1- Exister, c’est être dans le temps. Temps et être ne sauraient se dissocier. A contrario, ce qui n’est pas, ce qui cesse d’exister, ne dispose plus de temps pour être. Consécutivement, le temps n’est pas une catégorie abstraite, un pur concept, mais s’accorde à un existant comme une condition pour être. Si l’univers de la matérialité disparaissait, avec lui le temps cesserait.
2- Le temps est saisissable selon le mode de la durée qui est toujours celui d’un phénomène. Dés lors toute durée implique un début et une fin : il ne saurait y avoir un phénomène purement instantané non inscrit dans une durée. Le temps comme durée suppose le passage d’un avant vers un après : le présent d’un phénomène n’est donc jamais immobilité. L’essence du temps doit dés lors se comprendre comme participant du principe du mouvement.
3- Tout existant relevant de l’ordre minéral, végétal ou biologique dispose d’une durée d’être qui est nécessairement limitée. Cela suppose toujours une origine et une fin, une émergence et disparition, une naissance et une mort. En conséquence, seul ce qui est créé entre dans le temps, la condition pour être est de disparaître : temps et être naissent et disparaissent simultanément.
4-Tout existant créé suppose son inscription dans un cycle naissance/mort par lequel s’effectue la reproduction. Il ne saurait y avoir pure création ex nihilo hors la persistance d’un cycle de la reproduction. Chaque ordre (minéral, végétal, biologique) est doté des procédés de sa perpétuation, de sa reproduction selon un cycle mort/naissance. Aussi, l’univers de la matérialité minérale ne saurait se créer ex nihilo et son existence doit obligatoirement s’inscrire dans un cycle par lequel étoiles et galaxies naissent et disparaissent, ce qui suppose des procédures d’émergence et de disparition des particules tout autant que des photons.
5 – La succession des cycles de la création est succession des temps de création : on ne peut concevoir une création unique pas plus que celle-ci puisse s’opérer ex-nihilo. Mais cette succession des cycles ne participe en rien de la catégorie fondamentale de l’éternité. En effet, chaque existant créé l’est selon une durée limitée : une succession de durées ne saurait constituer une stricte définition de l’éternité. En conséquence, tout existant qui entre dans le temps par le moyen du cycle continu de la création n’est pas éternel. Aussi, le concept d’éternité ne peut s’appliquer à un existant qui est soumis à une durée limitée pour être.
6- Ce qui est éternel échappe à la durée limitée qui est celle du temps et ne saurait avoir ni début ni fin et ne peut naître ni disparaître. Consécutivement, est éternel ce qui n’est pas soumis au cycle de la création et qui pourtant EST car on ne saurait donner statut d'existant à ce qui n’a aucune réalité, à ce qui n’est pas constitué en objet physique quelconque.
7 – Ce qui est éternel, qui échappe à la durée limitée du temps, qui ne peut naître ni disparaître et qui pourtant EST doit donc s’exclure d’un quelconque cycle de la création et peut être considéré en conséquence comme incréé. En effet, seul ce qui EST sans avoir été créé peut relever de la catégorie fondamentale de l’éternité car ne s’inscrivant par dans le temps limité d’une durée. Est éternel ce qui est incréé et qui pourtant perdure dans son être comme existant réellement sans se succéder dans le temps, sans entrer dans le cycle création/destruction.
8- Ce qui est éternel, incréé et qui échappe à l’ordre successif du temps ne saurait être pure idéalité, relever d’une quelconque définition du divin extérieur à la matérialité du monde, mais doit au contraire manifester sa présence permanente en l’espèce d’un objet physique possédant justement les propriétés ci-dessus définies. Si en effet le principe d’éternité ne peut s’incarner dans des existants qui sont tous dotés d’une durée de vie limitée et que par ailleurs il ne peut être simple concept, il faut bien qu’un quelque chose lui-même étant soit éternel, existe de façon permanente et qu’il soit, par sa permanence, principe d’immobilité, sans énergie aucune puisque celle-ci supposerait toujours une source extérieure pour alimenter ses déperditions continues.
9- Si tous les objets de la matérialité sont soumis au temps, nous devons nécessairement supposer la présence d’une substance différente et possédant des propriétés radicalement différentes de celles de la matière. Cette substance se doit d’être absolument permanente puisque incréée, absolument immobile et passive puisque sans énergie propre et insusceptible d’un cycle puisque non soumise au temps. Si par ailleurs nous lui accordons le statut d’objet physique réel, nous devons rechercher le lieu de sa présence permanente et immuable.
10 – Cette substance éternelle, permanente et incréée ne saurait occuper d’autre lieu que l’espace lui-même de sorte qu’on peut dire que l’espace est le lieu de cette substance et qu’on ne saurait différencier le contenant (l’espace) du contenu (la substance de l’espace). La substance de l’espace est un objet physique dont la réalité s’impose théoriquement pour fonder la distinction entre le concept de temps dont relèvent tous les objets de la matérialité et celui d’éternité qui s’applique à cette seule substance de l’espace.