En direct de Tunis mardi 18 janvier par Ridha Kéfi

Par Haykel

En direct de Tunis, deuxième correspondance de Ridha Kéfi (*) (directeur du portail d’informations Kapitalis) qui analyse pour nous la situation au quotidien des tunisiens et tunisiennes qui s’organisent et reprennent peu à peu leur activité.
Tunisie. Après la Révolution, la gueule de bois
A Tunis, comme dans la plupart des autres villes tunisiennes, la nuit d’hier était relativement calme. Les comités de quartiers étaient positionnés à l’entrée des cités. L’armée, positionnée aux grands carrefours et dans les grands axes, veillait au grain. Les forces de police menaient des rondes incessantes. Des échanges de tirs ont été néanmoins enregistrés dans certains quartiers de Tunis. Le sentiment de sécurité retrouvée encourage les gens à reprendre peu à peu leurs activités habituelles. Les commerces ouvrent, l’approvisionnement en produits de première nécessité s’améliore. Il ne tardera pas à retrouver son rythme (presque) normal. Les administrations, les banques, les entreprises, les usines… Tout reprend, en attendant la réouverture des écoles et des universités et la reprise des activités culturelles et sportives.
Un gouvernement de transition
Sur le plan politique, la proclamation du nouveau gouvernement, hier soir, a été accueillie par un sentiment mitigé. Car si la majorité des Tunisiens se disent satisfaits, espérant voir ce gouvernement s’atteler rapidement à la normalisation de la situation dans le pays, des voix se sont néanmoins élevées pour critiquer la présence, dans ce gouvernement, de personnalités appartenant à l’ancien parti au pouvoir ou qui ont travaillé avec le dictateur déchu. Les opposants au nouveau gouvernement ont même manifesté hier dans certaines villes du pays.
Le nouveau gouvernement comprend plusieurs personnalités de l’opposition (tels Ahmed Néjib Chebbi, Mustapha Ben Jaâfar, Ahmed Ibrahim, Ahmed Ounaies, Abdeljelil Bédoui…), des technocrates issus du gouvernement dissous, de nombreux représentants de la société civile et certaines figures politiques issues de l’ancienne majorité, mais qui ont pris leur distance, entre-temps, avec le régime de Ben Ali (Mohamed Jegham, Ahmed Friaâ…).
Cette composition est le résultat d’un savant dosage entre plusieurs exigences. Les technocrates (Mustapha Kamel Ennabli, Mohamed Nouri Jouini, Afif Chelbi…), sont là pour assurer la continuité de l’Etat et la gestion des dossiers urgents, notamment économiques et financiers. Ils auront aussi la lourde tâche de reprendre langue avec les partenaires internationaux du pays pour aider à la relance de l’investissement et des échanges, de manière à créer des emplois et des richesses. Tâche ardue s’il en est dans un contexte de crise mondiale et de difficultés internes.
Un besoin de garanties
La présence assez forte des figures de l’opposition et de la société civile est censée rassurer l’opinion sur les orientations progressistes du nouveau gouvernement d’union nationale, qui aura la lourde tâche de préparer la transition politique, en mettant en place les conditions (légales, organisationnelles et autres) requises pour la tenue d’élections législatives et présidentielles vraiment libres et transparentes, les premières dans l’histoire du pays, dans des délais raisonnables.
Le Premier ministre Mohamed Ghannouchi, qui a annoncé la composition du nouveau gouvernement, a annoncé aussi des mesures destinées à conforter la volonté d’ouverture politique et à donner des signaux positifs en direction de toutes les composantes de la société civile. La reconnaissance immédiate des partis et les associations qui ont déposé une demande à cet effet s’inscrit dans cette volonté. Ainsi que la levée des entraves à l’activité des associations et organisations, l’élargissement de la liberté de réunion et la garantie de la liberté d’information.
Ni oubli, ni pardon
Autres mesures annoncées, qui ont eu un écho favorable auprès de la population: la mise en place de la commission supérieure de Réforme politique, présidée par Iyadh Ben Achour, la commission nationale d’établissement des faits sur les affaires de malversation et de corruption la Commission nationale d’établissement des faits sur les abus durant la dernière période.
Ces commissions, présidées par des hommes intègres, connus pour leur probité intellectuelle et leurs compétences (notamment juridiques), tels Iyadh Ben Achour, Abdelfatah Amor et Taoufik Bouderbala, devront aider à faire la lumière sur les abus commis par l’ancienne direction et, éventuellement, traduire leurs auteurs devant la justice.
Il n’est pas question d’oubli, et encore moins de pardon. Il n’est pas question non plus de chasse aux sorcières. Il s’agit, surtout, de délimiter les responsabilités, d’identifier les auteurs de malversations et d’actes de corruption et de népotisme, d’instruire des dossiers solides susceptibles d’alimenter des actes d’accusation et de lancer des poursuites judiciaires contre tous ceux qui ont profité de leur proximité avec l’ancien pouvoir ou de leur position au sein de l’administration publique pour commettre des actes de prévarication.
Ridha Kéfi de Tunis

(*)Ridha Kéfi a collaboré avec plusieurs journaux et magazines. Il s’est fait un nom en Tunisie et sur le continent africain. Ces dernières années, il a travaillé comme responsable du service cultuel du quotidien Le Temps (Tunis), comme rédacteur en chef délégué à Jeune Afrique entre 1994 et 2006 avant de créer le magazine hebdomadaire L’expression. Actuellement, il est l’un des trois rédacteurs en chef de NewAfrican, un bimestriel basé à Paris et à Londres.

Photo 1: Le premier ministre Mohamed Gannouchi

Photo 2: Afif Chelbi

Photo 3: Mohamed Jouini

En rapport avec cette note: En direct de Tunis lundi 17 janvier par Ridha Kéfi


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