ce à quoi je m’étais toujours opposé car je trouvais que c’était brouiller les pistes. Il fallait d’abord faire comprendre aux gens la musique de Konono telle qu’elle est et que c’est le groupe qui joue et sonne de cette façon, sans qu’il y ait de production additionnelle de notre part. Et puis les remix, on les voyait venir avec leur tchac boom alors que cette musique est déjà comme cela naturellement. Devant la popularité croissante des musiques Congotronics, on s’est dit qu’on devrait prendre au mot tous ceux qui la citent comme influence et peu à peu a germé l’idée de proposer à des groupes indé de la prendre comme point de départ pour en faire quelque chose qui soit bien plus qu’un remix mais un truc vrrraiment nouveau. »
Comment avez-vous choisi les groupes ?
Marc : « On imaginait bien que certains groupes avaient des affinités directes, d’autres dont on savait qu’ils étaient fans ou même parfois on ne savait pas ce qu’il ferait mais on trouvait qu’il y avait quelque chose à tenter avec eux. Mais globalement ça correspond à un vrai engouement de la part de ces groupes, de cette scène. Du coup ça n’a pas été difficile de les convaincre de les embraquer dans ce projet. En tout j’ai été en contact avec une quarantaine d’artistes. Puis certains étaient trop pris ou n’ont pas pu arriver au bout de ce qu’ils voulaient. C’est parfois aussi un concours de circonstances car Tussle par exemple, venait justement de faire un morceau inspiré par Konono. Au départ on comptait faire un album simple, donc par prudence on a demandé a beaucoup de groupes pour être sûr d’avoir un album solide. Mais devant la qualité de tout ce qu’on a reçu, on est parti sur l’idée d’un double album. »
On sent que ces groupes ont pris leur pied à re-travailler ces morceaux et ils font tout cela avec beaucoup d’aisance malgré le fait que la musique Congotronics est pour le moins complexe…
Marc : « Il y a toutes les approches en fait. Certains groupes comme Deerhoof ont vraiment analysé et décortiqué un morceau et ont appris à la rejouer. D’autres comme Allà se sont basés sur un élément sonore pour faire un morceau sans essayer de reproduire quoique ce soit. Jerek Bischoff lui a fait une transcription note à note pour orchestre de chambre qu’il a fait jouer de façon très carrée, à l’occidentale sans essayer de reproduire l’accordage africain. Ça donne un truc assez différent, une sorte de musique de film chinois… En tout cas, pour eux, ça a été une sacrée aventure de se lancer là-dedans et c’est pourquoi je leur ai demandé d’expliquer, dans la mesure du possible, leur démarche par écrit dans le livret. »
Mc Cloud, quand on t’a proposé de retravailler un titre de Konono à votre façon, que se passe-t-il dans votre tête ? Ça bouillonne mais par où commencer ?
Mc Cloud : « Pour nous Konono a vraiment été un catalyseur puisque c’est à l’issue d’un de leur concert qu’on a décidé de monter notre groupe. De plus nous sommes également partis de cette démarche de produire nous-mêmes nos instruments. Ensuite oui, on était très excité et on a voulu prendre quelque chose de nouveau dans le répertoire de Konono, d’où ce choix de ‘Makembe’ qui raconte par ailleurs l’histoire de Mingiedi (le leader historique du groupe) et de son groupe. C’est donc une source d’inspiration très directe. Par contre on a construit notre morceau dans le studio sans qu’on ait la moindre base de départ. Mais ça n’a pas été facile car on a voulu imprimer notre style tout en rendant hommage du Konono et avec tous ces rythmes différents c’est très inhabituel pour nous ! Et puis recomposer tout cela, c’est un grand voyage de découverte aussi. Et au final, c’est ni tout à fait nous ni tout à fait eux. »
Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus dans la musique de Konono et dans le fait de reprendre leur musique ?
Mc Cloud : « Je crois que ce qui a été fondamental dans demi-reprise, c’est d’y faire transparaître la joie de la musique, la fête, la danse ! Pour Konono, il faut danser !Car au départ c’est vraiment ça la musique de Konono. C’est la musique parfaite pour donner une bonne occasion de faire la fête et de se lâcher ! Avec ça, on oublie tout le reste. Mais c’était vraiment une belle occasion car non seulement on aime cette musique mais en plus c’est l’occasion de l’étudier plus en détail. Et puis c’est passionnant d’écouter la méthode de travail de chacun des groupes par rapport à du Congotronics. C’est aussi cela, la richesse d’un projet comme celui-là. »
De ton point de vue, comment expliquer l’engouement chez nous pour les musiques de Congotronics qui sont basées sur schémas musicaux très éloignés et qui sont de prime à bord assez bruts de décoffrage…
Marc : « Ces sons distordus, presque noise, couplés à quelque chose de très rythmique, cette pulsation… C’est pour ça qu’elles ont touché d’abord la scène indé plus que le public « musique du monde ». Même dans les médias « world », les vieux journalistes puristes en France et en Angleterre y voyaient au départ juste un groupe de transe. Pour eux et pour le vieux public de musique du monde, s’il n’y a pas une virtuosité et tout un travail de composition comme pour le jazz, ils ne comprennent pas… Alors quand c’est aussi répétitif que Konono avec ces sons qui arrachent et qui sont plus proches du punk, faut pas demander ! Mais pour moi c’est clair que cette musique est liée à la danse et c’est donc en live qu’elle s’expérimente le mieux. »
On connaît le phénomène Konono dans nos pays occidentaux mais qu’en est-il dans leur pays d’origine ?
Marc : « Tous ces groupes de musique tradi-moderne comme ils disent là-bas, sont à la base des musiques qui appartiennent à des groupes ethniques ou qui sont attachées à certaines régions. Lorsque les musiciens se sont retrouvés à Kinshasa pour différentes raisons, ils ont continué à jouer la musique de leur patelin pour différentes occasions. Imagine une amicale d’Auvergnats à Paris qui se réunirait dans l’arrière-salle d’un bistrot pour jouer leur bourrée auvergnate etc. Cela n’intéressera que ceux qui viennent de là mais ça ne bottera pas les jeunes ni les non-auvergnats etc. Pour Konono également, cette musique est réservée à un groupe social particulier. Maintenant, avec le ric hochet par l’Europe, les gens commencent à se dire qu’il se passe quelque chose et que cette musique est en train de se renouveler et de s’ouvrir aussi à d’autres traditions et d’autres musiques. »
Papa Mingiedi, le vieux leader historique de Konono, a-t-il écouté ce que les petits jeunes occidentaux ont fait de sa musique ?
Marc : « Lui et les autres groupes ont pu écouter le disque très récemment mais je ne sais pas quelles ont été leurs réactions. Ça dépend qui va écouter quoi. Mingiedi risque de trouver ça bizarre ! Il n’écoute que sa musique et il dit clairement que le reste ne l’intéresse pas. Chez les plus jeunes de Konono, ça va être différent. Pour Kasaï Allstars, ils vont sûrement être intéressés aussi car ils ont l’habitude des rencontres musicales étant donné qu’à la base, ce groupe s’est formé sur une coalition de cinq groupes ethniques de la province du Kasaï avec tous des instruments et des traditions différentes. À partir de cela, ils ont fait la démarche de sortir de leur musique habituelle pour aller vers quelque chose de nouveau pour tous. C’est comme ça que sur le box vinyle de Congotronics, il y a un 45T qui est en fait une collaboration entre eux et Akron Family. Là c’était la démarche inverse car c’est Akron Family qui a envoyé une base et c’est Kasaï Allstars qui ont rejoué par dessus. Eux, ils peuvent faire cela, ce qui est de bon augure pour le projet live qu’on est en train de monter. »
Intéressant ça ! En quoi consiste ce projet live ?
Marc : « L’idée est de poursuivre ces échanges musicaux du disques sur scène en donnant l’occasion aux musiciens de travailler auparavant sur les pistes des uns et des autres. Dans une douzaine de festivals en Europe et au Canada, il y aura donc vingt personnes sur scène : une dizaine de membres de Konono et Kasaï joueront avec Deerhoof, Micachu & The Shapes, Juana Molina, plus d’autres invités encore à déterminer. C’est un super projet, très excitant, très ambitieux mais qu’il faudra bien cadrer ! Et tout ça fera l’objet d’un nouveau disque puisqu’ils constitueront un nouveau répertoire durant ces lives. Ce qui est très stimulant aussi, c’est qu’il y aura une participation de certains festivals qui de ce fait, vont contribuer à financer la création. C’est un projet très mobilisateur. Pour les 30 ans du label, ça fait plaisir ! »
Deux disques : Various ‘Tradi-Mods VS Rockers’ Crammed ; Zazou/Bikaye/CY1 ‘Noir Et Blanc’ Crammed