Jean-Daniel Pasche L'horlogerie suisse, comme tous les secteurs économiques, s'est trouvée confrontée à une crise mondiale qui a conduit à une baisse de la consommation. Par conséquent, les ventes de montres ont également accusé une chute, provoquant du même coup une baisse des exportations. C'est malheureusement logique. Notre branche dépend beaucoup de la situation conjoncturelle prévalant sur ses marchés. Ceci dit, la crise a frappé les entreprises de manières différenciées, certaines souffrant plus que d'autres.
Thierry Dime Plusieurs indicateurs semblent relever les premiers signes d’une reprise de la consommation. Mais cette reprise se traduit-elle également au niveau des exportations ?
Jean-Daniel Pasche L'année 2010 a démontré une reprise vigoureuse des exportations. A fin novembre - les chiffres de décembre 2010 ne sont pas encore connus -, elles avaient augmenté de 21,8% sur onze mois par rapport à la même période de 2009. Cette croissance rapide démontre que la branche est saine et qu'elle avait les capacités de saisir tout de suite les opportunités liées à l'embellie économique mondiale.
Thierry Dime Si l’on inclut les touristes asiatiques qui achètent des montres lors de leurs voyages, on peut estimer que plus de deux-tiers des montres suisses vendues dans le monde partent en Asie. Peut-on dire aujourd’hui que des marchés matures tels que les Etats-Unis, sont en plein essoufflement ? Quelles en sont les raisons ?
Jean-Daniel Pasche Il est vrai que près de 52 % des exportations horlogères suisses partent en direction de l'Asie, y compris le Moyen-Orient. A cela, il convient d'ajouter les achats des touristes asiatiques lorsqu'ils voyagent notamment en Europe. Nous ne pouvons pas chiffrer ces achats mais ils sont importants.
La baisse des exportations sur les USA en 2008 et 2009 est due à la situation économique prévalant dans ce pays (endettement, chômage…). Le climat de consommation y reste difficile. Toutefois, les exportations à destination des USA sont reparties à la hausse en 2010, +15%. Mais les baisses enregistrées ces dernières années n'ont pas encore été compensées.
Thierry Dime Il y a quelques années, la Suisse s’est dotée d’une base légale pour effectuer des saisies de montres contrefaites aux frontières du trafic voyageur. Pensez-vous qu’elle soit suffisamment dissuasive ? Si oui, pourquoi ?
Jean-Daniel Pasche Cette base légale donne compétence aux douanes pour saisir toutes les copies importées, également celles importées à titre privé. Plusieurs centaines de copies de montres ont été saisies et détruites. Dans la mesure où les touristes redoutent les contrôles douaniers, la législation joue un certain rôle préventif.
Toutefois, comme elle ne prévoit pas de sanctions pour les contrevenants, il est vrai que son effet est limité. L'existence de sanctions rendrait la loi plus dissuasive.
Thierry Dime En quoi la contrefaçon peut-elle être problématique sur le futur du marché du luxe ?
Jean-Daniel Pasche La contrefaçon est dangereuse pour tous les produits pas seulement pour les produits de luxe. Elle porte atteinte à l'image de l'entreprise et à la valeur de la marque. En effet, les consommateurs perdent confiance dans les marques submergées par les copies. Ce fléau, notamment avec l'amélioration de la qualité des copies et l'augmentation de prix qui lui est liée, peut également provoquer des pertes de ventes, car le consommateur en vient à acheter du faux sans le savoir, croyant acheter du vrai avec un discount.
Le premier objectif de la lutte vise justement à protéger la confiance du public dans la marque en menant la vie dure aux contrefacteurs.
Thierry Dime La Fédération de l’Industrie Horlogère Suisse s’est associée à la Fondation de la Haute Horlogerie pour lancer la campagne « Fake Watches are for Fake People ! ». Ne serait-il pas davantage bénéfique de s’attaquer directement aux réseaux de trafiquants et à leurs capacités de production que de s’adresser au grand public ?
Jean-Daniel Pasche L'un n'exclut pas l'autre. Il est important de s'adresser au grand public pour le sensibiliser à cette problématique et à ses effets pervers. Sans consommateurs, il n'y aurait pas de contrefaçon.
Il est également important de s'attaquer aux contrefacteurs, ce que nous faisons avec l'appui des marques. Chaque année des centaines de milliers de copies sont saisies et détruites dans le monde, pour porter des coups économiques aux contrefacteurs et les conduire à moins de visibilité.
Thierry Dime Ne pensez-vous pas que le rassemblement des différentes organisations horlogères sous un même toit ne pourra qu’avoir une heureuse influence sur votre crédibilité extérieure ?
Jean-Daniel Pasche Les activités des différentes associations horlogères sont bien identifiées et chacune remplit ses objectifs dans sa sphère de compétence avec succès. Certes un regroupement peut conduire à des synergies, par exemple au niveau administratif, ou en facilitant la tâche des médias qui n'auraient qu'un seul interlocuteur pour couvrir tous les sujets touchant la branche.
Durant ces vingt dernières années, certains regroupements d'associations horlogères ont déjà eu lieu et d'autres se poursuivent notamment dans la sous-traitance. Il ne faut pas fusionner pour fusionner mais pour devenir plus efficaces. Avant d'avoir cette certitude, cela ne sert à rien de fusionner.
Consulter toutes interviews de Thierry Dime sur Actu PME