Les expositions phares de Beaubourg ne prennent décidément pas grand risque depuis plusieurs années et, si l'on a naturellement rien à redire au sujet de cet artiste exceptionnel que fut Mondrian et du groupe étonnamment fertile que fut De Stijl, on songe qu'un peu d'originalité serait bienvenu dans la programmation du musée national d'art moderne !
Depuis la nuit des temps artistiques, l'ordre esthétique végétal et l'ordre esthétique minéral, le courbe et le géométrique, coexistent et se conjuguent. Au 20ème siècle, fauvisme et cubisme en furent les oriflammes. Par tâtonnement et au prix d'un labeur monacal de 20 ans, Mondrian en fit la plus équilibrée et la plus innovante des synthèses, sur des tableaux que, malgré leur talent, ni Van Doesburg ni Huszàr ne purent jamais égaler au sein du même mouvement.
Il est donc plaisant de pouvoir contempler une bonne cinquantaine de tableaux du maître, d'autant que les collections nationales sont d'une pauvreté affligeante en Mondrian. On rappellera au passage que, malgré sa présence en France durant plus de 20 ans, c'est à peine si nos musées détiennent trois ou quatre toiles de ce créateur majeur, s'étant fait au surplus refiler trois faux acquis à grand prix à la fin des années 1970 !
On relèvera aussi l'intérêt que présente l'exposition à Paris de plusieurs toiles de Bart Van der Leck, pionnier assez mal connu en France.
Pourtant, cette belle exposition, qu'il faut bien sûr recommander, laisse un vague parfum de frustration. Comment ne pas se dire qu'en consacrant ainsi pendant des mois son meilleur espace à des artistes ultra-célèbres et depuis longtemps adulés, morts et enterrés, nos bureaucrates de la culture ne sont pas en train d'ignorer les Mondrian d'aujourd'hui, qui peinent dans d'austères ateliers, loin du cirque médiatique et des fondations pleines aux as ?