Le 12 janvier dernier, les participants du processus de concertation sur l’avenir de l’énergie solaire photovoltaïque, piloté par Jean-Michel Charpin, se sont réunis. Les grands axes du cadre juridique qui devrait être prochainement adopté sont désormais connus. Les projets du Gouvernement laissent craindre l'avènement d'une usine à gaz juridique.
Vous pouvez télécharger ici le document de présentation des propositions présentées par le Directeur général de l'Energie.
Un objectif plafond.
A bien lire les propositions présentées lors de la réunion de concertation du 12 janvier, le Gouvernement s’apprêterait à opérer une double remise en cause des objectifs de développement de l’énergie solaire.
En premier lieu, l’objectif de développement est devenu un plafond - pardon : une "trajectoire annuelle cible" -, non plus un plancher. Au lendemain du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement avait en effet défini un objectif de 5400 MW de puissance installée en énergie solaire d’ici à 2020. Cet objectif est fixé par un arrêté ministériel en date du 15 décembre 2009 « de programmation pluriannelle des investissements » (PPI), signé à Copenhague par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’écologie.
En réalité, il serait utile, non seulement de considérer l’objectif de 5400MW comme un plancher et non un plafond. Surtout, il serait utile de le dépasser pour que la France compte au nombre des champions des énergies renouvelables, capables de créer une industrie autour d’une énergie verte. Le manque d’ambition actuel de l’Etat français est criant.
Un quota guillotine.
En second lieu, le Gouvernement tient à la définition d’un quota de 500MW de projets par an : 200 MW pour les centrales solaires au sol, 300 MW pour les installations en toiture (intégrées au bâti). Il semble que le débat ne soit pas permis sur cette proposition.
Cette mesure peut s’avérer très contraignante pour la filière. Tout d’abord, quels seront les critères de sélection des projets ? Quels seront les dossiers admis à l’intérieur du quota de 500 MW et quels seront ceux qui en seront exclus ? A priori, c’est la règle du « premier arrivé, premier servi » qui pourrait être créée. Toutefois, comment les opérateurs sauront-ils qui est arrivé premier ?
Rappelons que la gestion de la file d’attente des dossiers en attente de raccordement ne fait l’objet d’aucune réelle transparence : le nombre précis et la nature des projets pour lesquels une demande de raccordement et de contrat d’achat a été présentée fait surtout l’objet de rumeurs. Il est à craindre fortement que la règle du « premier arrivé, premier servi » ne soit la source de polémiques sans fin qui contribueront un peu plus à ternir l’image du photovoltaïque et à créer un sentiment d’inquiétude de la part des investisseurs et des consommateurs.
Plus grave, comment sera-t-il possible de définir en amont, le modèle et l’équilibre économique d’un projet sans avoir la certitude que celui-ci pourra faire l’objet d’un contrat d’achat ? Qui devra supporter le risque du refus de contrat d’achat pour dépassement du quota de 500MW par an ?
La fin des tarifs d'achat pour les centrales au sol
Rappelez-vous : le 17 novembre 2008, Jean-Louis Borloo présentait son "Plan pour les énergies renouvelables". A l'époque, la devise de l'administration de l'énergie et de l'écologie était "faire du volume. Il fallait faire du volume et pour cela l'Etat annonçait le lancement d'un appel d'offres pour la création d'au moins une centrale au sol par région.
Depuis, le mécanisme même de l'appel d'offres suscite quelque peu la méfiance. L'appel d'offres pour les centrales solaires a été annulé et celui pour les parcs éoliens se fait toujours attendre depuis bientôt un an. Par ailleurs, le Tribunal administratif de Nîmes a - sur intervention de mon cabinet - annulé une telle procédure, preuve étant faite que la filiale d'un opérateur historique n'avait pas été traitée à égalité avec les autres candidats.
Pourquoi le Gouvernement tient-il tant à la procédure d'appel d'offres pour les centrales solaires au sol ? Le motif avancé tient au respect de l'environnement. Motif contestable car le respect de l'environnement procède des dispositions inscrites dans la loi et le règlement, lesquelles s'imposent à tous les projets, peu importe qu'ils aient été sélectionnés au terme d'un appel d'offres. Certes, le cahier des charges de l'appel d'offres peut fixer des critères environnementaux mais on voit mal comment ces derniers pourraient être fondamentalement différents de ceux fixés par le droit existant.
En réalité, le mécanisme de l'appel d'offres va lui aussi opérer un mouvement de concentration du marché qui est sans doute l'objectif recherché. Les opérateurs n'auront en effet pas tous les capacités financières suffisantes pour engager les études et investissement nécessaires à la composition des dossiers de candidatures. Autre objectif : limiter drastiquement le nombre des réalisations. La procédure de l'appel d'offres va allonger les délais d'autorisation des projets de centrales, réduire le nombre des sites susceptibles d'être équipés et sans doute décourager nombre d'élus, a fortiori si ceux-ci sont l'objet de pressions de la part d'opposants aux énergies renouvelables.
Enfin, la procédure d'appel d'offres comporte elle aussi des risques contentieux à commencer par le risque d'annulation de la procédure elle-même par le Juge des référés.
Les questions que suscitent les propositions du Gouvernement pour l'établissement d'un nouveau cadre juridique sont donc nombreuses et seul un petit nombre d'elles viennent d'être présentées. Une chose est certaine en l'état actuel de ces propositions : l'incertitude juridique ne devrait pas décroitre.
Le Gouvernement prépare l'aprés moratoire
Comme l'a annoncé Nathalie Kosciusko-Morizet à l'Assemblée nationale, le nouveau cadre juridique relatif à la production d'énergie solaire devrait être trés prochainement rendu public et ses principaux axes sont désormais connus.
Cette rapidité d'exécution poursuit plusieurs buts. Le premier tient à ce que le Gouvernement entend sans aucun doute publier ces textes avant le terme du moratoire de trois mois qui expire prochainement. Il convient en effet de rappeler qu'aux termes du décret du 9 décret 2010 portant suspension de l'obligation d'achat pendant trois mois, les producteurs auront la possibilité, dés le 11 mars, de déposer de nouvelles demandes complètes de raccordement. Il est bien entendu urgent que le cadre juridique soit prêt avant cette date pour pouvoir s'appliquer à ces nouvelles demandes complètes de raccordement. La suppression éventuelle du tarif d'achat pour les centrales au sol et la baisse des autres segments tarifaires pourrait avoir pour effet de décourager certains projets.
Autre but sans doute recherché : priver de tout effet la déciison à venir du Conseil d'Etat saisi par certaines entreprises de requêtes en référé suspension. Soit le Conseil d'Etat rejette ces référés et le Gouvernement ne manquera pas de s'en prévaloir dans les médias pour asseoir sa position dans le cours de la concertation pilotée par M Charpin. Soit le Conseil d'Etat accueille ces référés ou certains d'entre eux et ....il ne se passera que peu de temps avant que les nouveaux textes ne soient publiés. Dans ce court entretemps, ERDF et EDF continueront de lever le stylo dans l'attente des nouvelles instructions. En clair, pour l'heure le Gouvernement maîtrise le calendrier.