Un bon conseil : ne m’accompagnez pas au cinéma en ce moment. Renseignez-vous pour savoir quel film je vais voir, et où, afin de ne pas vous retrouver dans la même salle que moi. En ce moment, il semblerait que j’ai la poisse. Il y a quelques jours, c’était devant Arrietty, le dernier né des Studios Ghibli, avec une baston en live dans la salle, que la projection était perturbée. Lundi soir, ma semaine a commencé sans violence mais en zone de turbulences également devant un grand écran. Si j’étais superstitieux, je commencerais à me poser des questions…
C’était à l’UGC Ciné Cité Bercy. Je venais avec deux amis voir The Green Hornet, la transposition ciné par Michel Gondry (à la réalisation) et Seth Rogen (au scénario, à la production, et devant la caméra) du mythique justicier masqué Le Frelon Vert, notamment d’après une série télévisée qui avait révélé Bruce Lee il y a quelques décennies. Malgré une 3D que l’on devine avant même d’avoir vu le film inutile, l’excitation était de rigueur à l’idée de voir ce film longuement attendu. La perspective de le voir sur le plus grand écran du ciné, idéalement placés dans la salle comme nous l’étions, présageait d’une bonne soirée. Ce fut le cas, mais avec un drôle de bégaiement en préambule.
La séance était à 19h45. Lorsque cette heure sonne, comme attendu l’écran s’anime. Alors que tout le monde est encore en pleine discussion dans la salle et que le flot de spectateurs continue à entrer, le logo de la Columbia apparaît avec le flou de la 3D. « Ah ! Une bande-annonce en 3D » m’exclamai-je en enfilant les lunettes. « Ils pourraient éteindre la lumière pendant les bandes-annonces ». Un gamin jouant avec une figurine de super-héros à travers la vitre arrière d’une grosse voiture apparaît à l’écran. Quelques dizaines de secondes plus tard, il est dans un grand bureau en compagnie d’un Tom Wilkinson rajeuni avec une teinture noire. « Mais… c’est… C’est le film ?! ». Effectivement le titre The Green Hornet apparaît à l’écran. Le film commence bel et bien, toutes lumières allumées, à l’heure où les bandes-annonces devraient se montrer et alors que les spectateurs continuent à entrer dans une salle où le film n’est censé débuter que dans un gros quart d’heure.
« Euuuuuh… Vous croyez qu’ils s’en rendent compte les mecs qu’ils font partir le film au lieu de la séance ? ». A l’heure du numérique et des cabines de projection quasi automatisées, la question n’est presque plus légitime. Bien sûr que les seuls à savoir que le film commence avec 15 minutes d’avance en pleine lumière, ce sont les spectateurs. Du coup, au bout de trois minutes de film, avant qu’on n’en voie trop, je saute de mon siège et cours en dehors de la salle à la recherche d’un employé du cinéma. Il ne me faut que quelques secondes pour tomber sur une jeune femme aux couleurs d’UGC à qui j’explique la situation : « Dans la 33 là, le film commence avec les lumières allumée alors que c’est seulement l’heure du début de la séance… ». Alors que je retourne vers la salle, je l’entends agiter son talkie-walkie. Pendant ce temps, le film avait continué comme si de rien n’était devant des spectateurs ne comprenant pas trop ce qui se passait. Mais heureusement, quelques secondes après que j’aie repris ma place, le film s’arrêta net. Écran noir de quelques secondes… puis deux minutes plus tard, la séance commença. Bandes-annonces et publicités se succédèrent pendant quinze minutes. Et à 20h05, la lumière disparut totalement, ce cher logo de la Columbia se dessina de nouveau à l’écran – à l’heure cette fois - et le film démarra. Dans le noir. Fin du bégaiement, et début des réjouissances.
The Green Hornet était de ces projets avançant en trébuchant à Hollywood, les réalisateurs, scénaristes et acteurs se succédant pendant des années sur le projet sans parvenir à le faire décoller. Jusqu’à ce que cette combinaison idyllique soit trouvée : Seth Rogen et son habituel complice Evan Goldberg (qui ont écrit et produit ensemble Superbad) au scénario et à la production, Michel Gondry derrière la caméra. Rogen s’emparant à l’écriture des aventures du Frelon Vert et de son sacré sidekick Kato, et Gondry s’essayant pour la première fois à une grosse machine hollywoodienne, c’était un vrai pari. Et un pari amplement réussi par les protagonistes.
Et si The Green Hornet (eh oui, plus de Frelon Vert, on garde le nom de code original pour le film…) se révèle être un concentré de fun délicieux, c’est parce que Seth Rogen et Evan Goldberg, plutôt que d’adapter leur style d’écriture au genre qu’ils abordaient (le film de justicier masqué…), se sont approprier les personnages et leur mythologie et y ont insufflé ce qui fait le régal de leur propre univers. Donc beaucoup d’humour. Résultat, sous leur plume, Britt Reid se transforme en héritier fêtard, dragueur, un brin pathétique, flemmard aussi, qui plutôt que d’assumer l’héritage de son père s’amuse à jouer au justicier pour assouvir un rêve d’enfance. Et c’est sa rencontre et son amitié fusionnelle avec Kato le garagiste / préparateur de café de son père qui va le porter vers cet assouvissement. L’alchimie entre Rogen et Jay Chou, l’acteur chinois choisi pour reprendre la panoplie de Bruce Lee en Kato, fonctionne à merveille. La balourdise de l’un face au style l’autre. Une combinaison enthousiasmante qui porte le film. Elle le porte même si bien que lorsqu’à un moment du scénario, Reid et Kato se fâchent, le rythme du film en pâtit et une baisse de régime dans l’humour et l’enthousiasme se fait sentir.
Christoph Waltz campe bien son méchant (écrit avec humour), Cameron Diaz est impeccable en secrétaire objet de l’attention de Reid et Kato, et les caméos sympas de James Franco et Edward Furlong sont remarqués. Mais aucun d’eux ne parvient à voler la vedette au duo Rogen/Chou. Et certainement pas la 3D non plus, parfaitement inutile, et qui j’en suis sûr dessert au final le film plus qu’elle ne l’améliore. Seules les séquences au cours desquelles la caméra nous fait voir à travers l’œil de Kato et son agilité remarquable semblent justifier scénaristiquement l’effet à la mode, mais dans les faits, il ne fait aucun doute que ces scènes auraient tout aussi bien fonctionné, voire mieux, si le film n’avait pas été gonflé en 3D. Tant pis. The Green Hornet est un exemple de plus prouvant que la mode de la 3D est abusée, même si cela ne retire en rien le fait que le film de Gondry, qui manie le blockbuster avec insouciance et talent, est un divertissement réjouissant.