Par Julie Cadilhac - Bscnews.fr/ Photo de Marc Paquien- Crédit-Photo - B.Enguerand/ La mise en scène de Marc Paquien adopte le parti pris d'un décor épuré et éthéré qui ne manque pas de charme: la scène d'exposition s'ouvre sur deux soeurs en conflit devant un simple rideau bleu qui s'ébrouera au gré des humeurs des comédiens durant de nombreuses scènes ensuite. La présence de quelques livres parsemés sur le plateau, servant tantôt d'appuie-tête tantôt de siège, encadrée seulement par un fond de scène étoilé qui rappelle les hautes sphères intellectuelles auxquelles aspirent à accéder les femmes savantes donne également un côté résolument contemporain à la pièce de Molière.
Marc Paquien opte pour la peinture d'un ménage extravagant où les divagations capricieuses d'une épouse ( Philaminte) ,souhaitant donner à sa fille cadette ( Henriette) un époux savant ( ce "Monsieur Trissotin" que François de Bauer incarne physiquement à la perfection mais avec une expression un peu pâlotte de la pédanterie et de l'arrivisme) vont nécessiter le coup de tête d'un mari ( Chrysale) qui cherche à se montrer - pardonnez l'expression - "couillu". Autour d'eux, des êtres aliénés par la science et le désir d'échapper à la trivialité du monde tels que Belise et Armande . Mais aussi d'autres êtres tout aussi étonnamment fantaisistes: le frère de Chrysale, Ariste , ou encore Martine, la servante au si agréable franc parler.
Sur le plateau donc, un grain de folie qui règne et ne s'évaporera ( fugitivement!) qu'à l'annonce désastreuse de la faillite du ménage.
Avec Philaminte, femme revêche qui tient la culotte avec une autorité de vieille matrone , Marc Paquien se rapproche du caractère traditionnel de l'épouse castratrice. L'époux ( Daniel Martin) joue sur un registre plus contemporain, qui contraste et dérange, si bien que le couple s'assortit mal. Si Anne Caillere donne à Belise toute la mesure de sa folie, emportée par ses "chimères" ,on ne comprend pas vraiment son jeu de séduction avec Clitandre et on ne sait si c'est la diction, pas toujours limpide, ou l'exagération de cette psychose qui parasitent la compréhension de cette scène comique. Par contre, les deux amants, Clitandre et Henriette, sont délicieux...Mathieu Marie a des airs de Colin Firth incarnant Mark Darcy d'une élégance séduisante et Alix Riemer est d'une spontanéité charmante.
Terminons par quelques mots du metteur en scène: " Les Femmes savantes sont des modernes, c'est à dire d'aujourd'hui.Cette pièce de Molière est une comédie virulente, acerbe, contemporaine. Elle fustige bien sûr le mensonge et la pédanterie, mais nous parle aussi du désir absolu de savoir, qui peut mener jusqu'à la folie. Peu de pièces suscitent un tel engouement accompagné d'une telle méfiance. Pièce féministe? Pièce réactionnaire? Les hommes savants peuvent ennuyer, les femmes savantes prêter à rire.Le XVII siècle fait apparaître la question de l'émancipation de la femme et la figure de l'intellectuelle.
[....] Qui a donc le droit d'exercer le pouvoir? Et pour quelles raisons un pouvoir - s'il ne s'inscrit pas dans l'ordre établi- devient-il autoritaire, risible, en un mot illégitime? Jamais ces questions ne furent plus brûlantes qu'aujourd'hui[...]." Marc Paquien, avril 2010
Les femmes savantes de Molière
Mise en scène de Marc ¨Paquien
Le 13 et 14 janvier 2011 - Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau