Pourquoi cet intérêt pourle héros Orion ?
Je reste persuadé que ce personnage dispose d’un grand potentiel après seulement trois albums. L’époque de la Grèce classique offre des ressorts scénaristiques infinis. Elle permet de confronter de nombreuses civilisations de la Grèce à Carthage, en passant par la Perse ou l’Égypte, d’aborder une grande diversité culturelle, de l’architecture à la mythologie ou les régimes politiques. J’aime aussi le personnage avec son caractère, son histoire d’amour avec Hilona. Cette série se prête aux voyages de découverte sur fond de grave conflit : la Guerre du Péloponnèse.
C’est exact. La Grèce est généralement abordée à une période soit antérieure, c’est-à-dire l’époque de Troie ou encore la bataille des Thermopiles, soit postérieure au temps d’Alexandre le Grand. La Grèce classique est très peu utilisée alors que c’est l’âge d’or de la civilisation grecque avec Périclès, Phidias, l’architecture, la philosophie, l’invention de la démocratie…
Avez-vous bénéficié de l’aide de Jacques Martin ?
Mon scénario n’est pas basé sur un de ses synopsis. J’ai soumis un projet personnel. Il l’a lu et m’a encouragé. Il a pu voir mes dessins dans son atelier grâce à un agrandisseur et il me disait que je tenais parfaitement Orion. Il m’a transmis de l’énergie et j’apprécie cette chance. J’ai aussi bénéficié d’une partie de sa documentation et des photocopies des originaux du Lac Sacré. J’ai ainsi pu mieux comprendre son geste, la subtilité de son encrage, ce qui a complété les conseils de Gilles Chaillet.
Quelle importance avaient les oracles dans la Grèce antique ?
À l’époque on consultait les oracles pour toute décision importante. C’était très répandu. Il ne s’agissait pas de s’en remettre totalement aux oracles mais s’accorder les faveurs des Dieux.
Ce sanctuaire ancestral se situe dans l’Epire, sur un petit mont près du village de Mésopotamos. Aujourd’hui, il y a une église sur ce mont et un petit labyrinthe qui date de la période hellénistique. Certaines cavités du sous-sol remontent sans doute à l’époque mycénienne, voire préhistorique ! En me documentant, je me suis rendu compte qu’il est déjà décrit au 8e siècle avant J.-C. par Homère dans L’Odyssée au confluent de l’Achéron et du Cocyte qui découle du Styx, devant le lac Achérousia aujourd’hui asséché. Quand Ulysse veut savoir comment rentrer chez lui à Ithaque, la magicienne Circé l’envoie à cet endroit consulter le devin Tirésias.
Faire cet album a-t-il été une souffrance ?
Non, absolument pas. Le plus gros travail a été la reconstitution et la documentation historiques. Dans la réalisation, cela a été assez agréable. Je succède à un album de Jacques Martin où il était au top de ses moyens en termes de graphisme. Il l’appelait son « chant du cygne » car après Le Lac sacré, sa vue l’a lâché. Du coup, je sentais une exigence assez forte pour moi, une forte pression vis-à-vis du lecteur et de Jacques Martin. Je me sentais investi d’une mission dès qu’il m’a confié son personnage et encore plus quand il est décédé.Côté dessin, vous ne vous êtes pas beaucoup économisé !…Pour moi, il faut être généreux pour ce type de BD. Chaque séquence, chaque page, chaque double page doivent apporter quelque chose. J’ai fait mon découpage sans me soucier si telle séquence serait longue à dessiner. Je ne me suis rien épargné sur cet album.
Propos recueillis par Manuel F. Picaud entre août et décembre 2010
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photos et interview © Manuel F. Picaud / Auracan.com
extraits d'Orion - T.4 © Marc Jailloux / Casterman