Mesure d’impact social, performance sociale, traçabilité des investissements humains…Si tout devient calcul, la diversité des valeurs fond plus vite que la banquise.
Le secteur associatif est à l’aune de sa querelle des anciens et des modernes. A la différence près que l’enjeu n’est pas esthétique, mais tristement arithmétique. Les modernes empruntent un champ lexical étrangement similaire aux grands groupes capitalistes : mesure d’impact social, performance sociale, traçabilité des investissements humains… Les anciens défendent mordicus l’âme associative fondée sur l’Homme au centre du projet, un irréfragable dogme qui implique, de facto, que certaines choses ne pourront jamais être mesurées.
A l’heure du triomphe des marchés où la performance dicte sa loi, le projet des anciens manque de libido. Il ne fait plus rêver. Celui des modernes est encensé, évidemment. Dans un livre puissant et prophétique , Eve Chiapello et Luc Boltanski rappelaient que le génie du capitalisme est de savoir muter en reprenant à son compte le champ lexical du camp d’en face… Suite à l’ébranlement de mai 68 et la demande de liberté, le patronat répondit « autonomie », « flexibilité », « internationalisation ».
Les libertaires applaudirent, quand les plus lucides comprirent d’emblée que cela allait accélérer l’émergence de précarité et augmentait considérablement la productivité. L’injonction politique embraye puisque depuis le Général de Gaulle, la France est gouvernée par des technocrates, comptables ; aux aspirations plutôt progressistes ou plutôt conservatrices, mais des comptables. Et les intérêts convergents des entreprises et des politiques poussent à vouloir tout calculer.
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