l’assurance vie, l’avenir du livret A est plus que jamais incertain et tributaire des décisions prises à l’issue du débat actuel autour des modalités de son processus de centralisation.
Cette période d’ajustement pour ce produit d’épargne phare est l’occasion de faire le bilan de la réforme de son cadre de distribution entrée en vigueur le 1er janvier 2009, et d’envisager ses perspectives d’évolution.
Fonctionnement du livret A
Placement historique en France, la création du livret A remonte à 1818. Il est rapidement devenu premier instrument d’épargne des Français en proposant un revenu net d’impôts, un capital garanti par l’Etat et une importante flexibilité à l’usage.
Jusqu’en 2009, le livret A ou son jumeau le livret bleu (doté des mêmes caractéristiques que le livret A) étaient distribués par trois acteurs historiques : la Banque Postale, la Caisse d’Epargne et le Crédit Mutuel. Cette collecte se trouvait ensuite centralisée à 100% au sein du Fond d’Epargne de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) après versement d’une commission de gestion, variable selon les réseaux :
- 1,3 % pour la Banque postale
- 1 % pour les Caisses d’épargne
- 1,1 % pour le Crédit mutuel (brut)
Employé en vue de soutenir l’effort sur le logement social, l’encours du livret A permet ensuite à la Caisse des Dépôts et Consignations de prêter des fonds à des taux attractifs aux organismes sociaux habilités.
Bilan de la réforme
Suite à la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, la distribution du livret A a été élargie depuis le 1er janvier 2009 aux établissements de crédit ayant signée une convention avec l’Etat. En parallèle, le taux de commissionnement a été ajusté à 0.6% – avec une période de réduction progressive concernant les distributeurs historiques – et le taux maximal de centralisation a dans le même temps évolué de 100% à 70% (pour l’encours du Livret A et du Livret de Développement Durable).
Cette réforme concrétisant la réponse française aux injonctions de la Commission Européenne de mettre fin aux droits de distributions spéciaux, faisait redouter un transfert massif de clients des réseaux historiques vers les nouveaux distributeurs. Qu’en est-il à ce jour ? Quels sont les réseaux grands bénéficiaires de cette réforme ?
L’encours de collecte du livret A/Livret Bleu s’est renforcé malgré la chute de son taux de rémunération.
L’effet d’ouverture du marché s’est pleinement opéré notamment pour les réseaux nouveaux distributeurs, au vu du bond de l’encours global de 17 Mds€ au mois de janvier 09 (+10.5%). Cette hausse s’est maintenue jusqu’à maintenant puisque l’encours s’élève à 190 Mds€ au 31/09/10 contre 164,3 Mds€ au 31/12/08 (+15,5%), avant l’ouverture du marché.
Cependant, le rythme de collecte a connu un fort ralentissement sur le second semestre 2009, en répercussion directe de la baisse des taux de rémunération (4% en août 2008, 2,5% en février 2009, 1,75% en mai 2009 et 1,25% en août 2009). L’encours moyen a en outre chuté de 7,5% sur l’année 2009, pâtissant de l’effet de reconfiguration du marché.
Ainsi, l’effet d’ouverture du marché est parvenu à juguler la baisse d’attractivité du livret A suite à la chute de ses taux de rémunération, mais la fragmentation du marché s’est accentuée au cours de l’année 2009. La reprise de la collecte en 2010 témoigne d’une première phase de consolidation du marché.
La part de marché des distributeurs historiques reste largement majoritaire
Avec environ 83,5 % de parts de marché au 31/12/09, les distributeurs historiques conservent la main mise sur les encours de livret A. Malgré les importants efforts de communication consentis par l’ensemble des réseaux, le transfert de clients entre les distributeurs historiques et les nouveaux distributeurs est resté limité avec uniquement 300 000 comptes transférés des réseaux historiques vers les nouveaux réseaux distributeurs, soit moins de 1% de l’ensemble des comptes d’avant la réforme. Le niveau de collecte des nouveaux réseaux distributeurs qui n’atteignait que 30,3 Mds€ au 31/12/09 confirme par ailleurs le caractère fidélisant et l’importance des coûts de conquête de ce produit d’épargne.
La redistribution des cartes annoncée n’a donc pas eu lieu.
Face à ces constats, le bilan de la réforme reste naturellement plutôt favorable aux distributeurs historiques. La chute du taux de centralisation, leur a permis de dégager près de 60 Mds€. Ils ont réussi à conserver une part importante de leur clientèle et à faire progresser leur nombre de comptes, au prix d’une baisse de l’encours moyen (-8,3%).
Les nouveaux réseaux distributeurs, quant à eux, ne sont parvenus à capter qu’une part marginale des encours, au prix d’une débauche d’investissements : de communication, d’actions commerciales, d’une réorganisation des processus de distribution et chantiers SI…
En outre, l’essentiel de leurs encours ne constitue pas une nouvelle collecte, mais un transfert de comptes de bilan de clients existants vers le livret A.
Mais le bilan peut encore évoluer…
Quelles perspectives pour le livret A ?
Afin de soutenir son plan d’investissement dans le logement social, la CDC envisage de modifier son mécanisme de centralisation en ajustant le taux de commissionnement et de centralisation cibles du livret A et du LDD (Livret de Développement Durable).
En effet, abaissé à environ 63% pendant la crise, le taux de centralisation des encours du livret A et du LDD est actuellement au centre des débats opposant la CDC et l’Etat face aux banques. Si la baisse du taux de commissionnement des banques, désormais aligné sur celui du livret d’épargne populaire à 0,5%, a été acquise sans heurts, le sujet de la remontée du taux de centralisation à 70% ces prochaines années – comme autorisé par la loi – provoque l’ire de ces dernières.
Dans une telle situation, les banques se trouveraient privées de 260 M€ de recettes et d’environ 20 Mds€ de liquidités, soit plus de 20% de l’encours non-centralisé destiné au financement des PME. Dans le contexte de la mise en place de la réforme Bâle III, dont le coût pour les banques pourrait avoisiner 1 Md€ selon une étude de Sia Conseil, le débat autour de la centralisation des livrets A et LDD pèse sur l’implémentation des nouveaux ratios de solvabilité – et notamment le liquidity coverage ratio.
Pour décrypter la situation, il est également crucial de rappeler que l’encours du livret A et du LDD, outre le financement du logement social, permet à l’Etat :
- De se financer, puisque la CDC lui reverse 100% du résultat annuel du fond d’épargne
- De sécuriser ses émissions d’obligations du Trésor, souscrites à hauteur d’un tiers du fond d’épargne par la CDC
Ainsi, dans un contexte de collecte difficile, le débat actuel vise à maintenir voire à faire augmenter les ressources de chacun. Mais seule une reprise de la collecte – que pourraient apporter par exemple la hausse prochaine du taux rémunérateur ou bien un relèvement du plafond du livret A – permettrait de retrouver une véritable logique « gagnant/gagnant ».
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