L'échange se caractérise par un double don et une double réception. Il faut donner pour recevoir et recevoir pour donner. Je donne tu reçois, tu donnes je reçois. L'échange est à placer dans la catégorie des actes à titre onéreux pour les juristes. L'acte à titre onéreux se distingue de l'acte à titre gratuit et il s'y oppose. L'acte à titre gratuit suppose intention libérale et un don qui ne coûte rien. L'acte à titre onéreux suppose donc une intention intéressée et un acte qui coûte.
Le don est cependant inclus dans l'échange nous venons de le noter mais le don de l'échange est un don qui attend contre-don et qui suppose travail de réception des deux côtés.
Si je donne sans espoir de recevoir et que ce don ne me coûte pas, je donne. Si je donne en attente d'un retour et que ce don me coûte je suis dans l'échange.
On se demande souvent si le don au sens juridique du terme, le don comme acte à titre gratuit existe réellement et l'on s'interroge fréquemment en philosophie afin de se demander si le don n'est pas un échange déguisé...Cette interrogation est souvent assortie d'une lecture du fameux texte de Marcel Mauss et son essai sur le don.
Mauss montre, dans ce texte, que les indiens d'Amérique (enfin dans ma mémoire certains d'entre eux) avaient organisé leur économie non pas sur la monaie mais sur le potlach, forme de don déguisé...Dans le Potlach, on donne et l'on attend - en apparence - rien en retour. Toutefois celui qui bénéficie du potlach se sent implicitement obligé, moralement obligé.
Le potlach était une organisation économique très subtile dont les traces sont présentes dans nos sociétés...Vous êtes dans un café, un type sympathique vous offre un verre gracieusement...Le surlendemain, vous le voyez au bar et vous trouvez naturel de lui payer en retour une boisson de son choix et ainsi le lien peut se créer à la fois obligé et non contraint.
Le texte de Mauss nous aide cependant à mieux comprendre ce qu'est le don et les rapports qu'il entretient avec l'échange. Dans le don, il n'y a dans l'immédiat aucune attente de réception alors que dans l'échange le "donneur" attend un retour sur investissement pourrions nous dire.
Le don pur existe selon moi et tous les dons ne sont pas des échanges déguisés. Il existe mais, comme ce qui est juste et beau, ce don fait partie de l'être comme les Anciens disaient autrefois, il en est une manifestation ou une image...Il est à l'image d'un Don qui le transcende et dont l'existence n'est pas contestable mais est du domaine du rare, du quasi-divin...Lorsque l'homme est dans le don pur, il est dans la quintessence de l'humanité mais il s'y trouve rarement car il est ainsi fait et sa vie est ainsi faite, organisée plus autour du don que de l'échange.
Prenez cet adulte qui aide un petit enfant qui a glissé et qu'il aide à se relever...Voilà le don pur qui n'attend rien en retour. En effet, même si l'enfant ne remercie pas le don est là...Il n'a rien coûté et il aurait fallut être stupide d'attendre une reconnaissance de l'enfant. Pourtant dans ce don il y a don car en le faisant l'on attend rien de l'enfant mais on se donne quelque chose à nous-même ainsi. On se sent heureux d'avoir accompli ce que l'on devait accomplir...
L'enfant ne nous a pas permis d'acheter une conscience. Il ne nous a pas même donné cette bonne conscience car, rappelons le , dans le don, il y a intention de donner libéralement. L'enfant n'est pas tombé à terre pour que nous lui donnions l'occasion d'être relevé par nous. Nous pouvons au mieux, le remercier et lui exprimer notre gratitude pour nous avoir donné l'occasion de nous donner à nous-même une bonne conscience mais il ne nous a rien donné et cela ne nous a rien couté...Au contraire, nous avons gagné...
Peut-être existe-il d'autres formes de don pur mais ils sont rares et sont pensés pour être rares dans la société...Car celle-ci est ordonnée autour de l'échange et non du don. En effet, les hommes sont dans des rapports symétriques les uns envers les autres et ce que je donne à l'autre me coute toujous et j'en attends à un moment ou un autre une reconnaissance...
Mais le fait que la société soit ordonnée sur l'échange n'est pas dramatique...C'est une belle chose qui nous incite à réfléchir sur le juste et la réciprocité. Cependant tout ceci ne doit pas pour autant nous faire désespérer du don qui demeure exceptionnel mais qui n'est sans doute possible que dans les rapports asymétrriques ou déséquilibrés, ceux dans lequel celui qui donne est d'une richesse inouie par rapport à celui qui reçoit et où celu qui reçoit est dans un état d'inconscience conséquent par rapport à celui qui donne...Quoi qu'il en soit, le don n'est donc en aucune manière à confondre avec le sacrifice...!