Magazine Cinéma
Synopsis :
Trois amis, élevés dans un pensionnat à l'écart du monde, vont découvrir qu'ils sont en réalité des clones dont l'existence a pour unique objectif le don de leurs organes.
Critique :
Mark Romanek n’est certainement pas le réalisateur le plus connu au cinéma. Et pourtant, on lui doit l’excellent Photo Obsession avec Robin Williams, petit film sans prétention sorti en 2002 qui fait l’effet d’une petite bombe lorsque l’on n'y est pas préparé. Dans ce contexte, la mise en chantier de Never Let Me Go avec qui plus est ce casting en tête d’affiche me faisait trépigner d’impatience.
Adapté du livre britannique éponyme, Never Let Me Go prend comme point de départ le fait que la technique du clonage est une science connue et maitrisée depuis les années 50. Des écoles de clones sont mêmes ouvertes afin de les faire grandir jusqu’à l’âge où ils seront en mesure de faire dons de leurs organes pour maintenir leurs « originaux » en bonne santé et augmenter leurs espérances de vie. Une vie écrite d’avance, un destin morbide, une date et un contexte de mort connue, autant de fatalités avec lesquelles doivent vivre nos personnages dès leur plus jeune âge. L’auteur du roman est connu pour exceller dans les sous-entendu liés à la fatalité d’une vie que l’on impose, et que l’accepte, sans se débattre et c'est très précisément là où le film va frapper fort, très fort.
Le cadre est posé, le film s'emparera d'un sujet aussi sensible que d’actualité qu’est le clonage et surtout, l’éthique et l’approche en tant qu’être humain que nous pouvons en faire. Il se contente de présenter une démonstration, sans jugement, simplement d'exposer les faits, et de les faire aboutir dans un jusqu’au boutisme effrayant. Car comment ne pas être indigné ? Comment ne pas être touché devant l’acceptation de la mort pour la satisfaction d’autrui ? Mourir pour les autres est-i-il une fin en soi ? Autant de questions et de réflexion que le réalisateur distille tout au long de son film avec un argument phare à poser en face : la suppression de toutes les maladies, les cancers, les maux de ce monde. L’être humain n’est plus faillible sur le plan physique ou médical mais jusqu’à quel prix serions-nous prêt à aller pour une vie sans maladie, pour une vie longue et en pleine santé ? Un paradoxe éthique auquel il est difficile de répondre à la simple vue de ce film mais qui a le mérite d'être poser avec violence.
Dans Never Let Me Go, ces clones qu’incarnent Keira Knightley, Carrey Mulligan et Andrew Garfield ont pourtant tout d’êtres humains ordinaires. Ils grandissent à vitesse normale, développement des sentiments, réfléchissent, raisonnent, vont à l’école (spécialisée), bref, développent une adolescence parfaitement normale si l’on s'affranchit du fait qu’ils restent éloignés du monde extérieur. On s’attache donc très facilement à ce trio et plus particulièrement à Carrey Mulligan, qui vole sans conteste la vedette à ses partenaire par un jeu tout en retenu et se refusant à aller dans un pathos inutile.
Mais lorsque les premiers dons sont demandés par l’état (tout cela fait partie d’un organisme public très bien organisé au même titre que la Poste ou les Impôts chez nous), les personnages s’affaiblissent petit à petit jusqu’à ce que mort s’en suivent après leur 3e ou 4e don. L’issu pour chacun des protagonistes est donc connu de tous. La question est : comment développer un semblant de vie en connaissant sa propre fin ?
Never Let Me Go n’est pas un procès d’intention à l’encontre du clonage, la situation dépeinte étant extrême vous l'aurez compris, mais il a le mérite de jeter le pavé dans la marre en extrapolant bien plus loin que les avancées actuelles en matière de clonage. La religion n’est jamais évoquée, tout comme l’éthique des clones VS ceux des êtres humains « normaux ». S’il ne montre aucune image violente, le film se montre au final insupportable par son discours d’une rare fatalité et par son absence d’échappatoire pour ces presqu’enfants que l’on a fait grandir et formés pour mourir, sans qu’ils ne montrent de signe de rébellion.
Bien loin des films de sciences fiction sur le clonage, bien loin de The Island (dont le synopsis est relativement voisin), Never Let Me Go se présente d’avantage comme un film philosophique, posant une véritable réflexion sur l’Homme et son existence, sur la vie, la mort et sur le droit de décider de sa destinée. Un beau mais triste, très triste long-métrage...
Sortie officielle française : 2 mars 2011