Un mot à lui seul résume la situation : profit. Dans notre système aberrant, les empoisonneurs ne sont pas les payeurs mais les grands bénéficiaires du cycle de la mort.
On sait depuis de nombreuses années que la chimie nous empoisonne à petit feu . L’Union Européenne avec la directive REACH essaye d’établir un état des lieux des milliers de molécules présentes dans notre environnement quotidien et dont les effets sur notre santé ne peuvent être neutres.
Nous sommes inondés de substances chimiques au quotidien, avec une exposition qui démarre dès le stade de la conception du foetus. Sur plus de 18 millions de produits chimiques fabriqués par l’homme, dont 100 000 utilisés quotidiennement, seulement 2000 ont été testés sur l’homme.
Dernière illustration en date Outre-rhin. L’Allemagne est agitée par un scandale alimentaire de première importance avec la découverte début janvier d’oeufs et de viande de porc contaminés à la dioxine, un produit cancérigène à haute dose. Neuf cent trente-quatre élevages de porcs, de poulets et de poules pondeuses ont été fermés. L’appât du gain est une nouvelle fois en cause. Un fabricant de graisses alimentaires et industrielles est soupçonné d’avoir sciemment livré à des fabricants d’aliments pour animaux des graisses techniques destinées à l’industrie.
Sans sombrer dans la paranoïa, le documentaire d’Emmanuelle Schick-Garcia pose des questions qui interpellent. Est-ce que les grandes firmes pétrochimiques à l’origine de rejets de substances cancérigènes n’auraient pas finalement intérêt à ne rien faire pour les limiter ? La main gauche ignorant ce que fait la droite, elles pourraient ainsi récupérer les bénéfices de toute la thérapie médicamenteuse liée notamment aux cancers.
La réalisatrice brise notre optimisme quand elle relativise fortement la portée de la directive REACH. En effet, la tenue d’un registre des substances chimiques n’implique pas que celles-ci soient toutes automatiquement testées ou qu’elles seront à l’issue interdites.
Surprenant ? Pas vraiment. Comme dans la tragédie du Mediator, The idiot cycle souligne l’intense lobbying des laboratoires pharmaceutiques auprès des autorités, des scientifiques, des journalistes et des étudiants en médecine mais également, la fragilité des garde-fous. Là encore, la banalisation des conflits d’intérêts et la mise à l’écart des chercheurs indépendants sont pointées du doigt.
The idiot cycle, c’est plutôt le cercle parfait. Un business complet, bien rôdé autour de la maladie. L’épisode Mediator-Servier a levé le coin du voile sur un secteur économique dans lequel la morale et la santé des patients ne pèsent pas grand-chose face aux intérêts financiers colossaux en jeux. Pour situer ceux-ci, on retiendra que pour la France, la part des dépenses de santé dans le PIB est passée de 3,8 % en 1960 à 11,1 % en 2006. De quoi aiguiser bien des appétits et de susciter bien des interrogations.