Marcus Messner, notre narrateur raconte l’apprentissage de son adolescence dans une petite ville du New Jersey aux débuts des années cinquante : la boucherie Kasher de son père ouvrait à sept heures du matin, et on travaillait jusqu’à sept ou huit heures du soir. J’avais dix-sept ans, j’étais jeune, pleine d’allant et d’ardeur, et sur le coup de cinq heures, j’étais lessivé. Et pourtant, c’est peu de temps après qu’a commencé le combat mortel : Où étais-tu ? Pourquoi n’es-tu pas à la maison ? Comment puis-je savoir où tu es quand tu sors ? Tu es un garçon qui a devant lui un avenir magnifique ; comment puis-je savoir que tu ne vas pas dans des endroits où tu peux te faire tuer ? J’avais hâte d’être un adulte, instruit, mûr, indépendant.
Marky, nous retrace cette première année dans cette université du centre-nord de l’Ohio, une année qui fut la plus excitante et la plus affreuse de sa vie, une découverte d’un autre milieu, celui d’un bastion wasp, une sexualité insoupçonnée, éviter à tout prix cette conscription coréenne et son rêve, son ambition devenir avocat, un monde professionnel qu’il le mènerait aussi loin que possible du tablier puant et taché de sang. Une série de mésaventures, de décisions naïves, viendront changer les perspectives…
«Mais il n’y a personne à qui parler ; il n’y a que moi-même à que je puisse m’adresser pour parler de mon innocence, de mes explosions, de ma candeur, et de l’extrême brièveté de mon bonheur dans la première année où j’atteignis pour de vrai l’âge d’homme, qui fut aussi la dernière de ma vie. Le désir ardent d’être entendu, et personne pour m’entendre ! Je suis mort. Est-ce à cela que ça sert, l’éternité, à ruminer les menus détails de toute une vie ?» – La phrase imprononçable prononcée
Marcus Messner, 1932-1952 -, le seul de sa promotion à avoir eu la malchance de se faire tuer pendant la guerre de Corée.
Un vingt-neuvième roman de Roth, toujours égal à lui-même, explorant encore et toujours ses thèmes favoris, classe ouvrière juive, sexualité, religion, révolution, indignation. Un roman court, complet, malgré une critique mitigée, c’est toujours un grand plaisir de lire cette icône d’une littérature tout américaine.