Le décès de Jacqueline de Romilly survenu le 18 décembre dernier remet son combat pour l’enseignement des langues mortes au goût du jour. Cette académicienne, autant passionnée par la Grèce antique que par l’enseignement, déplorait l’abandon de l’apprentissage de sa langue et en conséquence une évolution négative de l’instruction en France. Mais aujourd’hui se posent les questions de la légitimité et du fonctionnement du système éducatif français.
Depuis quelques années les résultats des enquêtes Pisa révèlent une régression de la France dans ce classement au profit des pays nordiques, la Finlande en premier, mais aussi des pays asiatiques tels que le Japon ou la Corée du Sud. Pour l’année 2006 par exemple, la Finlande occupait la première place dans l’item sciences et la France la 19ème sur environ 30 pays participant à l’enquête alors qu’elle était 13ème en 2003. L’évaluation restreinte aux mathématiques montre de la même manière le recul de la France dans le classement : elle était 16ème en 2003 et passe à la 21ème place en 2006. Les résultats médiocres obtenus à l’enquête Pisa ne sont cependant pas les seuls témoins de la mauvaise santé de notre système éducatif. En effet, au-delà des études comparatives sur le niveau moyen à la baisse des écoliers entre le milieu de XXème siècle et le début du XXIème siècle, l’épreuve d’évaluation de compréhension de l’écrit organisée lors de la journée d’appel de la préparation à la défense (JAPD) révèle qu’un peu plus de 12% des jeunes entre 17 et 18 ans sont en difficulté de lecture et que 21% de ces derniers sont des lecteurs inefficaces. Par ailleurs, dans un discours du 29 mars dernier le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, déclarait qu’un cinquième des élèves de C.M.2 ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux. Ces statistiques alarmantes sont le résultat de réformes et d’un laxisme récurrent depuis ces dernières années.
Un des objectifs les plus connus en matière d’Education nationale fut celui lancé par Jean-Pierre Chevènement en 1985 et formalisé en 1989 par Lionel Jospin d’avoir 80% de bacheliers par classe d’âge. Objectif atteint en 2000 et même dépassé depuis puisqu’en 2009, par exemple, le taux de réussite au bac s’élevait à 88,8%. De tels chiffres ne peuvent être le résultat que d’un choix politique : celui d’améliorer le niveau général des élèves sans altérer celui de l’examen ou celui d’abaisser le niveau de l’examen afin que les candidats soient plus nombreux à obtenir leur diplôme. Il semblerait donc que les politiques de l’époque aient choisi la seconde option vue la constante diminution du contenu des programmes des classes de terminale. Parallèlement à ces objectifs nivelant l’épreuve du baccalauréat par le bas, le remplacement de certaines méthodes d’apprentissage par d’autres ces dernières années dans le primaire est critiquable sur certains points. En effet la méthode globale s’est substituée à la méthode du B-A-BA pendant un temps et eut pour conséquence une recrudescence des difficultés de lecture chez les élèves, d’où son abandon. On pourrait aussi citer les dictées préparées qui ne facilitent pas la recherche du raisonnement chez l’élève mais la mise en place d’un réflexe. Ceci explique donc en partie les difficultés de lecture mais aussi d’écriture de nombreux jeunes aujourd’hui. A ce problème s’ajoute celui du laxisme des enseignants des petites classes. En effet il est de plus en plus fréquent de rencontrer des collégiens de 6ème incapables de lire et comprendre un texte simple alors que ces savoirs faire sont l’objet d’évaluations tout au long du cycle primaire. Ces dysfonctionnements combinés conduisent donc à une baisse globale du niveau des élèves.
Le réel progrès serait peut-être d’accepter que les élèves progressent à des rythmes variables. Ceci impliquerait donc une refonte du système éducatif actuel en une organisation basée sur des classes de niveaux et non sur des classes d’âge afin que le niveau de connaissances académiques soit uniforme et universel à la sortie de la scolarité obligatoire. L’accès au niveau supérieur serait donné une fois validés un certain nombre d’acquis au cours d’évaluation. Ainsi, de la même manière que chaque enfant apprend à marcher, à courir ou à faire du vélo à son rythme, il pourrait apprendre à lire, écrire et calculer à son rythme selon ses facilités et ses difficultés. Les politiques, les enseignants mais aussi les parents d’élèves sont-ils prêts à accepter une remise en cause aussi fondamentale de notre système éducatif ?
M.F.