Tempête dans un verre d’eau. Il a suffi que Manuel Valls appelle à « déverrouiller les 35 heures » pour que la désinformation s’enflamme.
On a inventé des désaccords à l’UMP entre Copé et Baroin, le premier disant que Manuel Valls a raison, le second que les 35 heures ont été dévitalisées depuis longtemps. Puis, ce fut le tour du PS pour sonner le soutien inconditionnel à Jospin, Aubry, DSK pour cette mesure « emblématique » de la gauche.
Même Gérard Filoche, en général plus inspiré, a fait un texte disant que les 35 heures existaient toujours puisque c’est la durée légale de travail. Honte à tous ces hommes et femmes politiques, car ils ont quelques fois raison, mais là où ils se sont unis tous ensemble, c’est pour bien désinformer les citoyens !
Commençons par Gérard Filoche. Il a raison de dire que la loi porte toujours comme durée légale la semaine de 35 heures. Mais la question est de savoir si cela suffit aux salariés, si ces derniers ne souhaitaient pas de « vraies 35 heures », c’est à dire sans toutes les lois de dévitalisation qui ont été réalisées depuis la première loi Jospin -Aubry-DSK. Car dès la deuxième loi Jospin-Aubry-DSK, des millions d’ouvriers et d’employés ont vu la diminution de leurs salaires. Cela a été suffisant pour « tuer les vraies 35 heures » ! Et cela explique en partie le désamour des couches populaires pour le candidat socialiste à la présidentielle de 2002 !
Disons-le clairement, pour un partisan de la république sociale, une diminution de la durée hebdomadaire du temps de travail ne doit pas être accompagnée d’une perte de salaires pour les couches populaires et pour la majorité des couches moyennes ! Sinon, c’est une mauvaise politique, qui ne bénéficie qu’aux classes moyennes supérieures qui préfèrent des RTT aux augmentations de salaire ! Ils seraient bon d’ailleurs que tous ceux qui ont participé à ce gouvernement y compris ceux qui se situent aujourd’hui dans la gauche antilibérale (Buffet, Mélenchon, notamment) parlent sur ce point !
La droite néolibérale a ensuite permis aux entreprises de négocier en interne le temps de travail pour contourner ce qui restait de la loi, puis a exonéré les heures supplémentaires ce qui parachève le détricotage des 35 heures. Le résultat est sans appel : « combien de salariés du privé travaillent seulement 35 heures aujourd’hui malgré le fait que la durée légale du travail est toujours de 35 heures ? » La moyenne de travail en France est de 39,4 heures de travail soit plus que l’horaire hebdomadaire voulu en 1981 par Mitterrand et Mauroy avec « la vraie loi » sur les 39H (sans diminution de salaire !). Qu’ils aillent au diable, ces désinformateurs de l’UMP qui nous “bassinent” sur la compétitivité de la France qui ne travaille pas assez. Qu’ils aillent au diable, ces socialistes qui nous font croire que les Français vivent bien grâce à cette loi ! La moyenne européenne de travail réel est de 40,4 heures de travail soit une heure de plus et la France a une durée de travail réelle annuelle plus élevée qu’en Allemagne.
Pire, aujourd’hui sont attachés aux lois sur les 35 heures, de nombreux avantages pour les patrons des PME-PMI et notamment les exonérations sociales et fiscales. Les patrons de PME-PMI sont donc pour le statu quo, car que signifierait pour eux la fin des 35 heures ? La suppression de la « subvention » de l’État qui supprime la majoration de 25 % pour les 4 premières heures supplémentaires. Donc même la droite ne changera rien à ce dispositif qui satisfait son électorat.
Nous pourrions également dire que toute cette politique réactionnaire depuis la deuxième loi Jospin-Aubry-DSK jusqu’à celle de la droite néolibérale est mauvaise pour les Français. Car s’il est vrai que la première loi Jospin-Aubry-DSK a permis la création de plus de 300.000 emplois dans les premières années et une augmentation de la productivité du travail de plus de 4 % (*), ensuite les effets de la deuxième loi Jospin-Aubry-DSK ont participé à la destruction des emplois qui avaient été créés alors et à la dégradation de la situation économique. La preuve, malgré les cadeaux pour les patrons donnés par la gauche de gouvernement et la droite au pouvoir, la part des exportations de la France de la zone euro est passée de 17 % en 1988 à 13,1 % aujourd’hui.
Nous avons vraiment besoin d’une période de révolution républicaine en France qui se concrétise dans une gigantesque campagne populaire tournée vers l’action dans les villes et les campagnes pour permettre à ceux qu’on n’entend pas de prendre la parole.
(*) pour arriver à une des productivités du travail parmi les plus élevés du monde.
(Sources : ResPUBLICA, Bernard Teper)