Inutile de vous dire qu'une fois ce thème voté et sélectionné, mon cœur n'a fait que battre la chamade ! Une rencontre LPV Haute-Normandie, dans ce qui sera surement notre cantine pour les futures réunions : le Grand Turc à Deville lès Rouen. Une cuisine traditionnelle, propre, goûtue, sans chichis où l'accueil n'a d'égal que la fraîcheur des plats proposés : TOP !
Venons-en au thème. Vous me direz, qu'est-ce qu'un normand peut avoir comme relation avec l'Alsace ? Et bien, quelques liens qui remontent à mon enfance. D'abord, une mère née à Nancy, nous amenait dès mon plus jeune âge à passer des vacances chez ma grand-mère. Et quel est le rapport avec la contrée de la choucroute ? Simple. Nous partions de Nancy vers les Vosges, tout à côté. Nous mangions le traditionnel repas marcaire (palette fumée, lard, pommes de terre) dans les fermes auberges du côté du col de la Schlucht. Puis, pour faire la digestion, nous glissions en voiture vers Munster et les prémices de la route des vins (glisser est bien le terme ! ). Je me souviens de ces pentes douces, des forêts de résineux et des Vosgiens qui vous doublent dans les descentes sans aucunes visibilités. Ah ces Vosgiens, de rares pilotes ! Bien trop jeune pour goûter, mes parents et ma grand-mère s'arrêtaient chez des vignerons pour faire quelques emplettes.
Andlau (67)
Le Kirchberg de Barr (67)
J'ai aussi comme plus ancien souvenir de vacances d'été celles passées avec mes parents dans le Haut-Rhin en été. Je devais avoir 7 ans. La gastronomie (les premières tartes flambées tout gamin, ça vous marque un homme ;-), les fêtes locales, cette rectitude dans les rues, les géraniums aux fenêtres et balcons, les cigognes, le Haut-Koenigsbourg, l'accent des gens... Des souvenirs bien ancrés au fond de ma mémoire de gosse, qui reviennent à l'esprit avec plaisir et délectation dès l'évocation du seul nom d'un village alsacien. Cette région se montre bien présente maintenant grâce à quelques amis qui y demeurent, plus au nord de ce que je connaissais : dans le Bas-Rhin. C'est différent, mais je crois que j'aime encore plus ! J'ai pu y rencontrer des gens comme André Ostertag, Vincent Stoeffler, Albert Seltz, Patrick Meyer... Des gens bien...
Bref, tout ça pour dire que j'aime l'Alsace pour ses formes, ses diversités de paysages poussé à l'extrême, ses gens, sa gastronomie et maintenant pour ses vins. Mais seulement quand ils sont francs, directes et avec un sucre quasi absent ou affirmé (pas entre 2, c'est beurk). Depuis, je tente d'apprendre et d'avoir quelques notions sur ces terroirs mosaïques. Ce qui n'est pas des plus simple ! D'autres week-end à tenter de comprendre les fameux cépages historiques avec l'aide de Jean Boxler, Christophe Ehrhard (Josmeyer), Bruno Schueller et Philippe Bon. Encore des gens bien ! L'apprentissage n'en est qu'au début, mais je vais me soigner.
Grès des Vosges à Andlau
J'arrête de vous raconter ma vie, place aux vins...
Les vins sont servis à l'aveugle et le plus souvent par paires. Le débat s'installe avant de passant au binôme suivant. Je suis le seul à connaître les matchs qui sont proposés et je dois dire que certains s'annoncent des plus passionnants !
Ouverture des hostilités, sur un Crémant d'Alsace (dosé à 8 g/l, dégorgé après 4 ans sur lattes, sols Marno-calcaire). Des bulles très fines, une richesse et amplitude importante. Très fruits blancs, légèrement briochée, la bouche s'équilibre sur quelques sucres résiduels que j'aimerai un peu moins présents. Finale sur l'amende. Néanmoins, un vin plus que correcte, même plutôt bon que ce Brut 2005 du domaine Stoeffler.
Comme en Bourgogne, ce sont les rouges qui débutent cette dégustation.
Pinot Noir 2003 "Obere Hund" domaine Bechtold (argilo-calcaire) : fruit, rose et bonbon Kréma au nez, intensité moyenne. La bouche est souple et propose une texture agréable sur une petite amertume finale qui retend le vin. Bien loin d'être en bout de cours et surtout, rien à voir avec un quelconque 2003 fatigué.
Pinot Noir 2005 "Elevé en pièce" domaine Meyer-Fonné (coteaux marno-calcaire) : la robe est trouble. Poussiéreux au départ, le nez revient dans le droit chemin grâce à l'aération avec des notes musquées et de paraffine. Même si on sent que le vin n'est pas encore en place, la silhouette est agréable, longue et la complexité aromatique pointe le bout de son nez.
Deux styles radicalement différents. L'un plus simple (le Bechtold) mais vif, l'autre plus complexe mais pas encore prêt. Pour le plaisir immédiat, c'est match nul, mais sur le long terme le Meyer-Fonné tiendra ses promesses !
Pinot Blanc 2008, Emile Seltz (environ 4 g de SR/l, ): le nez est avenant, développé sur une aromatique de fruits blancs. La bouche est ronde, mais soufre d'un léger manque de peps.
Pinot Blanc 2008, domaine Stoeffler (7 g/l) : tout est un peu plus que le Seltz : couleur plus soutenue, nez plus épicé, plus travaillé (lisez plus complexe), plus épais en bouche. Mais plus sucré. Plus représentatif du cépage Pinot Blanc, je préfèrerai encore une fois une équilibre plus sec, surtout sur ce genre de cépage qui peut tomber rapidement dans la lourdeur.
Ce vin est servi seul, car un peu particulier. Très expressif au nez avec ses notes de fenouil, de muscat. La bouche est plus simple, mais présente un certain gras avec une amertume notable et une finale salivante. C'est un vin intéressant qui me plait de part son expression différente de ce que j'ai l'habitude de boire dans ce coin, même si cela manque à mon goût d'un brin de complexité. C'est un Gypse "Terroir Unique" 2007 du domaine Sylvie Spielmann (complantation des 3 Pinots. 7 g/l. 2007 étant la 2ème année de production sur un sol de... Gypse)
Reprise des duos
Voici une manche que j'attendais.
Sylvaner 2008 domaine Albert Boxler (3 g/l, terroir granitique) : métal froid, longue ossature, corps athlétique. Il a perdu un peu de son perlant depuis notre dernière rencontre, ce qui le rend plus posé et terriblement caillouteux. Magnifique tension finale.
Sylvaner 2009 domaine Ostertag (4 g/l, argilo-graveleux) : plus discret au nez mais beaucoup plus riche en bouche. L'allure est un peu plus lourde que le Boxler, mais effet de jeunesse. Encore un 2009 qui confirme que dans cette région, ce n'est pas encore prêt pour le moment. André Ostertag me disait que ses 2009 étaient compliqués et qu'il a du bosser pour les avoir.
Quand le Sylvaner est travaillé de la sorte, je me lève et j'ai envie de crier qu'on a pas le droit de dire que ce cépage est ingrat !
Muscat Fronholz 2007 domaine Ostertag (1,7 g/l, quartz argilo-marneux) : saveurs muscatées, rose, pierre humide et qui s'étire longuement. C'est un vin totalement sec qui peut dérouter par son absence de sucre. J'aime beaucoup sa fraîcheur, l'assemblée un peu moins.
Muscat Réserve 2009 domaine Léon Beyer (7 g/l, argilo-calcaire) : un peu plus facile et plus flatteur par un indice de sucre plus élevé que le Fronholz. A ce stade, le sucre le dessert, mais il est évident qu'en toute simplicité, seul en apéritif par exemple, j'en ferai une délicieuse victime !
Et voici le match qui sur le papier devait tenir toutes ses promesses. Mais le papier, il n'y a rien de plus improbable. André contre Jean, Ostertag VS Boxler.
Riesling Grand Cru Muenchberg 2007 domaine Ostertag (9 g/l, caillouteux-sableux) : on devine sans peine que le vin est enfermé, mais qu'il suffirait d'une mèche pour que tout explose. Ce détonateur, c'est assurément le temps. D'abord sur le fruit en bouche il déploie une minéralité sous-jacente et une fine acidité qui le rend attirant. Elle est d'une grande richesse, mais d'une sagesse qui confirme que le vin n'est pas dans sa meilleure phase. Cependant, tous les ingrédients sont présents : il lui faut juste quelques années pour en faire une très grande bouteille.
Riesling Grand Cru Sommerberg 2007 domaine Boxler (4 g/l, granitique) : je ne vais pas être très objectif, mais c'est le vin que j'ai apporté et c'est un vrai coup de cœur à chaque ouverture. Il se montre avenant, ouvert, sur un registre légèrement terpénique et ces notes caractéristiques de métal froid (sols granitiques). La bouche est superbe de naturel : fruits jaunes, très longue acidité qui tend le vin vers une finale vibrante et saline. Somptueux !
Léger avantage "plaisir" ce jour au Boxler, mais le Muenchberg aura sa chance un peu plus tard. Promesses tenues dans les verres, la foule jubile et les avis furent partagés !
Le Josmeyer affiche des arômes d'évolution. La matière est superbe et la finale citronnée est remarquable. J'aime beaucoup. Face à lui, ce Rangen de Thann a une marque de terroir évidente : cette patte rocailleuse, mais elle ne m'émeut pas plus que ça. Finale salivante. C'est bon, mais la déception est là et ça me paraît en dessous du mythe qu'on peut en tendre. Le point pour "les Pierrets".
Autre match : "le grand écart facial". "L'illuminé contre le biodynamique de luxe".
PG Réserve Bruno Schueller (19 g/l, argiles profondes et calcaires) : précisons que Bruno Schueller a eu quelques petits désagréments avec ce vin et qu'il fut déclassé en Vin de Table (L05). PG pour Pinot Gris qui affole les dégustateurs avec 15 % d'alcool au compteurs. D'accord, c'est puissant, mais l'aspect lardé est préservé avec des notes de raisin de Corinthe et de foin. Belle et longue finale sur le sucre d'orge et de beaux amers.
Pinot Gris Grand Cru Hengst 2001 domaine Josmeyer (31 g/l, marnes calcaires) : muet au nez, entre deux âges en bouche, peu d'expressions aromatiques hormis un sucre qui domine. Pas plus emballé que cela. Pour la défense de ces deux producteurs, je ne suis pas très fan du Pinot Gris en général.
Bruno Schueller et Jean Meyer (domaine Josmeyer)
1er Cru Schoffweg 2004 "le Sentier des Brebis" domaine Marcel Deiss (21 g/l, calcaire) : ce vin est le résultat de la complantation des 3 Pinots (blanc, noir et gris) et de Riesling. Très beau nez, assez fin mais élégant et complexe, plutôt longiligne. Bouche bien mure, sur une structure encore une fois élancée et vivante. J'aime beaucoup la dynamique de ce vin. Très Bien
Alsace Grand Cru Altenberg de Bergheim 2005 domaine Marcel Deiss (83 g/l, argilo-calcaire) : complantation de Riesling, Gewurzt, Pinot Gris, Muscat, Sylvaner et Pinot Beurot. Au nez, ça annonce le sucre. C'est clairement concentré, trop pour mon petit gosier. Je trouve ce vin un peu lourd, ça n'est pas pour moi, désolé !
Avantage au Schoffweg pour sa tonicité et son caractère vivant.
Riesling Grand Cru Rangen de Thann 1998, domaine Zind-Humbrecht (34 g/l, volcanique) : encore une fois, c'est un cru qui ne me parle pas plus que ça. Les parfums sont agréable et subtils au nez (verveine, orange amère, tilleul). Mais pour ma part, la bouche manque de magie, de folie. Je m'ennuie avec ce vin. Rien à voir avec le Riesling Vendanges Tardives 2001 de Trimbach (50 g/l, marno-calcaro-gréseux) : malgré 50 grammes de SR, il ne s'embête pas avec des formules de politesses. C'est droit, presque tranchant. Cette rectitude me plait et les amers qui raisonnent dans la longue finale sont absolument superbes ! Excellent