J’ai été triste d’apprendre hier la disparition de Jean Dutourd.
Pour beaucoup, j’en suis conscient, cela ne signifie rien. Les Immortels ne le sont pas, cela nous le savons depuis longtemps. D’ailleurs, je confesse volontiers n’avoir jamais lu une de ses œuvres, et sans doute ai-je manqué quelque chose. Mais ce n’est pas l’Académicien français que je vois partir à regret, ma culture est bien plus… « légère » que cela.
J’ai, en partie, grandi avec RTL. Je me souviens avec quelle ferveur ma grand-mère écoutait déjà Radio Luxembourg, espérant à chaque appel rafler la sacro-sainte « Valise ». J’aimais la voix et le sens de la répartie de Fabrice, j’admirais l’érudition cinématographique de Remo Forlani.
Et puis j’ai découvert les Grosses Têtes. A cette époque (les années 80), ce n’était pas la foire à la plaisanterie grasse et aux réflexions de bistrot que c’est devenu aujourd’hui. Bouvard avait une énergie qu’il ne parvient plus à insuffler aujourd’hui, je le dis sans aigreur ni mépris. Mais surtout il y avait, pratiquement à chaque émission, un plateau de choix, sur lequel se mélangeaient merveilleusement les érudits et les trublions, les véritables grosses têtes et les redoutables grandes gueules. Jean Yanne, Jacques Martin, Olivier de Kersauson, Sim, André Gaillard, Thierry Le Luron et quelques autres venaient chatouiller les monolithiques Alice Sapritch, Léon Zitrone, Philippe Castelli, Robert Sabatier, Claude Sarraute ou Jacques Chazot, leur permettant ainsi de révéler, bon gré, mal gré, leur propre sens comique.
Dans ce jeu de ping-pong génial, un homme était des deux côtés du filet : Jean Dutourd. A la fois grand sage et petit garnement, il m’a révélé une chose qui a beaucoup influé sur ce que je suis devenu : que l’on peut allier avec bonheur culture générale et humour, érudition et auto-dérision. L’un et l’autre ne devraient d’ailleurs jamais être séparés. L’un et l’autre devraient toujours être entretenus et développés de concert.
C’est également grâce à des hommes comme lui et comme ceux que je viens de citer que j’ai découvert, puis aimé, Pierre Dac et Sacha Guitry. Je leur en serai éternellement reconnaissant.
Alors oui, je m’offre le luxe de ce petit hommage à ces hommes et ces femmes qui avaient l’art autant que la manière, qui savaient rire de tout mais pas n’importe comment.
Et je vous laisse imaginer tout le bien que je pense de notre nouvelle génération de soi-disant humoristes, qui ont le plus souvent un avis sur tout et des connaissances sur rien.
Bon vent, Monsieur Dutourd, vous qui écriviez si justement : « A force d’être insupportable, on finit par se rendre indispensable »…