Un entretien avec Lucien Suel
par Sylvain Courtoux
Cet entretien n’étant plus disponible en ligne, Poezibao est heureux de le republier
Il a été réalisé par courriel et courrier pendant le second trimestre 2004..
Lucien Suel artiste total.
Animateur de revues, éditeur pour la Station Underground d’Émerveillement Littéraire, chanteur/bassiste dans le groupe de free-noise Potchük, performer et lecteur concret, mail-artiste, animateur radio, poète ordinaire et écrivain élémentaire, Lucien Suel n’arrête pas de se jouer et de déjouer les étiquettes pour notre plus grand plaisir.
Et l’on peut dire que, depuis 1978, Lucien Suel a bien fait son trou [1] dans la littérature contemporaine et plus particulièrement dans la sphère des poésies modernes et expérimentales, qu’elles soient visuelles ou sonores, concrètes ou justifiées.
Il fallait donc revenir sur son parcours dans l’écriture contemporaine, pour lui donner une place exemplaire dans la littérature poétique et expérimentale de notre époque.
Pourrais-tu, pour des lecteurs qui ne te connaîtraient pas, te présenter bio-biblio-graphiquement ?
J’ai pris l’habitude depuis un certain nombre d’années de déclarer que je suis un poète ordinaire. Au vu de certaines réactions et pour être clair, je profite de cet entretien pour préciser que le plus souvent, dans mon esprit, j’entends le mot ordinaire au sens étymologique. Je suis un poète qui range les choses par ordre.
Je suis né en 1948. J’appartiens donc à ce que François Ricard appelle La Génération Lyrique, les premiers nés du baby-boom. Je suis né à Guarbecque, village des Flandres artésiennes dans la vallée de la Lys. J’ai toujours vécu dans cette région et ces trois dernières années, je les ai occupées à construire de mes mains ma maison à quelques kilomètres de mon village natal, dans les Collines d’Artois.
J’ai commencé à m’intéresser sérieusement à la poésie pendant les années 70. En 1977, j’ai débuté une correspondance avec Claude Pélieu qui fut le seul poète français beat vivant aux États-Unis. C’est lui qui avec Mary Beach, son épouse, introduisit en France chez Christian Bourgois, les auteurs de la Beat Generation. Avec son soutien, entre 1979 et 1982, j’ai édité le magazine The Starscrewer dédié principalement à des auteurs de la Beat Generation et apparentés : Burroughs, Corso, Orlovsky, d.a. levy, Bukowski, et bien sûr, Pélieu... A la même époque, j’ai découvert le Mail Art grâce à la revue Doc(k)s animée par Julien Blaine. Je me suis immergé dans le réseau international du Mail Art que je continue à fréquenter aujourd’hui. Dans les années 80, j’ai produit des émissions (Le Ticket qui explosa, Bris-collage) sur Radio-Banquise à Isbergues, émissions consacrées à la poésie contemporaine, aux musiques indépendantes et bruyantes, aux collages sonores. J’ai collaboré à de nombreuses revues de poésie, notamment à La Poire d’Angoisse (textes, poèmes, graphismes, dessins, collages, chroniques) et à L’Invention de la Picardie où j’ai publié mes premiers poèmes en vers justifiés. J’ai créé la Station Underground d’Émerveillement Littéraire qui est devenue une maison d’édition (une trentaine de volumes publiés à ce jour) et j’ai inauguré mes premières performances et lectures en public.
De 1989 à 1999, j’ai édité Moue de Veau, une mini-revue dada-punk qui présentait poèmes express, poèmes trouvés, dessins idiots, poèmes visuels, collages instantanés. Plus de 150 poètes ont produit un numéro de la Moue de Veau qui avec 1111 numéros publiés jusqu’en 1999, constitue une sorte d’anthologie de la poésie élémentaire. En même temps, je pouvais aussi publier mes poèmes dans de nombreuses revues en France (Java, Action Poétique, L’Odyssée, Poézi Prolétèr, Le Jardin Ouvrier, Le Corridor Bleu, Doc(k)s, Boxon, ...). ou à l’étranger, notamment pour la poésie visuelle (Offerta Speciale, Italie, Industrial Sabotage, Canada, Brain Cell, Japon, Réparation de Poésie, Québec, Pintalo de Verde, Espagne, Tensetendoned, Skinny Chest, Alabama Dogshoe Moustache, Lost And Found Times, USA. Je mène une collaboration régulière avec le peintre et graveur britannique William Brown (décédé en 2008) avec qui je produis des portfolios.
J’ai aussi créé avec trois musiciens le groupe Potchük dans lequel je chante, hurle ou murmure mes poèmes.
Depuis 2000, j’ai multiplié les lectures publiques, performances poésie-action (Grenoble, Arras, Rennes, Strasbourg, Bruxelles, Maastricht, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Tourcoing, Caen, Angers, Périgueux, Swansea, Cardiff, Londres...). J’ai également été auteur en résidence, notamment à Rennes, au Triangle. J’ai animé des ateliers d’écriture, ce qui m’a permis d’acheter les matériaux nécessaires à la construction de ma maison. Les deux derniers projets en date sont la création de la revue Silo et la participation à "cheval23", dans lequel je scande mes poèmes accompagnés par la musique d’Arnaud Mirland.
Pour lire l’intégralité de cet entretien cliquer sur « lire la suite »
Je sais que tu as été, depuis le tout début de tes travaux d’écriture, très marqué par la vague des poètes et écrivains de la Beat Generation, quels sont les écrivains qui t’ont le plus influencé ou qui t’influencent toujours, beat ou pas, d’ailleurs, dont on peut retrouver une certaine marque dans tes textes ?
Tu as parfaitement raison. J’ai découvert en 1967 les auteurs américains de la Beat Generation (Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William Burroughs...). A cette époque, j’ai lu Howl de Ginsberg, Sur la Route et Les Clochards Célestes de Kerouac, Le Festin Nu et La Machine Molle de Burroughs. J’ai pu me procurer le Cahier de l’Herne que Dominique de Roux a consacré à Burroughs, Pélieu et Kaufmann. Ce cahier a été réédité depuis.
Avant d’influencer mon écriture, tous ces auteurs m’ont captivé et ont eu une influence sur ma vie, sur ma pensée. Parmi eux, ceux qui m’ont le plus influencé sont très certainement Jack Kerouac, dont je connais quasiment par coeur Credo et technique de la prose moderne, et William Burroughs chez qui la critique radicale de la société s’articule logiquement avec la technique d’écriture liée au cut up.
Bien sûr, j’admire beaucoup d’écrivains et d’artistes et nombreux sont ceux dont les oeuvres m’ont éclairé. Pour répondre justement à ta question, j’ajoute ici uniquement les noms de ceux dont on peut trouver une influence sur mon écriture, que ce soit dans le contenu ou dans la forme. Cette liste paraîtra peut-être disparate ou incohérente à certains, mais elle est sincère et je suis capable de la justifier. On y trouve les dadaïstes et notamment Kurt Schwitters et Hugo Ball, des auteurs classés "fin de siècle", surtout Joris-Karl Huysmans et Léon Bloy, des romanciers moralistes comme Louis-Ferdinand Céline et Georges Bernanos, des chanteurs comme Bob Dylan ou Don Van Vliet (Captain Beefheart) et d’autres, et d’autres...
Tu as commencé à écrire pendant l’avènement du grand chambardement punk, je sais que tu es un fan de Patti Smith ou de groupes comme les Buzzcocks, peux-tu nous dire comment la musique a envahi, informé tes textes, comment la musique a influencé ta manière d’écrire, dans la forme et dans le fond et quelles musiques justement, quels groupes ou artistes ?
C’est vrai que, sans parler de mes poèmes de jeunesse, édités dans le journal de l’École Normale d’Arras, j’ai publié mon premier poème en 1974 dans une revue qui s’appelait Beuark (un titre assez punk avant la lettre). Le poème était intitulé "cerveau trou roman-photos". Ensuite, j’ai publié la revue Starscrewer dont le titre vient d’une chanson des Fugs, un groupe créé par le poète Ed Sanders, fondateur du mouvement Yippie et dans lequel jouait aussi Vinny Leary, le fils de Timothy Leary. J’ai d’ailleurs consacré un numéro spécial de Starscrewer à la traduction en français des chansons des groupes et chanteurs punks de l’époque, Clash, Sex Pistols, Damned, Pere Ubu, Patti Smith, Richard Hell,Devo.
Étant gamin, mes premiers chocs artistiques sont venus de la musique, dans l’ordre, Elvis Presley (Jailhouse Rock), les Beatles (She Loves You), Les Rolling Stones (Satisfaction), Bob Dylan (Masters of War) et ensuite, Les Fugs, Captain Beefheart, Le free jazz, Etron Fou Leloublan, Catalogue (Jacques Berrocal) et bien sûr les Punks et la New Wave After Punk (Throbbing Gristle, Residents, Cabaret Voltaire, etc...).
Quant à savoir, s’ils ont influencé mes textes... je ne m’en rendais pas compte, jusqu’à ce que je monte sur scène (assez tardivement) que ce soit en solo, ou avec Potchük. Là, j’ai réalisé en en faisant le tri que j’avais écrit des poèmes qui pouvaient devenir des chansons rock, un rock déstructuré bien sûr, puisque passé par la moulinette dada ou cut up. Mais de toutes façons, le punk originel m’a toujours semblé être fils de Dada ou de Lautréamont.
Tu te définis comme « poète ordinaire », tu parles à propos de ton travail de « poésie élémentaire », tu as écrit un livre-hommage à l’abbé Lemire, créateur des jardins ouvriers, une de tes performances s’intitule « poésie concrète » ... pourrais-tu expliquer le terme de poésie élémentaire ? Et pourrait-on dire que ce qui lie toutes ces notions et attitudes, c’est une certaine vision et une certaine conception matérialiste, prolétaire (comme la revue du même nom auquel tu as collaboré) du travail de la langue ? Je sais aussi que tu aimes le bricolage (tu as construit ta propre maison) et le jardinage, que peux-tu nous dire de ces activités par rapport à l’écriture, n’y aurait-il pas une forme de continuité ?
L’élément, c’est ce qui résiste et ce qui résiste particulièrement à toute forme d’autorité qu’elle soit littéraire ou institutionnelle. Le poète ordinaire est d’abord le corps du poète ordinaire. Le poète ordinaire, c’est moi, mais c’est peut-être toi ou lui.
La langue me permet de spiritualiser la matière. La poésie est un travail. J’accepte le mot prolétaire uniquement dans ce sens de travailleur sinon ce serait malhonnête. Il y a sans doute solidarité car le monde dans lequel je vis a deux ennemis principaux, l’enfant et le pauvre. Je les rejoins dans la faculté d’émerveillement et dans la fatigue des muscles. Le travail physique nourrit mon écriture autant que les rencontres, qu’elles soient littéraires ou humaines. Quand je bêche la terre, quand je gratte, j’y trace des lignes, des signes. Je les trace dans l’espace, sur la terre, mais je les trace aussi dans le temps. Je répète les gestes de ceux qui m’ont fait, je les répète sous le même ciel. Je suis toujours conscient de ça quand je tends mon cordeau pour tracer la ligne du semis. Je lutte aussi contre l’entropie directement, en recyclant mes déchets, en recyclant aussi les mots et les images. Ceci n’a rien à voir avec la vie dans la nature. C’est une lutte. Je me bats continuellement, c’est sans espoir mais simplement je fais ce que je dois faire.
J’ai toujours cherché l’unité. J’ai toujours refusé de hiérarchiser mes activités. J’ai autant de satisfaction à avoir produit tel ou tel livre que je peux en avoir en me remémorant l’espèce de jungle à la place de laquelle s’élève maintenant ma maison. Je connais tous les mots, je connais toutes les pierres. Je ne suis pas un spécialiste. Je résiste.
Peux-tu nous parler de tes techniques d’écriture : cut-up, fold-in, le cut-off des Poèmes express, la justification etc. ? Par laquelle des techniques as-tu commencé, lesquelles ont ta préférence encore aujourd’hui et que peux-tu nous dire de cette passion des formes, de cette passion des contraintes formelles qui, des ‘vers justifiés’ aux ‘formes arithmogrammatiques’, animent ton travail de poète ? Est-ce que tout travail d’écriture, tout travail sur la langue doit pour toi nécessairement passer par un travail sur les formes ?
J’ai commencé à utiliser le cut-up en 1972 immédiatement après avoir découvert les livres de Burroughs, notamment La Machine molle et Le Ticket Qui Explosa. Avant de le considérer comme une forme, je l’utilisais d’abord comme un moyen de lutte contre le contrôle impérial et aussi comme un moyen de connaissance, de révélation. J’avais la sensation qu’en autopsiant le langage, en charcutant les textes, je faisais surgir une parole plus vraie que le brouet médiatique qui commençait déjà à proliférer à cette époque.
J’ai toujours été ennemi de la systématisation et assez vite, j’ai cherché d’autres moyens d’écrire. Petit à petit, j’ai mis au point des dérivés du cut-up, soit réfléchis, soit produits par les rencontres inopinées à l’intérieur de mes diverses activités. Par exemple, la rencontre entre la paire de ciseaux et la machine à écrire m’a amené à la justification. Le texte original est modifié, travaillé non plus par le ciseau mais par la mise en forme de colonne. Le fait de compter les signes typographiques (c’est ce que j’appelle l’écriture arithmogrammatique) amène des changements dans le texte original, des faux équivalents, des déplacements de segments, une production générée par la mécanique et plus seulement par l’imagination ou le hasard.
En mêlant à des degrés divers toutes ces pratiques, j’arrive à produire des formes adaptées à mes objets d’intérêt. Ces formes sont à la fois des contraintes et de possibilités de libération. Ainsi, j’ai fait entrer toute la vie d’un homme (l’abbé Lemire) dans un poème en 42 épisodes. Chaque page présente deux colonnes de douze tercets disposés symétriquement et offrant l’aspect visuel, au choix, d’un jardin potager, de l’intérieur d’une église ou d’un cimetière militaire. Tous les vers de même longueur comptent 22 signes typographiques. Le poème trouve son accomplissement dans une parfaite adéquation entre forme et sujet. J’ai conscience que cela peut paraître paradoxal, partir d’une activité destroy comme le cut-up pour arriver à la production d’un ouvrage à la facture on ne peut plus rigoureuse.
C’est ainsi et en même temps, puisque je ne veux me priver de rien, je continue de pratiquer le cut-up et aussi le ready-made (poème trouvé), le poème express et le détournement, pour la satisfaction d’attaquer les discours imposés, qu’ils soient ceux du pouvoir ou ceux de ses contestataires qui utilisent les mêmes schémas de pensée... je détruis et je construis. C’est ma liberté.
La pratique régulière et continue de ces formes d’écriture engendre bien sûr des automatismes. Aussi, régulièrement, je brise à mon tour ces formes, cette répétition de contraintes. Sans fin, j’essaie de fabriquer de nouveaux outils, sans abandonner les outils existants. Le but est inatteignable mais j’avance en gardant les poings serrés pour ne rien laisser échapper.
Tu es d’une génération qui a fortement ancré son travail dans une conception de l’histoire générale de l’avant-garde, ce qui passait souvent par la constitution de revue-groupe, que ce soit les poètes sonores/actions autour de Bernard Heidsieck ou de Julien Blaine ou les poètes des revues TXT (autour de Christian Prigent), Manteia, Promesse, tout ça autour de la revue-mère Tel Quel etc. Or toi, tu n’as, à ma connaissance jamais fait partie d’aucun groupe, à part ta participation à la nébuleuse des mail-artists, on sentirait plutôt chez toi comme une méfiance, une défiance face aux groupes en tous genres, une attitude plutôt de franc-tireur absolu faisant fi des modes et des courants, faisant fi des jeux de chaises musicales du pouvoir, de l’entrisme axiomatique ou de la putasserie stratégique. Ta non-appartenance à un groupe se faisait-elle chez toi de manière absolument consciente ? Qu’est-ce qui t’a poussé à ne faire partie d’aucun groupe, d’aucune chapelle et à ne pas suivre donc les paradigmes esthétiques dominants ? Est-ce encore vrai ou y a-t-il des courants, des groupes, des artistes desquels tu te sens maintenant plus proche ?
J’ai toujours été assez sceptique sur la portée réelle de l’activité artistique. Je garde néanmoins à l’esprit ces quatre mots qui sans doute me guident : mémoire, résistance, vision et humour. Je suis encore souvent au bord de l’auto-dérision et dans le même temps, j’ai toujours placé ma liberté au-dessus de tout. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours évité l’adhésion à un groupement. Ma tendance à l’autonomie me fait fuir les organisations structurées même et surtout quand elles ont pour but l’obtention d’une plus grande liberté. Tous les exemples prouvent que le groupe finit invariablement par susciter un chef, des épigones et des exclus.
C’est vrai que je participe au mail art network depuis plus de 25 ans maintenant, mais ce type de réseau est réellement démocratique. C’est d’ailleurs le seul que je connaisse ainsi dans le domaine artistique.
Je ne veux pas reconstituer à l’intérieur d’un syndicat de poètes une forme que je vitupère chez les marchands et les politiciens.
Par ailleurs, mon attachement à la mémoire et ma vision du temps comme une tapisserie m’empêchent sans doute d’être absolument moderne...
Mais si je fuis les manifestes et les groupes constitués, je reste très sociable et très attentif. J’accepte volontiers de fréquenter les individus. Beaucoup de ceux que tu cites dans ta question sont d’ailleurs des amis avec qui je corresponds ou avec qui j’ai participé à des lectures publiques ou des performances.
De même que je ne veux me priver de rien dans le domaine des activités humaines, je ne veux pas non plus choisir une école ou une chapelle qui m’empêcherait d’apprécier ce qu’il peut y avoir d’excitant ou de simplement beau dans un autre école, une autre chapelle. C’est pourquoi je me sens à l’aise avec beaucoup de personnalités différentes et parfois antagonistes du milieu littéraire. J’ai conscience d’appartenir non pas à des groupes mais à des réseaux différents et j’ai cette idée d’être un point de croisement.
J’ai beaucoup d’amis dans le milieu de la poésie sonore, de la performance, mais je suis aussi lié à des membres de l’Oulipo qui se sont intéressés à mes expérimentations dans le domaine des contraintes numériques. Tout ceci va de pair avec les diverses formes que prend mon écriture, mon activité poétique. Je peux un jour faire une lecture publique dans mon village et intéresser, émouvoir les habitants et participer le lendemain au Polypoetry festival de Maastricht avec Jaap Blonk, Fernando Aguiar, Rod Summers, Enzo Minarelli et d’autres poètes internationaux. J’essaie de garder tout ouvert, les yeux et les portes.
Tu dis plus haut que « [ton] attachement à la mémoire et [ta] vision du temps comme tapisserie [t’] empêchent d’être absolument moderne ».
Qu’est-ce qu’être alors moderne pour toi ? Sachant que dans les années 70 tu as fortement été marqué par les auteurs américains de la Beat Generation, paradigme qui était à cette époque éminemment moderne (voir la place de Burroughs dans les revues d’avant-garde française comme Tel Quel ou TXT), bien plus moderne et moderniste par exemple que le ronronnement poétique Charien ou de l’école de Rochefort. Ce que l’on peut voir aussi actuellement chez beaucoup de jeunes auteurs de Christophe Fiat à Jérôme Bertin qui semblent tous, à leur manière, faire retour et lorgner fortement sur ces mêmes auteurs américains et sur Burroughs notamment.
Je ne peux imaginer d’écrire aujourd’hui sans tenir compte de ce qui fut écrit dans les temps passés, d’autant qu’avec les procédés du cut-up, du sampling, la présence d’internet comme énorme masse de données ou énorme poubelle, on peut remettre en lumière, re-mixer, amener à la lumière des pépites oubliées. Ainsi, j’avoue avoir pris récemment un grand plaisir à lire les Géorgiques de Virgile.
Aujourd’hui, tout est moderne. Aujourd’hui, tout est conforme. L’esprit bourgeois moderne, qu’il soit bourgeois de droite libéral socialiste, ou bourgeois de gauche socialo-libéral constitue une pensée unique. Elle contamine toute la planète grâce à la puissance de l’image qui transforme les humains en robots spectateurs de leur pseudo-vie.
Pour rester un être humain, libre et responsable, individualiste et universel tout à la fois, il faut faire preuve de courage. D’une manière qui peut sembler paradoxale, je pense qu’être moderne, c’est lutter contre la modernité obligatoire et démasquer tous les maîtres à penser qui se dissimulent sous les oripeaux de la bonne conscience autoproclamée.
Il n’est pas dans mes habitudes de faire de telles déclarations, mais la confusion me paraît telle que j’ai besoin de dire certaines choses pour m’assurer que je suis encore libre et vivant.
Quand j’ai commencé à écrire, j’ai découvert ces écrivains venus d’Amérique qui réagissaient en poètes à la mainmise de l’économie et de l’idéologie du progrès sur la vie. Ils le faisaient sans ressentiment, affirmant simplement leur possibilité de créer.
Dans le cas de Burroughs, il y avait aussi la mise en oeuvre d’une technique pour combattre de manière tranchée le discours imposé par la technique. Le cut-up est à la fois une arme offensive et un moyen de création. Je dois reconnaître qu’une part de mon travail est aussi de façon cachée, une manière de critiquer, voire de parodier certains procédés modernes de la soi-disant avant-garde, entre virus et cheval de Troie.
Je pense que les revues d’avant-garde française de l’époque ont voulu enrôler Burroughs dans un combat politique passéiste et sans issue qui ne le concernait pas vraiment. Burroughs luttait contre tous les discours. Il est resté fidèle à lui-même jusqu’à la fin de sa vie. Des gens comme lui ou, dans un autre domaine comme Sun Ra, sont exceptionnels. Lisant récemment deux de ses derniers ouvrages « Mon éducation, un livre des rêves » et « Ultimes paroles », j’ai été frappé d’y retrouver deux fois cette assertion qui devrait paraître très réactionnaire aux beaux esprits de notre époque : « Les scientifiques ne m’inspirent qu’un profond dégoût. Je préfère de loin un prêtre averti et cultivé... à un vieil abruti pétochard, éternellement planqué dans les chiottes d’un univers condamné. »
Suite à cette influence américaine, il y a eu, toujours dans les années 70, un fort courant beat français autour du Soleil noir ou de poètes comme Michel Bulteau ou Matthieu Messagier. On peut d’ailleurs se demander si ce n’était pas plutôt une lecture post-surréaliste de la Beat Generation ?
J’aimerais savoir ce qui t’éloignait ou te rapprochait de ces poètes du Manifeste électrique et plus globalement qu’en était-il de ta position face à ce néo-surréalisme quand tu commences à écrire ?
J’ai très vite pensé que le surréalisme était une déviation de Dada dont la charge de révolte continue malgré cette confiscation, à porter des fruits après plus de 70 ans (mail art, Fluxus, punk...) Le surréalisme, lui, ne pouvait pas continuer après la mort de son fondateur. Le néo-surréalisme est certainement davantage un discours sur le surréalisme qu’une continuation du mouvement.
Ce qui à l’époque m’a intéressé chez les poètes du manifeste électrique, c’est la notion de vitesse, d’urgence. Elle s’est d’ailleurs traduite sur le plan sonore par des incursions dans le domaine du rock, notamment avec Mahoganny Brain. L’influence et le patronage de Pélieu et Burroughs étaient également déterminants. J’étais plus réservé concernant la veine ésotérique qui marquait certains participants au mouvement.
Tu as raison de parler d’eux en tant qu’épigones du surréalisme. Toutefois, quelqu’un comme Matthieu Messagier représente un cas particulier. Il a une vraie vision, un langage et une forme, qui ne relèvent pas de la simple écriture automatique. Je continue à le lire avec un grand intérêt. Sans doute aussi à cause de son intégrité.
Pour revenir à cette notion de modernité et des auteurs actuels, c’est vrai que Christophe Fiat, que j’ai vu récemment en public, travaille à démonter les clichés du rock and roll et de la poésie d’avant-garde. Son approche de Burroughs n’est pas hagiographique. Il prend de vrais risques avec un humour glacial.
On peut dire qu’une de tes tâches les plus spectaculaire fut durant 25 ans la création et l’édition de revues (STARSCREWER , MOUE DE VEAU, et la petite dernière SILO - un seul numéro pour l’instant) et de livres ou plaquettes dans LA STATION UNDERGROUND D’EMERVEILLEMENT LITTERAIRE (élongation de S.U.E.L., maison fondée sous loi 1901 en 85) de Pélieu, de Burroughs, de Bukowski et j’en passe... Quel était ton désir (ou tes désirs) au départ dans la perpétuation de la revue Starscrewer ? Dans la création de la Station Underground (et comment cette maison fonctionnait-elle : qui y as-tu publié, comment se faisait la distribution, est-ce que tu as eu des ‘best-sellers’ ?) ? Dans la création du work in progress Moue de Veau ? Ou encore maintenant la petite dernière Silo (une revue je crois plus particulièrement dédiée à la Beat Génération ?) ?
Et deuxièmement peux-tu nous raconter, nous parler de cette revue si particulière qu’était la Moue de Veau, son titre, ses auteurs, sa forme etc. ?
En 1971, j’ai séjourné à Amsterdam. C’est là que j’ai découvert les journaux underground comme Oz, It, Suck, Fox... Ce qu’on appelait alors la contre-culture se développait aussi en France, et un jour, début 1973, dans le magazine Actuel, qui était à cette époque une caisse de résonance pour le mouvement général de contestation, avant qu’il ne devienne dans les années 80, nouveau et intéressant (sic), je tombai sur une petite annonce pour un magazine appelé Starscrewer, édité (ronéoté) en Dordogne par Bernard Froidefond. Cette rencontre fut déterminante. Dans l’année 1973, Bernard Froidefond publia 6 numéros de son magazine, dans lequel on pouvait lire Pélieu, Ginsberg, Orlowsky, Dylan, Captain Beefheart, les Fugs, Bukowski, Timothy Leary, Gregory Corso, Carl Weissner, Daniel Biga et bien d’autres. Je m’abonnai aussitôt à cette revue.
A cette époque, dans un idéal de liberté et d’autonomie, je souhaitais vivre à l’écart de la société de consommation industrielle établie. Rêvant d’artisanat, de communauté, de libre expression, j’expérimentais, j’apprenais ce qui me semblait nécessaire, et particulièrement aussi dans le domaine du livre et de l’imprimerie. Un ami de Boulogne-sur-Mer m’enseigna les rudiments de la sérigraphie. Je m’essayai à la fabrication du papier. Je participai à un stage de reliure.
Bernard Froidefond avait abandonné la publication de Starscrewer en 1974, après avoir bu un bouillon financier (1200 exemplaires du n° triple 4, 5, 6 sur les bras, et la facture d’imprimerie offset). Pour ma part, ayant réfléchi plus longuement, j’avais oublié mes idées de retraite dans la montagne d’Ardèche. Je voulais publier une revue de poésie et en 1977, j’ai demandé à Froidefond la permission de reprendre son titre pour en faire une nouvelle série. Je pensais qu’il y avait encore à creuser ce domaine de la Beat Generation, une poésie du monde et du quotidien, d’où l’expérimentation et l’aventure n’étaient pas absentes, et aussi une poésie qui réagissait contre la culture dominante, sans ressentiment, en célébrant la vie.
Bernard Froidefond m’accorda sa bénédiction et me mit en relation avec les principaux revuistes et poètes français de l’époque, notamment Claude Pélieu, Charles Dreyfus, Jean-François Bory, Julien Blaine, Bernard Heidsieck, Jacques Donguy, Joël Hubaut... J’ai publié le premier numéro (en fait, le n° 7) de Starscrewer en janvier 1978, juste après la mort d’Elvis Presley. Au sommaire, il y avait Burroughs, Bukowski, Weissner, Pélieu, Corso. Je publierai 8 numéros de la revue, notamment un spécial poésie franco-faune avec les Québécois : Lucien Francoeur, Paul Chamberland, Josée Yvon et Denis Vanier, les Belges : Jean-Pierre Verheggen et Daniel Fano, les Français : Claude Pélieu, Jacques Donguy, Guy Benoît, Alin Anseeuw, Marc Villard et Alain Jégou,... Il y aura aussi le n° 11 en collaboration avec Henry Meyer, à Lausanne, un numéro spécial punk, avec les textes traduits en français des chansons des Clash, Sex Pistols, Damned, Pere Ubu, Richard Hell, un long poème inédit de Patti Smith, etc... Le tirage de ce numéro de 500 exemplaires fut épuisé en moins de trois mois ! Le dernier numéro de Starscrewer est paru en mars 1981.
Je n’avais publié des textes de moi que dans le n° 12 de la revue. Après la fin de Starscrewer, j’ai commencé à collaborer à de nombreuses revues de poésie, en particulier La Poire d’Angoisse de Didier Moulinier à Périgueux et, dans le Nord, Le Dépli Amoureux de Dan & Guy Ferdinande, sans oublier à Amiens, L’Invention de la Picardie de Pierre Ivart.
En 1985, je crée avec ma femme, une association selon la loi de 1901. Cette association appelée Station Underground d’Émerveillement Littéraire (pour l’acrostiche) a pour but déclaré, la promotion de la lecture et des arts, ce qui lui permet une activité éditoriale. Fidèle à mes idées d’autonomie et de liberté, et ayant maintenant écrit suffisamment de choses pour publier un premier recueil, j’ai profité de la vulgarisation des ordinateurs et des photocopieurs pour fabriquer, en 1988, mon premier livre, Sombre ducasse, à l’enseigne de la Station Underground d’Émerveillement Littéraire. La maison d’édition était née. Je trouvais là l’occasion d’utiliser les outils et les compétences que j’avais pu développer en amateur dans mes activités de relieur et de sérigraphe, notamment pour l’impression des couvertures et l’assemblage des feuilles, et aussi approfondir l’expérience acquise dans la mise en page de la revue.
Lorsque je me suis rendu compte qu’il était impossible de trouver un éditeur important qui accepte de publier de la poésie, je décidai d’officialiser la chose et j’obtins de l’A.F.N.I.L., en 1992, un numéro d’éditeur et une liste de 100 n°s ISBN. Je ne voulais pas faire uniquement de l’auto-édition. Cela faisait maintenant une douzaine d’années que j’avais abandonné Starscrewer et je savais que les textes que j’avais publiés et traduits pouvaient maintenant trouver une nouvelle vie et des nouveaux lecteurs. C’est ainsi qu’est née la Collection du Starscrewer. J’ai fabriqué des petits volumes avec les textes de Burroughs, de Bukowski, d’Orlovsky autrefois publiés dans Starscrewer. C’est d’ailleurs ainsi qu’un lecteur, musicien, Arnaud Mirland, découvrant la force et l’actualité du Poème sur la Mort d’un Monastère de Banlieue par d. a. levy (poète américain de Cleveland mort en 1968) a composé un environnement sonore et musical de ce poème, travail qui a débouché sur une création théâtrale mêlant, musique, lecture, vidéo et danse.
Les circonstances et les rencontres autour de la Station Underground d’Émerveillement Littéraire m’ont également incité à y accueillir des textes inédits de poètes contemporains (M. Champendal, J. Beynon, C. Tarkos,...) Autre exemple : étant donnés mes nombreux contacts aux États-unis par le biais du Mail Art, L’U.F.R. d’anglais de l’université de Lille III m’avait demandé de préparer une anthologie de la poésie visuelle en Amérique du Nord. L’université ayant abandonné sa motivation en cours de route, j’ai décidé de publier moi-même cette anthologie au sein de la Station Underground d’Émerveillement Littéraire.
Il y a donc, en gros, à la Station Underground d’Émerveillement Littéraire, trois types de livres : ceux de la Collection du Starscrewer, mes propres ouvrages et les coups de coeur de l’éditeur.
Ainsi, petit à petit, la Station Underground d’Émerveillement Littéraire est devenue une modeste mais véritable maison d’édition. Depuis 1988, 35 livres y ont été publiés.
Le nombre d’exemplaires vendus varie, selon les ouvrages, entre 100 et 500. Les plus diffusés (entre 300 & 500 exemplaires) ont été dans l’ordre, Le nouveau bestiaire (L. Suel & W. Brown), Memento matamore (L. Suel), Les dérivées (L. Suel), Prose du Ver (L. Suel), Le temps des assassins (W. S. Burroughs) et Bouffe la poussière, chien menteur (C. Bukowski).
Toutes éditions & tous titres confondus, c’est plus de 6000 exemplaires qui me sont passés dans les mains puisque je les fabrique entièrement à toutes les étapes : saisie du texte (et parfois traduction), mise en page, fabrication de la maquette, tirage en photocopie, pliage, façonnage, assemblage, collage, couture, massicotage, emballage et distribution. La diffusion se fait en majeure partie par correspondance, grâce à l’envoi du catalogue suivant un fichier qui s’est constitué au cours des années par ma pratique des revues, du mail art, des lectures publiques, des différents salons de poésie... Les livres sont aussi disponibles dans quelques librairies.
Ayant des responsabilités familiales, j’ai toujours voulu que l’activité éditoriale s’autofinance. De ce point de vue, la Station Underground d’Émerveillement Littéraire fonctionne bien, puisque les frais sont entièrement couverts par les ventes. L’association est à but non lucratif et les bénéfices recueillis servent à fabriquer de nouveaux livres. L’édition se fait toujours à compte d’éditeur.
Entre 1999 et 2003, nous avons dépensé énormément de temps et d’énergie dans la construction de notre maison d’habitation, abandonnant quelque peu les activités de la maison d’édition. Ce travail achevé, la Station Underground d’Émerveillement Littéraire retrouve de la vigueur avec de nouveaux projets : parution prochaine dans la Collection du Starscrewer de l’ouvrage de Jack Micheline, Un fleuve de vin rouge, (Ce recueil avait été publié en 1958 avec une préface de Kerouac. Jack Micheline était un street-poet, ami de Charles Bukowski), réimpression de tous les livres indisponibles, édition d’un recueil d’aphorismes et de dessins de Les Coleman, nouvelle édition du Poème sur la mort d’un monastère de banlieue, incluant un CD-ROM avec la musique d’Arnaud Mirland et des images du spectacle. De plus, la Station Underground d’Émerveillement Littéraire édite désormais la revue littéraire SILO dont le n°1 est paru en janvier 2004.
SILO n’est pas spécialement dédié à la Beat Generation même si le n°1 contient des textes importants de ce point de vue avec notamment l’hommage aux disparus (Kerouac, Ginsberg, Burroughs, Corso) et le témoignage de Ianthe Brautigan sur son père. En fait, ayant cessé d’éditer une revue en 1998, j’avais accumulé, stocké tout un ensemble de matériaux depuis ce temps, traductions, exhumations, nouveaux projets. J’en écoulais quelques-uns dans des revues amies, notamment Le Jardin Ouvrier de Pierre Ivart, mais fin 2003, celui-ci cessant ses activités, j’ai décidé de publier SILO, nom choisi pour la référence au stockage, à l’entassement, au jardin et aussi au côté stratégique offensif de l’affaire. SILO sera à l’image de la Station Underground d’Émerveillement Littéraire une production personnelle ouverte, subjective, non-conforme. (Depuis 2005, Silo est devenu un blog [2])
Venons-en maintenant à Moue de Veau (1989-2000).
Ne confondons pas le mou masculin et la moue féminine. Un veau qui fait la moue n’est pas forcément mou.
Le n° 0001 porte la date du 2 janvier 1989. Il s’agissait de créer un organe de presse portant le titre contrepétant de Moue de Veau, titre induisant les 3 orientations suivantes : un contenu à base de déchets, un regard dubitatif sur le monde et une mise à l’honneur du veau sous toutes ses formes. Les autres caractéristiques du magazine étaient : impression en photocopie N & B sur une feuille A4 (80g) recto/verso, feuille ensuite pliée, agrafée et massicotée au format A7 (16 pages), rythme de parution aléatoire, tirage de 23 exemplaires non numérotés, avec cette précision que seuls les exemplaires affectés d’un numéro nombre premier (exemples : 1, 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23,...,109) seraient tirés à 23 exemplaires, les autres (exemples : 4, 6, 14, 200, ...) seraient des exemplaires uniques. Chaque numéro devait préciser le titre : Moue de Veau, le prix (1 centime) et la date. Il ne serait jamais fait mention de l’adresse, ni du nom de l’éditeur. Aucun dépôt ne serait fait, que ce soit à la Bibliothèque nationale, à la Bibliothèque de Lille ou à celle de France. La parution devait s’arrêter avec le n° 1000.
Dans mon esprit, la publication de Moue de Veau répondait à l’idée de produire quelque chose qui soit non rentable, inefficace, engendrant une « perte » de temps, un objet « culturel » à rebours de l’ambiance dominante basée sur l’efficacité, le profit, la reconnaissance et le prestige. D’où le titre, ridicule, le tirage, infinitésimal, le format, minuscule, le prix, dérisoire et le contenu, majoritairement abruti...
Il a été publié quatre types de numéros :
1. D’abord, les exemplaires uniques à base de collages, de tampons, de dessins, de poèmes express, de poèmes trouvés, de coloriages. Ils sont toujours de ma fabrication.
2. Ensuite, la collection de l’Anthologie Permanente du Veau qui rassemble des phrases prises dans la littérature mondiale. Ce sont toutes les phrases qui comportent le mot VEAU. La collection comprend une majorité de phrases dans lesquels le mot VEAU figure en français, mais il m’est arrivé d’en publier dans d’autres langues, en particulier en anglais, et même en latin. Les phrases appartiennent dans la majorité des cas à des ouvrages que j’ai lus, mais il est arrivé que spontanément, des lecteurs de Moue de Veau me fassent part de leurs découvertes que j’ai alors intégrées à l’anthologie. La série de l’anthologie du veau dans la littérature mondiale comprend 23 veaulumes rassemblant 223 citations. (format A6, 8 pages à partir du veaulume 9).
3. En ce qui concerne les autres numéros spéciaux, je leur attribuais ce qualificatif dans la mesure où le contenu de ces numéros formait une entité remarquable. Cela pouvait être le texte d’un seul auteur (par exemple, la réédition dans le n° 139 du poème de Maurice Magre, la bouchère nue), la liste annuelle des nominés du grand concours international Moue de Veau, un recueil de dessins idiots, un ensemble de poèmes trouvés, etc...
4. Enfin, à partir du 8 février 1996, n° 619, les numéros ordinaires ont chaque fois été fabriqués par quelqu’un (un auteur ?, un artiste ?) de différent, cette personne étant choisie parmi les correspondants de la revue. Un modèle unique de maquette était proposé à la créativité des personnes choisies. La maquette reçue à la rédaction se voyait attribuer un numéro et une couverture. Le numéro terminé était tiré à 23 exemplaires. La personne qui l’avait réalisée recevait en retour trois exemplaires de la revue, un exemplaire de son numéro ainsi que l’exemplaire précédant et celui suivant le sien. Cette nouvelle formule offrait le double avantage de favoriser l’expression et la rencontre entre différentes personnes.
Le n° 1000 a été publié le 9 juillet 1996. La moue eût dû cesser. Mais devant le succès de la formule et emportée par un élan (sans moue) vigoureux, il fut décidé de la continuer jusqu’au n° 1111. Cela se fit en inversant la règle de numérotation. A partir du n° 1000, seuls les numéros affectés d’un nombre premier furent des exemplaires uniques, les autres étant diffusés à 23 exemplaires. Par ailleurs, chaque participant recevait son exemplaire, le numéro précédent et une copie de la maquette, lui permettant, s’il le souhaitait, de diffuser plus largement sa propre moue. Le n° 1111 a été publié le 11-11 1998. Six numéros hors-collection (maquettes parvenues tardivement) ont encore été publiés ensuite.
La liste des destinataires a varié en fonction de l’humeur de l’expéditeur, de l’absence de réponses, éventuellement de la mort de certains destinataires. Depuis la parution du n° 503, il n’existait plus de liste privilégiée de destinataires. Les 23 exemplaires étaient alors distribués de façon aléatoire. Les exemplaires uniques ont toujours été distribués de cette manière, la plupart du temps dans le réseau d’Art Postal.
Voici quelques titres de numéros spéciaux : n°37 Tontologie, n°67 Coupe Faux Découpe jour, n°79 Poèmes trouvés, n°83 Portraits en pied(s), n°109 Combat de femmes (Maurice Magre), n°139 La bouchère nue (M. Magre), n°167 Tiercé à Vincennes, n°173 Liste des nominés au 1er grand concours international Moue de Veau, n°181 Les tuyaux des soeurs Vatard, n°193 Les aventures du lapin & les aventures de la souris, n°197 Les aventures du navet, n°223 Hommage à WSB, n°227 Service de la poésie, n°241 Ceci est une pipe, n°263 L’évidence du ventre, n°283 La patrie lapinesque, n°313 Les astronomiques (MarcusManilius), n°331 La peau & les mots (L. Poirel & P. Chicon), ...
Voici la liste complète des auteurs ayant publié dans Moue de Veau de janvier 1989 à février 2000 (en gras, ceux qui ont réalisé leur propre numéro) : A. Druelle & A.J. Boya d’Agen & Aimé Lauzière & Alain Gibertie & Alan Sillitoe & Albert Paraz & Alexandre Soljenytsine & Alexandre Vialatte & Alfred Delvau & Alina Reyes & Allen Ginsberg & Alphonse Allais & Amos & André Damien & André Frédérique & André Frossard & André Georget & André Malraux & André Plume & Anne King & Anthony Geffroy & Antoine Cupial & Antonio Amato & Antonio Pizzuto & Antunis Arantes & Aquilea C. & Arki Melandri & Armand Vivier & Arnaud Mirland & Arthur Upfield & Ashley Parker Owens & Aude Picard-Wolff & Barry Edgar Pilcher & Baudhuin Simon Pig Dada & Beb & Benjamin Péret & Benoît Delaune & Bertolt Brecht & Bertrand Binois & Bret Easton Ellis & Bruce Benderson & Bruno Cattafesta & Bruno Lacaussague & Bruno Richard & Bruno Sourdin & Cabu & Camille Lemonnier & Carmine Mangone & Caroline Scherb & Cécile Suel & Cédric Bodel & Céline Gaillot & César Figueiredo & Charles Bukowski & Charles Pennequin & Charles Runyon & Charles Vildrac & Chris. P. & Christian Alle & Christian Benes & Christian Déquesnes & Christian Leroy & Christiane Rochefort & Christophe Gence & Christophe Petchanatz & Christophe Schmitt & Christophe Tarkos & Christophe Wattel & Colette Ruch & Claude Mauriac & Claude Pélieu & Claude Seyve & Clément Marot & Clément Pansaers & Commerson & d. a. levy & Daniel Daligand & Daniel Thürler & Danielle Bouchery & Danilo Kis & David Brown & De Groot & Diana Ramsay & Diane Bertrand & Didier Moulinier & Dimitri Panine & Dominique Joly & Dr Speed & Dr. Jean-Paul Courtan & Edna O’ Brien & Emile Zola & Emmanuelle Bastien & Ensemble Vide & Eric Adam & Eric Dochez & Eric Giraud & Erich Von Neff & Ernest Hello & Eugène Chavette & Eugène Ionesco & Eva David & Ever Arts & Flannery O’ Connor & Franc-Nohain & Francis André & François Bladier & François Coppée & François Huglo & François Salignac De La Mothe Fénelon & Françoise Lefebvre & Frank Kane & Fré-Pomp Liégeois & Friedrich Gorenstein & Gabriel Rémy & Galsan Tschinag & Gary Larson & Gaston Leroux & Geo Norge & Geof Huth & Georges Bataille & Georges Bernanos & Georges Filloux & Georges Perros & Gerald Jupitter-Larsen & Gerard Barbot & Gérard Lemaire & Gérard-Gailly & Germaine Acremant & Giordano Genghini & Giorgio de Chirico & Grimod de La Reynière & Guillaume Marien & Günther Ruch & Gustave Flaubert & Gustave Kahn & Guy Bleus & Guy de Maupassant & Guy Ferdinande & Hans Jacob Christoffel von Grimmelshausen & Henri Duvernois & Henri Michaux & Henry Miller & Henry-David Thoreau & Hervé Brunaux & Hervé Leforestier & Hugo Ball & Hugo Claus & Ioan Bunus & Ivan Bounine & Ivar Ch’Vavar & J. E. Fovez & Jaanak & Jack Kerouac & Jacques Fournier & Jacques Lucchesi & Jacques Maritain & Jacques Massa & Jacques Prévert & Jaime Semprun & James Aswell & James Caïn & James Welch & Jas W Felter & Jean Amila & Jean Douassot & Jean Dupuy & Jean Guitton & Jean-Bernard Durupt & Jean-Bernard Pouy & Jean-Bruno Renard & Jean-François Bergez & Jean-François Robic & Jean-Marc Baillieu & Jean-Patrick Manchette & Jean-Pierre Bobillot & Jean-Pierre Ferrière & Jean-Pierre Patate & Jean-Pierre Poupas & Jean-Robert Rémy & Jim Harrison & Jim Thompson & Jo Parano & João Guimarães Rosa & Joe Ryczko & Joël Durand & JNP & Joh. W. Glaw & Johan Van Geluwe & John Fante & John M. Bennett & Joris-Karl Huysmans & Josef Winkler & Joseph Delteil & Joseph Palmer & Julien Blaine & Jürgen Kierspel & jw curry & Katy Molnàr & Keith Breese & Kenneth Patchen & Knut Hamsun & Konrad Schmitt & Kurt Vonnegut & L. Diehl Williams & L’épongistes & La Fourmilière & Lamberto Lambi-Caravitta & Lancillotto Bellini & Léon Bloy & Léonce Bourliaguet & Le Rat & Lois Klassen & Louis-Ferdinand Céline & Lucia Andriotto & Luciano Olivato & Lucie Poirel & Lucien Suel & Lucien Wasselin & M. Artchison & M. Dammann & M. Lewis & M.B.I.S.A. & Magalie Birgy & Maj Sjöwall & Malachie & Malcolm Parr & Malok & Marc Oraison & Marcel Aymé & Marcel Chabot & Marcel Herms & Marcel Mariën & Marcus Manilius & Marie Suel & Mark Pawson & Mark Reeve & Marlies Mulders & Martin-Pierre Baudry & Martine Amalvict & Mary Beach & Maurice Blanchard & Maurice Clavel & Maurice Magre & Maurice Raphaël & Mauricette Beaussart & Max Jacob & Michaël Delannoy & Michaël Dumont & Michael Gibson & Michael Leigh & Michael Lumb & Michael T. Hinkemeyer & Michel Champendal & Michel Debray & Michel Houellebecq & Michel Lecamp & Michel Ohl & Michel Valprémy & Mohammed Mrabet & Nadège Fagoo & Naomi Ramieri-Hall & Nathanaël West & Nicolaï Greschny & Nicolas Tardy & Ojo Brems & Ovide & P. Spence & Panaït Istrati & Pascal Pithois & Pascal Ulrich & Patricia Collins & Patrick Süskind & Paul Bowles & Paul Chicon & Paul François & Paul Léautaud & Paul Morand & Paul Sussman & Paula Gosling & Per Wahloo & Peter Matthiessen & Philip K. Dick & Philippe Billé & Philippe Canat & Philippe Djian & Philippe Durant & Philippe Laurent & Philippe Val & Pierre Gajewski & Pierre Garnier & Pierre Gripari & Pierre Véry & Pierre-Albert Birot & Poppy Red & Poppy Z. Brite & Probe Plankton & Quiniole & Rabelais & Raoul Duguay & Raymond Carver & Raymond Cousse & Raymond Queneau & Rea Nikonova & René Daumal & Richard Belfer & Richard Brautigan & Robert M. Pirsig & Robert Varlez & Robin Crozier & Rod Summers & Rodolphe Balensi & Roger Martin du Gard & Roger Metallic Avau & Saint Luc & Sam Cannarozzi Yada & Sam Shepard & Samuel A. Krasney & Sara Joyce & Schmid & Seamus Heaney & Serge Segay & Shmuel & Slawomir Mrozek & Stéphane Batsal & Steve Knickmeyer & Stuart M. Kaminski & Sylvie Germain & T.C. Boyle & Tarjei Vesaas & Thierry Alcouffe & Thierry Dessolas & Thomas Disch & Thomas McGuane & Thomas Merton & Thomas Suel & Tom Wolfe & Tony Hillerman & Tristan Tzara & Turk & Valère Novarina & Véronique Campion-Vincent & Vincent Courtois & Virgile & W. Clark & Willem & William Beckford & William Brown & William Burroughs & William Gibson & Witold Gombrowicz & Yves Haubois... &
La moue n’est pas vraiment morte puisqu’un grand nombre de numéros à tirage unique sont toujours en cours de fabrication et continuent d’être offerts de manière aléatoire et gratuite par la voie postale.
Tant que le flot de littérature industrielle (prospectus de supermarché, catalogues de livres, courriers en faveur de l’électrothérapie, propositions d’abonnements aux journaux parisiens, propagande publicitaire ou politique, etc...) continuera de couler dans notre boîte aux lettres, la fabrication de Moue de Veau est garantie. Quand les veaux grandissent, ils deviennent des boeufs, des vaches, des taureaux, des génisses, des taurillons, mais la moue demeure...
[1] http://academie23.blogspot.com/2010/12/faire-son-trou-dans-le-monde-des.html
[2] http://academie23.blogspot.com/