Gabegie-leo

Publié le 19 janvier 2011 par Copeau @Contrepoints

En octobre dernier, nous avions estimé, sur la base de rapports qui avaient fait l’objet de fuites de la part de certains gouvernements, que la mauvaise gestion du projet Galileo par l’UE -son but étant de créer un système de navigation mondiale par satellite- était en gros dépassement budgétaire (et avait un dépassement de délai de jusqu’à 10 ans).

Nous avons dit que la commission européenne sous estimait le coût du projet et aurait en fait besoin de 1,5 à 1,7 milliards d’euros supplémentaires, en plus des 3,4 milliards prévus, continuer la boum. De plus, nous avions noté que le coût opérationnel annuel de Galileo serait d’environ 750 millions d’euros.

Suite à notre enquête et à d’autres mentions dans les médias, la commission européenne a contre attaqué (comme elle a l’habitude de le faire), le commissaire à l’industrie Antonio Tajani niant -l’air tout à fait impassible- que le budget était en dépassement de quelque façon que ce soit. Selon ses propres mots,

« Je ne vois pas du tout d’où viennent ces chiffres. »

Tajani a décrit nos chiffres comme « exorbitants » et « inimaginables », et a insisté que le budget de déploiement (qui n’est qu’un partie du coût total), restait de 3,4 milliards.

Eh bien, nous sommes bien forcé de l’admettre, nos estimations n’étaient pas tout à fait correctes.

En fait, comme M. Tajani et la commission européenne l’ont finalement reconnu hier, le Galileo n’a pas besoin d’1,5 à 1,7 milliards d’euros en plus, comme nous l’avions avancé, mais de 1,9 milliards supplémentaires d’argent des contribuables, pour couvrir des coûts de déploiement en pleine explosion. Dans le même temps, la commission cite maintenant 800 millions comme coûts annuels d’opérations, et non pas 750 millions comme nous le croyons sottement.

Nous présentons nos excuses à la commission pour avoir mal représenté les coûts du projet.

Mais que se passe-t-il exactement ici ? Soit M. Tajani a menti aux contribuables en octobre, soit il fait montre d’une incompétence extraordinaire. Nous ne sommes pas sûr de ce qui est pire.

Et il se trouve que les estimations qui avaient fait l’objet d’une fuite s’avèrent être plus ou moins dans le mille. Nous attendons maintenant avec impatience une apparition de M. Tajani sur la liste « euromythes » de la commission pour qui répand des demi vérités, des rumeurs et autres joyeusetés.

Juste pour réitérer à quel point ce projet est mal géré depuis le tout début : d’après nous sous-estimations d’octobre dernier, le coût total du projet depuis le début jusqu’au moment où il sera complété, et ensuite son fonctionnement pendant 20 ans, reviennent à un montant stupéfiant de 22,2 milliards d’euros, un coût qui sera subi entièrement par les contribuables, et qui vient donc d’être revu à la hausse encore une fois.

D’après l’estimation de départ, en 2000, ce coût total devait être de 7,7 milliards, dont seuls 2,6 milliards devaient être à la charge des contribuables  et le reste payé par des investisseurs privés (ceux-ci se sont retirés en 2007, en avançant le manque de perspectives commerciales). Le projet a été en proie à des retards et à des dépassement de coûts à chaque pas de son histoire.

Peut-être ne devrait-on pas être surpris, du coup, que même les gens qui profitent de cette affaire expriment des doutes. D’après des cables diplomatiques américains, diffusés par wikileaks (et révélés la semaine dernière par le journal norvégien Aftenposten), berry Smutny, PDG d’OHB Technology, une société qui a 475 millions de livres sterling de contrats pour la fabrication de 14 satellites, aurait dit :

« Je pense que Galileo est une indée stupide qui sert surtout des intérêts français. »

Ouille.

M. Smutny a aussi dit aux diplomates américains que « son opinion du coût final [pour le déploiement] va gonfler jusqu’à » 10 milliards d’euros avant que la messe ne soit dite.

Ca ne va pas en s’arrangeant.

Tajani demande maintenant aux gouvernements européen de mettre sur la table encore plus de liquide pour couvrir le manque. Raisonablement, le gouvernement du Royaume-Uni a dit non, et il sera probablement rejoint par d’autres. Et ils ont raison. Pas un centime de plus ne devrait être donné au projet Galileo jusqu’à ce que nous ayons vu une analyse finale et robuste de ce que le projet va vraiment coûter par rapport aux avantages qu’il va générer.

Bien entendu, Tajani tient à pointer du doigt que ces satellites doivent rapporter 90 milliards à l’économie européenne en 20 ans. Ca a été drastiquement raboté par rapport à l’estimation ridicule de départ de la commission, de 275 milliards par an de revenus mondiaux d’ici à 2020 (en plus de la tout aussi délirante estimation de 3 milliards d’utilisateurs et de la création de 150.000 emplois).

Vous nous excuserez de ne pas accorder notre confiance à Tajani sur ce coup là.

Repris du blog d’Open Europe avec l’aimable autorisation de ses responsables.