Claude Monet

Par Apollinee

 

"ll est robuste, Claude Monet, taillé d'une pièce; capable d'être aussi généreux qu'égoïste, mais aussi faible que fort."

Remarquable biographie que Michel de Decker consacre au père de l'impressionnisme: un portrait haut en couleurs et contrastes d'un artiste au tempérament déterminé, un rien cyclothymique, sachant entretenir ses amitiés et se faire... entretenir quand le besoin - fréquent dans les premières décennies -  s'en fait sentir. Génie du regard et d'une lumière, qu'il saisit dans ses infinies nuances, capable de travailler une dizaine de toiles de concert, Claude Monet laissera plus de 2000 toiles à la postérité, n'hésitant à crever d'un geste rageur celles qui n'ont  plus sa faveur...

Né à Paris, le 14 novembre 1840, Oscar-Claude Monet perd sa mère à l'âge de 16 ans. Sa tante Marie-Jeanne  Lecadre -  nom prémonitoire -  le prend en charge et affection, le soustrayant aux relations tendues qui l'unissent à son Adolphe de père. Pris sous l'aile d'Eugène Boudin, le jeune artiste commencera à faire parler de lui en 1873, lorsque son fameux "Impression, soleil levant" deviendra sous la plume de Louis Leroy, l'emblème du mouvement décrié de l'Impressionnisme.

Sa rencontre avec Ernest Hoschedé, acquéreur du tableau et mécène de la première heure signe son destin puisque marié avec Camille Doncieux et père de Jean, Monet s'éprend peu à peu d'Alice (Hoschedé), entretenant ainsi une liaison (conclue par un mariage) de 35 ans et une famille, recomposée,  de 8 enfants. Les années-galère seront nombreuses qui verront la famille couler sous les dettes, tant bien que mal remise à flots par Paul Durand-Ruel, marchand d'art avisé. "La maison rose aux volets verts" de Giverny et son célèbre jardin scelleront  le début d'une prospérité enfin avérée.

Claude Monet meurt à  86 ans (1926), affecté d'une quasi-cécité (cataracte) qui a empoisonné les dernières années de sa vie.

Avec son style alerte, présent, précis, aux allures d'amène conversation, Michel de Decker nous trace une fresque vivante de l'époque, des événements marquants et des personnalités qui côtoyèrent Claude Monet: Renoir,  Sisley, Pissaro, Sacha Guitry, Clemenceau,  l'ami à vie,...

Une lecture hautement recommandée.

Apolline Elter

Claude Monet, Michel de Decker, biographie, ed. Pygmalion (Flammarion), juin 2009, 336 pp, 21,9 €

Billet de faveur

 AE: Michel de Decker, c'est en "voisin" que vous vous êtes penché, début des années '70,  sur la longue vie de Claude Monet. Votre maison de l'époque faisait face à celle de l'artiste, séparée par cette Seine qui lui fut si chère. Elle devait cependant  être passablement délabrée à l'époque, puisqu'il fallut attendre la fin de la décennie et la nomination de Gérald Van der Kemp, en tant que conservateur,  pour la magistrale restauration qu'on lui connaît:

Michel de Decker: Quand je suis entré pour la première fois, dans la maison de Monet, je suis resté stupéfait. J'ai compris alors, pourquoi l'Institut de France qui en était légataire, avait si longtemps hésité à me donner l'autorisation de visite. Les verrières du grand atelier au nymphéas étaient éclatées, la maison baignait dans l'humidité et il aurait fallu une machette pour accéder à certaines allées du jardin. Et que dire de l'étang aux nymphéas... sans l'ombre d'un nénuphar car tout avait été boulotté par les rats gondins qui squattaient le domaine. Il est vrai que le pauvre jardinier - un seul, quand Monet en faisait travailler sept à temps plein ! - ne pouvait être sur tous les fronts. J'ai publié alors une série d'articles pour dénoncer cette misère, à la suite de quoi, Gérald Van der Kemp a décidé de prendre les choses en mains. Quand je lui ai offert la première édition de mon livre - qui lui était d'ailleurs dédié - il m'a dit : "C'est en partie grâce à vous que cette maison rose aux volets verts a ressuscité. Vous avez précipité le mouvement..."

AE: vous avez écrit une première biographie de l'artiste en 1992 (éd. Perrin). La réécrire, 17 ans plus tard, vous a-t-il permis d’affiner son portrait psychologique?

Michel de Decker: J'ai, en effet, publié une nouvelle version de mon Monet, dix-sept ans après, mais je ne pense pas avoir changé le fond. Quelques détails nouveaux, quelques nouveaux documents débusqués ici ou là, m'ont permis de l'enrichir mais non de le bouleverser. Monet, c'est Monet. Il reste un bloc de granit aux yeux de laser !

AE: Qu’avez-vous pensé de l’exposition qui lui est consacrée au Grand Palais ?

Michel de Decker:  Je manque rarement une grande exposition Monet. J'ai "vécu" avec lui pendant une dizaine d'années avant d'essayer de le raconter, si bien que, quand je vois telle ou telle toile de lui, je sais immédiatement où il l'a peinte et dans quel état d'esprit il était ce jour-là. Je me suis même rendu jusqu'à l'Hermitage, à St Petersbourg, pour voir des toiles qui, à mes yeux, étaient inédites. L'exposition du Grand Palais, c'est une apothéose ! c'est la plus complète qui m'a été donné de visiter... Et j'ai, une fois de plus, découvert de nouvelles toiles... Bon, sur les 2000 à 2500 qu'il a peintes... il en reste que j'ignore, ça me rassure...