“Même s'il semble plus simple d'épouser la logique de l'affrontement que celle du conflit et de sa complexité, perçue comme source d'impuissance, nous pensons au contraire qu'il est plus simple de chercher à l'assumer. […] C'est ainsi que, par exemple, il est toujours plus facile de collaborer avec une dictature que de s'engager dans la résistance.[…] Cette absence de résistance, cependant, est au prix, non d'une collaboration passive, mais d'un refoulement de ce qui, au coeur des conflits structurant nos situations, nous convoque. Il faut un grand effort pour tourner le dos au désir de résister, ou même à l'irritation grandissante éprouvée face à un quotidien scandé par les preuves multiples de la tyrannie.[…] La voie de la facilité exige ainsi un effort permanent et quotidien, jusqu'à créer l'habitude de l'indifférence. En vérité, le terme de “passivité” ne convient pas à une telle dépense d'activité. celui, ou celle, qui a cédé au chant des sirènes de la facilité verra inévitablement sa vie, non pas devenir complexe, mais se compliquer, car, pour justifier et maintenir sa position de facilité, il lui sera de plus en plus compliqué de le faire.
La simplicité est un choix difficile, parfois risqué, mais c'est celui qui va de soi, en quelque sorte. Et, s'il est plus simple d'assumer un conflit que de l'éviter, c'est que ne pas l'assumer implique un refus: celui de la tâche qui se présente à nous et qui est celle de la vie même.[…]
Dans la logique de l'affrontement, ce que nous trouvons à l'oeuvre est un devenir identitaire des parties en présence, une détermination mutuelle des identités dans l'opposition. Le devenir identitaire fait perdre, aux individus comme aux groupes, toute pensée complexe des problèmes.”