De l’art de trouver des solutions au Congrès américain . . . comment l’insolite en dit beaucoup sur la difficulté de se mettre d’accord

Publié le 17 janvier 2011 par Marcelcuaz

Qu’il s’agisse des États-Unis ou de l’hexagone, les débats parlementaires pâtissent globalement d’une image peu glorieuse. Les retransmissions des discussions au sein des hémicyclessont généralement assimilées à de longues tergiversations parfois incompréhensibles, voire ennuyeuses. On y associe souvent de députés ou sénateur endormis, absents ou s’occupant tant bien que mal sur une gameboy. C’est oublier qu’à certains moments, des décisions cruciales sont prises et des discours enflammés donnent tous son sens à la représentation nationale.Ce billet ne se consacre à aucun de ces cas de figure ! Ni endormis, ni vigoureux, les sénateurs et représentants dont nous allons parler font face à un cas de figure inédit…une crise interne dont chacun pense avoir la solution. En 2008, la Commission sur l’Energie et le Commerce de la Chambre des représentants (Le Congrès est composé de la chambre des représentants -435 élus- et du Sénat -100 élus-) débattait des initiatives de réduction des émissions de carbone quand, oh drame, une chauve-souris déboule dans la salle ! Stupeur, il est impossible de travailler en présence d’une chauve-souris…les débats s’arrêtent, un autre démarre.
Transcription des échanges entres le Président et les deux vice-présidents de la Commission
Ces retranscriptions  sont des extraits des débats. Petit florilège:

M. Ingersol (Président de la Commission) : « Je propose un vote plénier sur la chauve-souris qui est piégée dans cette chambre depuis 15 minutes. Que tous ceux qui se déclarent en faveur de la capture de la chauve-souris disent « Hey ». [« Hey » général] « Il est clair que la majorité approuve cette requête. »
« Nous pourrions éteindre les lumières et ouvrir les fenêtres, la chauve-souris s’en ira ». [Nous pouvons déjà remarquer la connaissance approfondie du Représentant du fonctionnement des animaux diurnes…qui comme chacun le sait, et comme l’adjectif « diurne » l’indique, sont attirés par la lumière…]
M. Mc Cullough : « Je ne suis pas d’accord ! Je propose que nous capturions cette chauve-souris et la relâchions dehors. »
M. Ingersol : « Non, elle est bien trop rapide. »
M. Mc Cullough : « Je me rappelle avoir lu que dans des situations pareilles il convient de mettre de l’eau mélangé avec du sucre dans un récipient pour attirer la chauve-souris et l’emprisonner. » [Serait-il possible qu’il confonde la chauve-souris avec des abeilles ?]
M. Cummings : « Cela peut prendre des heures. Il nous fait une action immédiate ! Je propose que nous mettions un bout de fruit sur une table et quand la chauve-souris approche nous la piégeons en l’enfermant dans un récipient. » [Quelques secondes de silence…une personne vient murmurer quelques mots dans l’oreille du Président]
M. Ingersol : « On m’indique que nous n’avons pas de récipients. […] Nous préconisions de bouger plus vite que la chauve-souris. […] Je repropose l’idée des fenêtres. »
M. Cumming : « Je persiste à dire que mon idée du récipient est formidable. »
M. Indersol : « Ce ne devrait pas être un problème difficile à résoudre. Que connaissons-nous des chauves-souris ? »
M. Cummings : « Elle se sont pas mortelles, elles vivent dans des caves et utilisent l’écholocution. »
M. Indersol : « Je pense que M.Cuming voulait dire écholocalisation » [Ah bah quand même, il y en à un qui s’en est rendu compte.]
M. Cumming : « Pour les minutes, confirmez que je voulais bien dire écholocalisation. Je propose que nous appelions mon frère, sa première femme était vétérinaire. »
M. Indersol : « S’il faut téléphoner c’est au 311 [services non-urgent] et avoir un responsable pour les animaux. […] Il y a un an, j’ai passé une après-midi avec une dame de 90 ans vivant en Caroline du Sud. Elle était activement engagée dans sa paroisse et un jour, un oiseau est entré dans l’Eglise et elle s’en est débarrassée en ouvrant les fenêtres et en éteignant les lumières. » [Pas du tout borné celui-là !]
M. Cumming : « Un moment…où est-elle ? Je crois qu’elle est partie. » [En fait, non…on peut la remarquer perchée sur les fioritures derrière le perchoir.]
M. Indersol : « Excellent ! Nous pouvons continuer avec notre agenda sur la réduction des émissions de CO2…AHHHHHH AHHHHHHHH [la chauve-souris lui passe devant le nez] ! Quelqu’un peut-il appeler la sécurité !? »

Il en faut peu pour solliciter autant d’abnégation
   La démocratie est compliquée car ce système politique fonctionne sur l’acceptation d’un projet par une majorité délibérative. On le voit bien avec la chauve-souris : faire sortir une chauve-souris de la salle prend un quart d’heure et cinq minutes de propositions surréalistes ! Chacun y va de son avis, de ses expériences antérieurs pour expliquer à ses pairs qu’il détient la bonne solution. Aucun des membres de la Commission n’est un tant soi peu expert en chauve-souris (on le voit avec les idées saugrenues qu’une chauve-souris est attirée par la lumière ou par de l’eau sucrée) mais tous sont persuadés savoir mieux que les autres. Cette vidéo est anecdotique. Son caractère insolite ne représente en rien les travaux accomplis dans l’enceinte du Congrès mais est un bon exemple du travail d’acrobate que doit réaliser un parlementaire : proposer un amendement [en l’espèce : comment se débarrasser de la chauve-souris], le faire adopter vite pour produire des effets (Cummings : « il nous faut une action immédiate ! »] et mettre tout le monde d’accord  en délibérant librement (Ingersol : « Que tous ceux qui se déclarent en faveur de la capture de la chauve-souris disent « Hey »). 
C'est drôle, c'est laborieux vu de l'extérieur...et c'est la démocratie: on est ensemble dans le même bateau et on résout ensemble les problèmes. C'est beau! 
Vous pouvez visionner l'extrait ci-dessous.