Le syndrôme de Stockholm, vous connaissez? Oui, okay. Et vous non? ah bon, alors en deux mots, ressentir ce syndrôme là veux dire, prendre fait et cause pour son ravisseur en cas de prise d'otage, ou en tout cas, ressentir une certaine empathie pour ce dernier. Il y a d'ailleurs un cas très connu, celui de Patricia Hearts la petite fille du grand magnat us, qui est tombée amoureuse de son géolier, l'a épousé et a embrassé la cause de "L'armée sybionaise" (ça je ne me souviens plus ce que c'était) . C'est donc de cela qu'il s'agit dans le deuxième film de Lola Doillon, à ne pas confondre avec Lou Doillon.
LOLA DOILLON
CONTRE TOI est-il né de la volonté de changer de registre après ET TOI, T’ES SUR QUI ? ou bien est-ce simplement l’histoire qui s’est imposée à vous ?
Il y a eu d’abord l’envie de ne pas enchaîner avec un autre film dont des adolescents seraient les héros. Donc de faire un film avec des adultes, et une histoire d’amour. Ensuite j’avais envie de m’aventurer dans une zone peut-être plus périlleuse, que je ne connaissais pas, qu’il y ait une sorte de défi… avec faits de société que je voulais traiter, et qui se sont greffés à ces envies.
Pourquoi ce fait divers en particulier ? J’étais particulièrement intéressée par les histoires d’otages, notamment de femmes. Je me demandais comment on peut tenir seule pendant des mois, voire des années, face à quelqu’un que l’on déteste. En tant qu’humain, on a besoin d’un contact, de l’autre pour continuer à vivre. Ce qui m’intéressait c’était donc le moment où la situation change, le renversement, ce fameux «syndrome de Stockholm» : cette dée que l’on puisse finalement éprouver un sentiment, du moins une grande sympathie pour son agresseur. Comment s’opère ce renversement et pourquoi, c’était des questions qui m’interpelaient depuis longtemps.
Est-ce que c’est facile de vendre une histoire d’amour qui est aussi une histoire de séquestration ? La productrice ! Elle était d’accord pour une histoire d’amour,mais en même temps c’est tellement vague… C’est sûr que ce n’est pas le sujet le plus évident et vendeur,mais il est très intéressant.
Comme c’est votre deuxième film, avez-vous ressenti une pression particulière au moment de l’écriture ? Non. Il y avait l’envie de ne pas rater, c’est sûr ! L’envie d’être sincère avec un sujet que je ne connaissais pas. D’être juste par rapport à des personnages et une situation.
Vous avez eu du mal à trouver cette justesse ? On m’a demandé de rajouter beaucoup d’explications sur le moment du renversement de situation. Pour moi c’était compliqué de l’exprimer par écrit. Je savais ce que je voulais filmer en écrivant le scénario, mais les silences et l’intensité d’un échange de regards sont difficiles à décrire sur papier. Il a fallu que j’écrive des choses en sachant que je n’allais pas les tourner. D’ailleurs à l’arrivée, même la structure du film est différente.
Pourquoi avoir choisi Kristin Scott Thomas ? J’ai pensé à elle en écrivant le scénario. Je me suis dit : «il me faut une femme forte, qui représente quelqu’un d’indestructible», et qu’on ait à la fois envie de voir craquer. Pour moi Kristin est une femme qui a une image de contrôle absolu et c’était fort, symboliquement, de voir cette image se casser. Elle s’est donc imposée à moi lors de l’écriture. Pour autant je ne pensais pas une seule seconde qu’elle allait faire le film. Ce n’est qu’une semaine après avoir commencé le casting que j’ai dit à ma productrice : «envoyons lui le scénario, histoire de ne pas avoir de regrets». Son agent l’a lu très vite et a dit oui. Elle l’a lu à son retour des États-Unis et a elle aussi dit oui très vite. J’ai eu du mal à croire à tous ces «oui» qui s’enchaînaient.
Comment s’est passée la première rencontre ? Je n’avais rien à perdre puisque je n’y croyais pas. Un peu comme quand on passe le bac sans avoir révisé. J’ai tenté ma chance en lui expliquant comment je voyais les choses, le personnage, ce que j’avais envie de défendre… La surprise du «oui» qui a suivi était incroyablement simple et formidable.
Kristin Scott Thomas: ! J’avais envie de faire un film avec une jeune réalisatrice qui avait des choses à dire sur les femmes. Ce scénario était intéressant à plein de niveaux, mais parfois on a partager quelque chose avec lui ou elle. Et j’avais envie de jouer avec Lola. L’idée de l’enfermement, de la séquestration,m’intriguait… La culpabilité du personnage, cette femme mûre face à ce très jeune homme… Tout ça m’intéressait, mais j’avais surtout envie de travailler avec Lola, qui est quelqu’un de très intelligent, de très fin, avec des références… J’avais envie de passer six semaines avec elle à collaborer à un projet commun. Et puis une fois encore j’avais envie de faire un film avec quelqu’un de plus jeune. Longtemps je me suis retrouvée sur des plateaux avec des réalisateurs plus âgés : Robert Altman, Sydney Pollack… J’avais du mal à travailler avec des gens de ma génération, ce qui m’a frustrée à l’époque. Maintenant ce sont les jeunes réalisateurs qui commencent à m’appeler. Et si je me sens en confiance,
Comment s’est déroulé le tournage avec elle ? Il y a toujours les deux premières scènes que l’on tourne et durant lesquelles on se demande comment les choses vont se passer entre un réalisateur et un acteur ou une actrice. Kristin c’est une bosseuse. Elle aimait le personnage et je sentais son envie de faire ce film, donc ça ne pouvait pas mal se passer. Pour Pio c’était la même chose : ils étaient tous les deux pour le film, comme le reste de l’équipe. Il y a eu une véritable union entre eux, le chef op, l’équipe. J’ai vu Kristin et Pio se mettre dans des états incroyables au point de me dire : «qu’est-ce que je suis en train de leur faire faire !». Ça allait loin ! Et il ne tenait qu’à moi de travailler et de tenir le film.
K.S.TMoi aussi je n’avais rien à perdre ! C’est ce que j’ai ressenti lors de notre rencontre. C’était archi simple, je ne me suis pas posée la question de savoir si elle était capable de faire ce film, c’était évident.
Par quoi avez-vous commencé le tournage ? L.D.Heureusement on a réussi à commencer par tourner toutes les scènes de séquestration. Il y avait trois semaines de tournage dans cette pièce et trois semaines à Paris. On a débuté par le studio. C’était bien d’attaquer à fond. C’était épuisant et très fort, de se retrouver avec les acteurs et l’équipe enfermés dans une grande intimité : enfermés comme les personnages. C’était très lourd et en même temps bénéfique parce que ça mettait tout le monde dans les conditions du film. Mais le soir, après le tournage, on avait un grand besoin d’aller manger dehors !K.S.T C'était vraiment génial. Je crois qu'on était 28 au total, donc, une petite équipe, on tournait d'abord dans un petit studio de province, plutôt un moulin avec de l'eau qui coule en dessous, et une route qui passe au dessus! Et c'était juste dur ce qu'on faisait, enfermés sur ce plateau, dans cette fausse pièce où il faisait très chaud...et nous avons commençé par les scènes d'enfermement. Au début, c'était assez angoissant ce décor, cette sorte de boite. Mais au fur et à mesure du tournage, on commençait à l'aimer, à s'y attacher. C'est très bizarre le cinéma: on peut jouer des scènes d'une violence rare, qui sont émotionnellement extrêmement coûteuses, difficiles et qui laissent des traces..et en même temps s'amuser comme de fous. Et en fait, l'enfermement, j'ai bien aimé. J'étais très bien dans cette pièce.
Pour ce personnage, vous êtes allée très loin. C'est un état que vous redoutiez? K.S.T. On n'y pense plus! Enfin, avec certains réalisateurs ou partenaire on n'y pense pas, ou plutôt plus! En revanche, les scènes de bagarres, qui sont comme de l'acrobatie pour ne pas se faire mal....c'est épuisant, parce qu'il faut une concentration physique, intellectuelle et émotionnelle C'est facile de pleurer dans son coin, mais à la fois pleurer et être prjetée contre un mur c'est éreintant, et en plus dire un texte...cela complique encore plus les choses!
Comment vous êtes-vous préparée pour le personnage? K.S.T. Lola m'a donné un livre sur une femme séquestrée en Amérique du Sud. Mais je me suis surtout renseignée auprès d'une amie actrice qui a été kidnappée en Afrique du Sud. J'avais du mal à comprendre comment on peut être séduit par son kidnappeur, comment reconnaît-on la faiblesse de son agresseur, ce qui est le cas de mon personnage. Cette amie actrice, Denise Black, m'a beaucoup renseignée sur ce moment où l'on bascule de la peur à l'amour. Elle m'a expliqué qu'elle avait eu la peur de sa vie, mais qu'en même temps, elle tentait d'envoyer de l'amour à son ravisseur, qui était plus jeune qu'elle, parce que m'a-t-elle dit: "c'était sa seule arme" Toutes ces choses, j'ai essayé de les mettre dans le film.
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